Joyeux anniversaire M. le Président Berset

Laissez-moi tout d’abord vous souhaiter à toutes et à tous de belles fêtes de Pâques!

Les citoyennes et citoyens suisses savent qu’en Suisse le poste de président.e de la Confédération suisse est une fonction avant tout symbolique voire honorifique, un peu comme les présidents en Allemagne, en Autriche ou encore en Italie. Dans ces trois pays, c’est le Chancelier allemand (Olaf Scholz à Berlin), le Chancelier fédéral autrichien (Karl Nehammer à Vienne) et la Présidente du Conseil italien (Giorgia Meloni à Rome) qui détiennent réellement le pouvoir. Chez nous, le président ou la présidente change tous les ans et cette année, c’est Alain Berset qui occupe la présidence pour la seconde fois après un premier mandat en 2018. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est son anniversaire et j’en profite pour lui souhaiter un joyeux anniversaire.

L’année présidentielle d’un.e président.e suisse est marquée par des discours ou des inaugurations sur la scène intérieure et des rencontres diplomatiques sur la scène extérieure. Le président ou la présidente de la Confédération représente notre pays lors de visites officielles ou d’Etat à l’étranger et reçoit les chefs d’État et de gouvernement en visite en Suisse.

Jusque là, vous me direz que je ne vous apprends rien. Par contre, par mon intérêt comme vous le savez pour les relations de la Suisse avec le reste du monde, j’ai depuis le début de l’année fait un décompte des entretiens téléphoniques, des réceptions officielles à Berne et des voyages officiels d’Alain Berset. Même si nous sommes que le quatrième mois de l’année, je dois dire que je suis surpris de ses maigres contacts diplomatiques en comparaison avec l’année 2018. Cette année-là, il s’était rendu en Autriche, au Bangladesh, en Corée du Sud et au Liechtenstein. Il avait dans le même temps rencontré à Berne le Président du Mozambique et le Premier ministre du Bhoutan. Tout ça rien que les trois premiers mois de l’année!

Cependant, je remarque qu’en ce début d’année, les contacts diplomatiques sont plutôt maigres si on ne prend pas en compte le WEF de Davos. Pour les entretiens téléphoniques, Alain Berset a parlé avec son homologue ukrainien Volodymry Zelensky le mois passé. Pour les réceptions officielles, aucune n’a été organisée sur la Place fédérale (visite d’Etat) ou au Domaine du Lohn (visite officielle) à ma grande surprise. Et enfin pour les voyages officiels, le Président Berset s’est rendu en Autriche, au Botswana, au Mozambique, au Luxembourg, à deux reprises aux Etats-Unis (au siège de l’ONU à New York) et dernièrement au Liechtenstein. Il devrait se rendre normalement le 18 avril prochain à Berlin selon le site de la présidence allemande et assister le mois prochain au couronnement du Roi Charles III à Londres. Pour moi, il manque quand même à ce début d’année présidentielle des pays de grande importance comme l’Australie, la Chine, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil. Pour l’heure, je n’ai pas vu d’informations comme quoi il se rendrait cette année dans un de ces pays.

Comme l’a dit un jour l’ancienne présidente de la Confédération Doris Leuthard, notre pays est de loin une puissance économique ni même militaire. Toutefois, la Suisse est une puissance diplomatique respectée par ses pairs. Il est du devoir d’un.e président.e de la Confédération en exercice de se rendre le plus possible à l’étranger et de marteler ce message dans le but de se faire respecter et de défendre notre place dans le concert des nations.

Ignazio Cassis au pays du soleil levant

Le Président de la Confédération Ignazio Cassis a effectué ces derniers jours une visite présidentielle au Japon. Outre les sujets des relations bilatérales entre Berne et Tokyo et la coopération scientifique, la guerre en Ukraine a aussi été évoquée. Plusieurs dirigeants internationaux redécouvrent les vertus de ce pays, face à une Chine autoritaire et conquérante. Le Japon peut-il redevenir premier partenaire commercial en Asie?

