Plaidoyer pour une actualité religieuse réfléchie

L’actualité liée au fait religieux de la semaine a, une fois encore, été bien fournie.

Florilège :

  • Bruxelles en état de siège
  • Voyage du pape François en Afrique
  • Suspension d’un prêtre catholique ayant osé comparer les terroristes de vendredi 13 à leurs victimes pour adoration du diable
  • Attentats contre le bus de la sécurité présidentielle à Tunis
  • Adoption par le Parlement tessinois de la loi « anti-burqa »
  • Création d’un collectif « Valaisan-ne-s contre l’interdiction du port du voile à l’école »
  • Perquisition aux domiciles de deux imams de la mosquée de Genève
  • Attentat contre une procession chiite au Nigéria
  • Pressions sur l’association An’Nur de Winterthur soupçonnée de favoriser le départ vers le Sham de certains jeunes de la région
  • Tollé contre la décision du Conseil communal de Neuchâtel de ne pas placer de crèche de Noël devant l’hôtel de Ville au prétexte que la mairie appartient à tous les citoyens et non à une partie d’entre eux
  • Cérémonies d’hommages aux victimes des attentats de Paris

La liste pourrait bien sûr continuer. Et c’est dans ce contexte sociétal tendu, que la RTS a annoncé la suppression à partir de 2017 de tous les magazines de la rédaction consacrés au traitement réfléchi, critique et documenté du fait religieux. « Faut pas croire », « A vue d’esprit » et « Hautes Fréquences » ne se contentent pas d’évoquer des thématiques en lien avec le religieux, ni de surfer sur une vague sensationnaliste réduisant de complexes conflits à cette seule dimension. Non. S’il est aussi leur rôle de réagir à l’actualité, ce sont bien d’autres thématiques qu’ils contribuent à éclairer. Ainsi « Faut pas croire » traite indifféremment de migrations, de handicap, d’assistance au suicide, de chasse, de tourisme éthique ou encore de Star Wars ! Dans le contexte d’inculture générale par rapport à l’islam, notons que « A vue d’esprit » vient de consacrer deux séries de cinq émissions consacrées respectivement à la réforme de l’islam et à l’histoire plurielle du Coran. Quant aux auditeurs de « Hautes Fréquences », ils auront pu apprécier durant ce mois de novembre des éclairages avisés sur la mort et le culte des saints, la scientologie, les coptes au parlement égyptien, les religions et la laïcité face aux attentats et bien sûr Daech et la haine de l’Occident.

La RTS se veut rassurante : évidemment que le religieux continuera d’être traité professionnellement dans ses autres magasines. Et bien cela ne me rassure pas. L’abandon de plages horaires dédiées à l’actualité ‘religieuse’ aura pour conséquence la dissémination des sujets dans l’actualité immédiate et les magazines de société. Difficile ensuite d’avoir une information étoffée et absente d’émotion. Et quid des équipes rédactionnelles ? Le partenariat entre la RTS et les agences de presse des Églises historiques a produit un journalisme d’intérêt public professionnel et confessionnellement neutre dans le traitement de ses sujets. Cette décapitation de RTS Religion (terme utilisé par les intéressés eux-mêmes) tombe vraiment comme une poignée de cheveux dans la soupe. A l’heure où les relations entre Etats, communautés religieuses, sociétés et individus se tendent, où « la sainte ignorance » (O.Roy 2008) s’invite dans les débats (en sont pour preuves les commentaires à ces actualités sur les réseaux sociaux…), les auditeurs et téléspectateurs de la RTS ont plus que jamais besoin des compétences de RTS religion.

Vous voulez soutenir RTS Religions, signer la pétition en ligne http://soutenonsrtsreligion.info/ ou sur la page Facebook https://www.facebook.com/jeSoutiensRTSreligion

 

 

Vendredi 13

Vendredi 13. Une date chargée de superstitions trouvant notamment leurs origines dans la mythologie nordique ainsi que le Nouveau Testament, la Sainte Cène et la crucifixion du Christ. Vendredi 13 novembre 2015. Une date désormais historique qui témoigne d’une folie meurtrière telle que seule Hollywood pouvait jusque-là mettre en scène. Une préparation minutieuse en vue d’effectuer des actions barbares, injustifiables et incompréhensibles. Une violence aveugle et absurde que les auteurs cherchent à légitimer par des invocations religieuses.

« Allahu akbar » ont scandé les assaillants. Soit. Lâchement assassiner des citadins partageant des moments de convivialité, des amoureux du rock, des fans soutenant leurs équipes nationales n’est qu’un acte d’une grande « petitesse ». Leurs buts ? Propager l’horreur, diffuser l’insécurité, faire régner la terreur pour fragiliser physiquement et psychologiquement les populations, pour diviser les opinions politiques et susciter de nouvelles fractures sociales entre individus et communautés.

Ce n’est pas parce qu’un groupe déclame à tout vent des formules religieuses que leur idéologie est en elle-même religieuse. Cependant, il n’en demeure pas moins que militants et exécutants de Daech se saisissent de références religieuses pour justifier leur soif de pouvoir et de vengeance. Qu’on y adhère ou qu’on le condamne, l’argument religieux est bel et bien présent, même s’il n’est mobilisé que pour asseoir la thèse du clash des civilisations et de l’incompatibilité entre islam et Occident. Comme si une religion pouvait être réduite à une région du monde, ou réciproquement.

Dans ce contexte, on ne peut que comprendre le développement sans précédent au XXIème siècle du discours sécuritaire de la France et, dans une moindre mesure, de ses partenaires européens. Malgré tout, je redoute que les débats sur « l’ennemi intérieur » contribuent à amplifier le sentiment anti-musulman galopant sur tout le continent. C’est pourquoi dans ces quelques lignes, je salue les réactions et prises de position sans concession des autorités musulmanes de par le monde. J’applaudis en Suisse aussi, les associations, organisations et unions musulmanes nationales qui ont fermement condamné cette violence.