Plusieurs médias nous informaient, lors de cette rentrée scolaire, d’une importante augmentation des cas d’élèves qui ne sont pas scolarisés à l’école mais à la maison ou au sein d’autres structures. Si j’ai déjà réagi à cette thématique dans ArcInfo, c’est l’opportunité ici de développer davantage le propos en mobilisant notamment quelques travaux de recherches sur le sujet, à commencer par celui de Pauline Probeouf qui a consacré sa thèse de doctorat à cette thématique. En réalité, les éléments présentés ici s’appuient essentiellement sur ce travail ; je donnerai quelques lectures possibles à l’issue du dernier article. Sans entrer davantage dans les détails à ce stade, le choix de scolariser son enfant à la maison est, en réalité, révélateur d’un certain rapport à l’école mais aussi d’une stratégie pour ses enfants.
Très concrètement, cette thématique fera l’objet de trois articles ; le deuxième et troisième paraitront dans deux et quatre semaines. Le deuxième portera davantage sur les motivations parentales alors que le dernier s’intéressera aux différentes aspirations éducatives des parents pour l’enfant. Le premier, celui-ci, traite du profil des parents qui décident de retirer leur enfant des institutions publiques traditionnelles.
Coup de projecteur sur le parcours des parents
S’intéresser aux enfants qui suivent une scolarité hors des murs scolaires nécessite forcément de questionner les parcours scolaires des parents. Il s’agit ici d’emblée de tordre le cou à certaines idées bien ancrées et discours trop simplistes : comme l’affirme Pauline Proboeuf « La réussite scolaire n’implique pas forcément une adhésion forte à l’école et il ne suffit pas d’avoir connu une expérience négative à l’école et dans la famille pour avoir un lien distendu avec la forme scolaire » (p. 165). Car oui, il existe une pluralité de profils de parents. Tout d’abord, ces parents qui étaient des élèves « moyens » comme nous l’entendons souvent. Ils ont un souvenir mitigé de l’école avec, dans certaines situations, un sentiment d’ennui lors de l’expérience scolaire. Pourtant, ces élèves n’ont pas nécessairement de mauvais résultats scolaires. Reprenons un exemple issu du travail de Pauline Proboeuf. Les propos qui suivent émanent d’une personne interviewée dans le cadre de la thèse de Pauline Proboeuf ; cette personne promeut une scolarisation hors des murs traditionnels pour son enfant. Elle évoque donc son parcours :
« On m’a toujours dit que j’étais bon en maths, tu vois. Et maintenant je pense toujours que je suis bon en maths, et pas bon en français ou quoi. Et ça m’a bloqué. J’ai l’impression que… j’aimerais bien savoir parler anglais ! Mais dans ma tête y’a une case qui me dit : “Bah non ! Tu ne peux pas ! C’est dur quand tu es adulte et puis tu as toujours été nul en langues, on te l’a toujours dit, donc tu vas galérer, n’essaie même pas !” » (Proboeuf, 2021, p. 166).
Il y a également ces autres individus pour qui l’école s’apparentait à un long et douloureux chemin de croix. Souvent, il s’agit de personnes qui cumulent des difficultés sociales aux difficultés scolaires ; ces situations se soldent par des formes de décrochage scolaire. Pour ces individus, les parcours difficiles ont laissé une trace, bien souvent indélébile. C’est le cas de Christophe, qui dit « avoir détesté » le collège qu’il a fréquenté.
« Il [Christophe] a enchaîné, à partir [de 8-9 ans], de nombreux redoublements jusqu’à devenir trop âgé par rapport aux autres élèves : le « décalage est trop important par rapport à la culture de la classe ». Il est donc déscolarisé pendant quelque temps. Les relations avec ses parents deviennent très tendues, notamment avec son père qui utilise régulièrement des termes rabaissants. » (Proboeuf, 2021, p. 173).
Enfin, il y a évidemment les élèves qui sont généralement qualifiés de bons, même très bons. Il s’agit de parents qui avaient un très bon rapport à l’école qui étaient qualifiés de « brillants » par certaines personnes. Pauline Proboeuf évoque le cas d’une personne qui a brillamment réussi sa scolarité et a échoué, dans le contexte français, à entrer dans une « grande école ». Plus tard, elle décidera de se réorienter pour devenir enseignante. Malgré cette orientation professionnelle, elle décide quand même de faire suivre une scolarité alternative à ses enfants. La personne évoque ce que ses camarades vivaient :
« C’est là que je me suis rappelée que des copains avaient des « nul » en rouge sur leur cahier alors que moi j’avais des « excellent ». C’est là que je me suis souvenue des humiliations verbales ou physiques en classe de mauvais élèves, et je suis tombée de haut, désenchantée » (Proboeuf, 2021, p. 178).
Nous n’avons pas évoqué ici les raisons qui ont poussé ces individus à opter pour l’instruction de leurs enfants hors des murs scolaires ; cet élément fera l’objet de l’article qui paraitra dans 2 semaines. Il est aujourd’hui intéressant de constater qu’il n’y a pas qu’un profil de parents qui sortent leurs enfants de l’école traditionnelle. Même si chaque catégorie a, généralement, ses propres motivations pour entrer dans une telle démarche, il s’agit de faire le constat que l’école, telle qu’elle est organisée, pensée et conduite semblent tellement dysfonctionnelle pour certains parents qu’ils préfèrent les retirer de l’école traditionnelle. Plus que d’interdire le « homeschooling » ou les formes alternatives, l’école publique a sans doute beaucoup à gagner d’essayer de comprendre, en détail, le profil des parents de ces élèves.
Dans deux semaines, nous travaillerons à mieux saisir la façon dont ces parents perçoivent l’école traditionnelle. Les perceptions sont-elles tout aussi variées que les profils ?
C’est aux gens de pouvoir de remédier aux insuffisances des individus. Comment? Malheureusement l’autoritarisme est une solution embêtante. Alors on laisse les choses en l’état. En temps normal, ce n’est pas une mauvaise solution. Mais beaucoup font fi de concepts tels que la volonté personnelle, le courage, le dévouement pour aller vers la construction d’une forteresse: la famille comme moyen d’éviter la confrontation aux autres. Cela évite des souffrances souvent indésirables. Le cocon familial peut-il être une île? Sera-t-il nécessaire une fois arrivé dans le monde du travail de faire l’apprentissage des relations humaines? Parfois oui, parfois non. Question de chance, de tomber dans le bon milieu. L’intérêt de l’enseignement est d’apporter les connaissances au plus grand nombre même aux défavorisés, voire surtout aux défavorisés, lesquels sont souvent aigris et même agressifs. Le pays a besoin de tous les talents souvent non repérés. De plus, un professionnel de l’éducation met des années à faire grandir sa valeur professionnelle. Du moins, je le crois. Mais cela ne suffit pas à convaincre les parents … et ce n’est pas toujours vrai! L’autre intérêt de l’enseignement est l’apprentissage de la socialisation (récréation, liberté, coopération, confrontation)… et cela réussit plus ou moins, le contact avec les copains: parfois c’est un paradis, parfois un enfer. Bref, foutu problème!
Merci pour ce article pertinent et qui (m’)explique les blocages passés et présents sur certaines matières .
Trop tard, difficile d’y remédier