Les deux premiers jours de ce voyage présidentiel ont été consacrés à des échanges politiques. Ignazio Cassis a pu parler avec le Premier ministre Fumio Kishida et son homologue des affaires étrangères Yoshimasa Hayashi. Ensemble, ils ont évoqué plusieurs thématiques comme les relations diplomatiques entre les deux pays, la guerre en Ukraine et son impact sur la sécurité en Europe et en Asie ainsi que la recherche. La science a occupé une place prépondérante, car comme notre pays est malheureusement exclu du programme européen de recherche Horizon Europe, Berne fait de son mieux pour renforcer ses liens avec d’autres pays hors UE (exemple Israël). Au cours d’une conférence à l’université de Kyoto, le Président Cassis a déclaré que : “la communauté internationale doit être capable d’exploiter les évolutions de la recherche scientifique afin de prendre les meilleures décisions possibles dans l’intérêt de l’humanité”. Un discours qui voulait souligner l’importance de la diplomatie scientifique pour avancer et affronter les défis de demain ensemble. Seul petit bémol passé inaperçu, il s’agissait d’une visite présidentielle et Ignazio Cassis n’a même pas pu rencontrer l’Empereur Naruhito. Aucune explication trouvée à ce stade, mais quand un président américain visite le Japon, il est coutume qu’il rencontre et l’Empereur et le Premier ministre.

Le Président de la Confédération Ignazio Cassis a rencontré lundi dernier à Tokyo le Premier ministre japonais Fumio Kishida.

Le retour de la Triade

Le pays du soleil levant est très courtisé en ce moment. Le Président suisse Ignazio Cassis et la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern y étaient cette semaine, La semaine prochaine, ce sera au tour du Chancelier allemand Olaf Scholz de visiter le Japon. Et en mai, le Président américain Joe Biden y effectuera lui aussi une visite. Ces dirigeants redécouvrent les vertus de ce pays. Il est démocratique, libéral sur le plan économique, doté d’une économie très développée et d’institutions solides, c’est un partenaire stratégique sur lequel on peut compter. Aussi, il est un allié apprécié de Bruxelles et de Washington. Exemple, dans le conflit ukraino-russe, le Japon n’a pas hésité à lui aussi sanctionner la Russie. Tout le contraire de la Chine! Il faut se rappeler que dans les années 80, le Japon faisait partie de la Triade, soit les trois pôles économiques (Japon, Communauté économique européenne et Etats-Unis) qui dominaient le monde.

Vu du Japon, la Chine est devenue un voisin de plus en plus menaçant. Face à la montée en puissance de celle-ci, Tokyo tient désormais une place plus centrale, dans la stratégie claire de Washington de renforcer ses positions dans la zone indo-pacifique. Le Président Biden a aussi rallumé fin septembre une alliance endormie, le Quad, avec l’Inde, le Japon et l’Australie. Il est impératif que le Japon redevienne un partenaire de premier plan en Asie, au nom de la défense de la démocratie sur cette terre.

 

Diplomatie suisse : un bon premier trimestre

Deux ans après le début officiel de la pandémie de Covid-19, les sept Conseillers fédéraux ont pu reprendre presque normalement les voyages à l’étranger. Fini les réunions virtuelles ou les entretiens téléphoniques, les rencontres physiques ainsi que les poignées de mains ont fait leur grand retour. Pour ce premier trimestre de l’année 2022, c’est avec une belle brochette de pays européens principalement que les autorités suisses ont pu échanger sur différents thèmes. Le Président Ignazio Cassis, son Vice-Président Alain Berset et le reste du Gouvernement fédéral ont eu des échanges avec de grands chefs d’Etat et de gouvernement. Retour sur ces rencontres officielles.

Je commencerai à chaque fois par les entretiens téléphoniques, puis les réceptions officielles, c’est-à-dire celles qui ont lieu à Berne ou ailleurs en Suisse lors de la visite d’un président, d’un roi ou d’un premier ministre et enfin je terminerai avec les visites à l’étranger.

Diplomatie – Janvier 2022

-Entretien téléphonique : appel avec le Président ukrainien Volodymyr Zelensky, le jour même où à Genève se tient une rencontre entre la Secrétaire d’Etat adjointe américaine Wendy Sherman et le Vice-Ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Riabkov qui parlent de l’avenir du continent européen. Un mois et quatorze jours avant l’invasion russe en Ukraine.

