Aviron, leçon de vie n°6 : être sportif d’élite ne demande pas de sacrifice.

// Pour enrichir le sujet, Podcast à écouter après la lecture : mon interview de Frédérique Rol, rameuse d’élite : https://soundcloud.com/juliette-jeannet/aviron-delite-et-sacrifies/s-5pAo4//

Je suis une grande spécialiste du FOMO. Fear Of Missing Out en bon français. Cette idée que quoique l’on fasse, il y a quelque chose de plus intéressant que l’on est en train de louper.

Entre mes 17 et 19 ans, j’ai participé à trois championnats du monde et ai atteint la septième place des moins de 23 ans. Beaucoup d’entraînements, donc, et un terrain spécialement fertile pour le FOMO, surtout en tant qu’adolescent/jeune adulte : je pourrais être en train de me prendre mes premières cuites au lieu d’aller me coucher à 22 heures tapantes. Je pourrais profiter de grasses matinées au lieu d’être sur l’eau à l’aube. Je pourrais partir en road trip en Espagne au lieu de passer l’été en stage d’entraînement.

Ce sentiment – occasionnel – de frustration est alimenté par une incompréhension de l’entourage face à un mode de vie de sportif. Parce que, quand on est jeune, ce n’est pas ce qu’on est censé faire. On est censé « profiter », pas s’entraîner. L’image type de la jeunesse véhiculée par les séries ou les réseaux sociaux, c’est une jeunesse libre, insouciante et légère.

C’est alors toujours les mêmes remarques qui reviennent :  tu n’en as pas marre de faire tous ces sacrifices ? De sacrifier tes études, de sacrifier tes relations, de sacrifier ta famille ?

Cette idée de sacrifice, elle revient systématiquement.

Je me souviens un jour d’avoir dit à mon coach : « j’ai du plaisir cette saison, même si c’est quand-même difficile de sacrifier sa vie sociale. » Sa réponse : « C’est vrai, retrouver tous les jours quinze personnes de ton âge avec qui tu partages une passion, avec qui tu fais des projets, avec qui tu finis par passer le reste de ton temps libre, même en dehors du club… c’est vrai, on ne peut pas appeler ça une vie sociale !»

Parce que, quand on parle de sacrifices, il y a la dimension de ce que l’on « sacrifie », mais aussi de pour quoi on le « sacrifie ».

Dans mon cas, on ne parle pas de médailles (elles sont éphémères) ou de gloire (il n’y en a pas), mais d’un vrai mode de vie où les soirées de beuverie loupées (mais rattrapées sur le tard), les matinées glaciales sur l’eau ou les vacances à Sarnen (canton d’Obwald) deviennent finalement de formidables souvenirs de jeunesse de par l’indépendance acquise et l’intensité des moments partagés dans un club d’aviron.

Et il est même des jours – quelques années plus tard – où, morose à son bureau et réfléchissant aux tracas quotidiens, on se dit : « est-ce que le vrai sacrifice n’était pas de quitter les sensations de cette vie-là ? »

 

//Podcast pour enrichir le sujet : mon interview de Frédérique Rol, rameuse d’élite//

Il y a ceux qui ont goûté quelques années au sport d’élite, mais en arrêtant relativement tôt (à 19 ans en ce qui me concerne) et ceux qui continuent jusqu’à y consacrer une partie majeure de leur vie.

Parmi eux, mon ancienne co-équipière de club, Frédérique Rol, qui appartient à l’équipe nationale depuis 2011 et qui s’entraîne pour une qualification aux JO de Tokyo. Son quotidien : 6 jours par semaines au centre national, 30 heures d’entraînements hebdomadaires et une vie qui gravitent autour des jeux olympiques 2020.

Est-ce que toi, Fred, tu as l’impression de devoir faire des sacrifices ? Podcast à écouter sur : https://soundcloud.com/juliette-jeannet/aviron-delite-et-sacrifies/s-5pAo4

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Cet article fait partie de la série : Les leçons de vie que m’a apporté l’aviron. Si vous voulez commencer par le début de la série, RDV sur le premier article : https://blogs.letemps.ch/juliette-jeannet/2019/01/10/laviron-mon-ecole-de-vie/
Photo: ©Arnaud Bertsch

 

Juliette Jeannet

Juliette hérite de sa passion du sport de son grand-père, ancien rameur olympique. Grâce à un esprit de club stimulant, elle s’engage dans la compétition internationale en aviron (2011 à 2013). Très active au sein du LS aviron, elle pratique et côtoie une multitude d’autres sports. En parallèle, elle vulgarise et promeut des thématiques de la transition écologique à travers des vidéos pour la Fondation Zoein.