Aviron, leçon de vie n°1 : La collaboration est nécessaire à la compétition

Qu’est-ce qui fait avancer un bateau d’aviron ? Cette question, je la pose souvent aux jeunes débutants qui arrivent pour la première fois au club, assis silencieusement dans la salle de musculation. Les premières réponses sont toujours les mêmes : la force du rameur et son mouvement. C’est juste. La puissance et la technique sont essentielles. Mais à cela s’ajoute un autre élément majeur à ne pas oublier pour un bateau d’équipe : l’ensemble entre les rameurs, qu’ils soient deux, quatre ou huit.

Et en effet, pour qu’un bateau ait ce qu’on appelle une bonne glisse, le coup de rame dans l’eau doit être effectué en parfaite simultanéité. Les rameurs doivent être synchros lors de la « prise d’eau », pousser sur leurs jambes au même moment et effectuer le « dégagé » comme une seule personne. En pratique, cela exige de nombreuses heures d’entraînements et une harmonie travaillée entre les coéquipiers. Aussi puissants que soient les membres de l’équipe individuellement, un bateau désuni n’ira pas très loin…

L’impératif de collaboration sur l’eau se traduit également sur terre, dans de multiples aspects de la vie d’une équipe d’aviron, quel que soit le niveau.

Par exemple, il existe dans mon club un groupe de jeunes compétiteurs, dont j’ai fait partie à une époque. Ils s’entraînent ensemble, tous les jours, été comme hiver, sous la pluie ou le soleil. Les jours de week-end, tôt le matin, on peut donc voir une vingtaine de jeunes qui ont renoncé à leur grasse matinée pour venir se presser devant les portes des hangars, attendant que l’entraîneur annonce la composition des équipages. Deux copains montent parfois sur le même bateau, parfois ils sont mis en concurrence, sur des bateaux différents. Sur l’eau, chacun de son côté donne le meilleur de lui-même et, revenu sur terre, tous reforment une seule et même grande équipe. Assis sur des tapis de gym, en train de faire leur stretching, ils parlent de l’entraînement, échangent conseils et encouragements. Cette coo-pétiton, comme on pourrait l’appeler, permet à tous de progresser ensemble au meilleur de leurs capacités.

De ma génération, nous étions une bonne quinzaine, filles et garçons, à se « tirer la bourre » tous les week-ends. Parmi nous, deux à ce jour (Go Frédérique, pour Tokyo!) ont représenté la Suisse aux Jeux Olympiques. Et même s’ils ont parcouru un long chemin depuis ces rendez-vous devant les hangars, le samedi matin à 8h00, nous avons tous le sentiment d’avoir participé, à notre manière, à leur réussite.

Entraînement en fin de journée ©Arnaud Bertsch

Et cette expérience, j’essaye de m’en souvenir dans la « vraie vie » : faut-il forcément se méfier de ses concurrents ? Se barricader et chercher à tout réaliser seul ? Ou vaut-il mieux miser sur l’échange de conseils, le partage d’informations et la mise en commun de ressources ? J’ai, quant à moi, plutôt envie de faire confiance et de réaliser des projets à plusieurs en regardant dans la même direction. Comme sur un bateau d’aviron, vous l’aurez remarqué…

Et oui, bien-sûr, chaque individu essaye de progresser (que ça soit dans son travail, dans ses relations sociales ou dans le développement de soi) et peut-être que certains seront plus rapides, plus efficaces. Mais participer à un effort de groupe, ensemble, qui dépasse le simple intérêt individuel, permet à chacun d’aller plus loin.

Un peu naïf ? Peut-être, mais à ce jour j’ai eu le bonheur d’appartenir à une multitude d’équipes – souvent fort peu sportives – et je me suis toujours sentie plus forte grâce à elles.

Cet article fait partie de la série : Les leçons de vie que m’a apporté l’aviron. Si vous voulez commencer par le début de la série, RDV sur le premier article : https://blogs.letemps.ch/juliette-jeannet/2019/01/10/laviron-mon-ecole-de-vie/

 

Juliette Jeannet

Juliette hérite de sa passion du sport de son grand-père, ancien rameur olympique. Grâce à un esprit de club stimulant, elle s’engage dans la compétition internationale en aviron (2011 à 2013). Très active au sein du LS aviron, elle pratique et côtoie une multitude d’autres sports. En parallèle, elle vulgarise et promeut des thématiques de la transition écologique à travers des vidéos pour la Fondation Zoein.