-Réception officielle en Suisse : Daniel Risch, Chef du Gouvernement liechtensteinois, est accueilli par Ignazio Cassis au sommet du Säntis pour les 50 ans de la Conférence internationale du lac de Constance.

-Voyages à l’étranger : les voisins de la Suisse sont mis à l’honneur. Ignazio Cassis est d’abord à Vienne pour y rencontrer son homologue Alexander Van der Bellen et respecte ainsi la tradition de la première visite à l’étranger. Une semaine plus tard, Ignazio Cassis se rend Berlin pour y rencontrer son homologue Frank-Walter Steinmeier ainsi que le nouveau Chancelier Olaf Scholz. Une sorte de prise de contact avec les nouvelles autorités fédérales en place.

Le nouveau Chancelier allemand Olaf Scholz accueille Ignazio Cassis à Berlin.

Diplomatie – Février 2022

-Entretien téléphonique : appel avec le Président ukrainien Volodymyr Zelenski deux jours après l’invasion et l’agression russe en Ukraine. La Suisse condamne fermement cette acte, tout comme l’ensemble des pays de l’Union européenne, les Etats-Unis et le Japon.

-Réception officielle en Suisse : Karl Nehammer, Chancelier fédéral autrichien, est accueilli par Ignazio Cassis à Zofingue. Le Chancelier Nehammer avait dû s’isoler pour cause de coronavirus lors de la visite à Vienne du Président Cassis.

Le Chancelier fédéral autrichien Karl Nehammer est accueilli par Ignazio Cassis à Zofingue.

-Voyages à l’étranger : Karin Keller-Sutter, Conseillère fédérale en charge de justice et police, se rend à Lille pour participer à une réunion sur la réforme de l’espace Schengen. La Conseillère fédérale Keller-Sutter a pu s’entretenir brièvement avec le Président français Emmanuel Macron. Pour une raison qui m’échappe encore, Ignazio Cassis a décidé d’effectuer une visite officielle au Niger, pays avec lequel les relations commerciales sont faibles. Sur place, il a pu s’entretenir avec son homologue Mohamed Bazoum. Enfin, Alain Berset, Conseiller fédéral en charge de l’intérieur, s’est rendu à Tirana pour parler sécurité sociale et Covid-19. Il a également pu s’entretenir avec le Vice-Premier ministre Arben Ahmetaj au sujet des excellentes relations entre la Suisse et l’Albanie.

Diplomatie – Mars 2022

-Entretiens téléphoniques : suite à l’invasion et l’agression de l’Ukraine par la Russie, Ignazio Cassis s’est entretenu avec plusieurs dirigeants de pays frontaliers de l’Ukraine. Il a pu parler aide humanitaire suisse aux réfugiés et accueil de ceux-ci en Suisse avec la Présidente moldave Maia Sandu, avec le Président roumain Klaus Iohannis, avec la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ainsi qu’avec le Premier ministre ukrainien Denys Chmyhal.

-Réceptions officielles en Suisse : János Áder, Président hongrois, est accueilli par Ignazio Cassis aux chutes du Rhin pour faire un point sur les relations entre Berne et Budapest, parler de la situation en Ukraine et aussi de la politique européenne de la Suisse. Quelques jours plus tard, Alexander De Croo, Premier ministre belge, est accueilli par Ignazio Cassis à Sierre pour marquer un hommage à l’occasion des 10 ans de l’accident de car de Sierre, où 28 victimes, dont 22 enfants belges et néerlandais sont morts. Ils ont également fait le point sur les bonnes relations entre Berne et Bruxelles (le pays, pas les institutions européennes).

-Voyages à l’étranger : Ignazio Cassis, très touché, mais comme nous tous, par le drame humanitaire en Ukraine, s’est rendu dans deux pays frontaliers de l’Ukraine. Premièrement à Varsovie où il a rencontré le Président du Conseil Mateusz Morawiecki. Et deuxièmement à Chisinau, la capitale moldave, où il a été reçu par la Présidente moldave Maia Sandu et par la Première ministre Natalia Gavrița. Avec les autorités de ces deux pays, il a discuté de comment la Suisse pouvait apporter son aide dans le conflit ukraino-russe. Cependant, je m’interroge sur une non-réception par le Président polonais Andrzej Duda. Il est de coutume pour un président suisse d’être à chaque fois reçu par son homologue. Enfin, Ueli Maurer, Conseiller fédéral en charge des finances, s’est rendu Doha au Qatar pour parler finances et économie. Il a pu être reçu par l’Emir Tamim ben Hamad Al Thani pour un bref entretien et parler des bonnes relations entre la Suisse et le Qatar.

L’Emir Tamim ben Hamad Al Thani reçoit le Conseiller fédéral Ueli Maurer pour une visite de courtoisie. L’occasion d’aborder les bonnes relations entre la Suisse et le Qatar.

Et le reste du monde?

Le Président Ignazio Cassis a déjà presque terminé 1/4 de son année présidentielle. Oui, le temps file à toute allure. Les entretiens téléphoniques, les réceptions à Berne ou encore les voyages à l’étranger ont tous été fructueux pour notre diplomatie et cela doit continuer ainsi ces prochains mois. Cependant, je m’interroge sur l’absence de contact avec certains pays, de même qu’avec certaines régions du monde. Prenons exemple des pays voisins de la Suisse. Ignazio Cassis a pu rencontrer le Chancelier allemand Scholz, le Président fédéral et le Chancelier fédéral autrichien Alexander Van der Bellen et Karl Nehammer et le Chef du Gouvernement du Liechtenstein Daniel Risch. Mais aucun contact avec les autorités italiennes de même qu’avec le Président français Emmanuel Macron, pourtant tous deux voisins importants. Le Président italien Sergio Mattarella devrait effectuer une visite d’Etat prochainement en Suisse. Autre exemple l’Amérique du Sud. Aucun contact par téléphone ou rencontre physique avec un dirigeant sud-américain ces deux dernières années. Pourtant, il y a des pays commercialement importants comme l’Argentine, le Chili ou le Brésil. Idem pour l’Australie, l’Afrique du Sud, la Turquie, etc. M. Cassis, je vous demande d’élargir vos invitations futures et vos déplacements à d’autres régions du monde. Elles ont aussi le droit à avoir des contact avec vous.

Ignazio Cassis : un président et des défis

Ignazio Cassis est devenu officiellement Président de la Confédération le 1er janvier dernier. Le PLR tessinois de 60 ans a succédé à Guy Parmelin (UDC/VD), après une excellente année présidentielle tant au niveau national qu’international. Quels sont les défis qui attendent Ignazio Cassis en Europe et dans le monde?

Ignazio Cassis est le cinquième Tessinois à occuper le poste suprême. Le dernier représentant italophone était Flavio Cotti (1939-2020). Celui-ci a été à deux reprises président, en 1991 et en 1998. Il était membre comme moi du Parti démocrate-chrétien (devenu entre-temps Le Centre). Ignazio Cassis occupe la tête du Département fédéral des affaires étrangères depuis 2017.

Des défis diplomatiques en Europe

La semaine de la rentrée a commencé fort. Lundi, Ignazio Cassis s’est entretenu par téléphone avec le Président ukrainien Volodymyr Zelensky. Ensemble, ils ont abordé la situation sécuritaire à la frontière russo-ukrainienne. Ils ont également évoqué la prochaine conférence sur les réformes en Ukraine, prévue à Lugano cet été. Jeudi, il a respecté la tradition en se rendant pour la première visite à l’étranger à Vienne. Il a rencontré le Président fédéral Alexander Van der Bellen ainsi que le Chancelier fédéral Karl Nehammer (par téléphone puisque ce dernier avait été testé positif au Covid-19 quelques jours plutôt). Ils ont évidemment abordé le sujet phare, celui des relations entre la Suisse et l’Union européenne. L’Autriche est un pays ami et allié et je sais que le gouvernement autrichien fait tout son possible pour trouver des pistes de résolution dans ce long “conflit”. Et dans quelques jours, Ignazio Cassis se rendra à Berlin et y rencontrera le Président Frank-Walter Steinmeier ainsi que le nouveau Chancelier Olaf Scholz. A ce stade, il s’agit de deux pays importants avec qui la Suisse a généralement de très bons contacts. Il faut espérer qu’Olaf Scholz se montrera compréhensif envers son voisin suisse.

Le Président de la Confédération Ignazio Cassis a été reçu jeudi passé à Vienne par son homologue autrichien Alexander Van der Bellen. Image : compte Twitter d’Alexander Van der Bellen.

Les bémols italien et français

Petit bémol, il reste encore les autorités italiennes et françaises à rencontrer. Il faut absolument que ces rencontres se fassent cette année pour trois raisons. La première est que la dernière rencontre présidentielle Suisse-France a eu lieu en 2018 (Alain Berset et Emmanuel Macron). Quant à la dernière rencontre présidentielle Suisse-Italie, elle s’est tenue en 2020 (Simonetta Sommaruga et Sergio Mattarella). Pour des pays voisins, je reste surpris du peu d’échanges présidentiels. Ils sont quasiment faibles. La deuxième est qu’en Italie le président s’apprête à laisser son poste et qu’il ne s’est jamais rendu en Suisse depuis 2015 pour une visite officielle ou d’Etat, contrairement à son prédécesseur Giorgio Napolitano qui avait effectué une visite d’Etat en 2014. En France, il y a bientôt une élection présidentielle et il pourrait y avoir un changement à l’Elysée. Emmanuel Macron ne s’est jamais rendu en Suisse depuis 2017 dans le cadre d’une visite officielle ou d’Etat, contrairement à son prédécesseur François Hollande qui avait effectué une visite d’Etat en 2015. La troisième est que la Suisse a besoin de clarifier sa position sur les relations diplomatique Suisse-UE auprès de ses voisins et partenaires européens.

La Présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga reçue en 2020 à Rome par son homologue italien Sergio Mattarella. Image : compte Twitter de la présidence italienne.

Les défis diplomatiques internationaux d’Ignazio Cassis

A quand remonte la dernière visite d’un chef d’Etat et/ou de Gouvernement de l’Australie, de l’Afrique du Sud ou du Brésil en Suisse? Difficile de répondre, n’est-ce pas? L’Asie et l’Europe sont deux marchés économiquement importants pour la Suisse, personne ne le contestera. Il y a déjà eu beaucoup de rencontres bilatérales avec des pays asiatiques et européens. Mais ces dernières années, il a plutôt été rare de voir un officiel de l’Océanie, de l’Afrique ou de l’Amérique latine venir à Berne. Cette année, je souhaiterais qu’Ignazio Cassis se concentre sur ces trois régions-là. Nous devons absolument ne pas oublier ces régions et voir où la Suisse peut encore renforcer ses échanges commerciaux. Par exemple avec la Nouvelle-Zélande, l’Ethiopie ou encore le Chili? C’est à prendre ou à laisser!

 

 

Focus sur le Vietnam et le Kazakhstan

En l’espace de trois jours, le Président de la Confédération a célébré deux jubilés. Tout d’abord avec le Vietnam et ensuite avec le Kazakhstan. Les deux pays asiatiques représentent un marché important pour l’économie suisse. On peut saluer les accords signés, mais on peut regretter que ces deux visites n’aient pas été relevées au rang de “visite d’Etat”. La couverture médiatique de ces deux visites était quasi inexistante. Focus sur ces deus nations qui ont su dynamiser leur économie.

Suisse-Vietnam : 50 ans de relations

Vendredi 26 novembre, le Président de la Confédération Guy Parmelin recevait à Berne son homologue vietnamien Nguyên Xuân Phuc. Cette visite officielle avait pour but de célébrer les 50 ans de relations diplomatiques entre la Suisse et le Vietnam. C’est en 1971 que la Suisse a reconnu le Vietnam. Les deux chefs d’Etat ont indiqué vouloir renforcer les échanges économiques dans les années à venir. Actuellement, ils se montent à environ 3,2 milliards de francs, mais il existe un potentiel de croissance pour dynamiser ces échanges. Parmi les pays membres de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), le Vietnam figure au 3ème rang des partenaires commerciaux par ordre d’importance, juste après Singapour et la Thaïlande.

Suisse-Kazakhstan : 30 ans de relations

Lundi dernier, le Président de la Confédération Guy Parmelin recevait non pas dans la capitale, mais à Genève son homologue kazakh Kassym-Jomart Tokayev. Cette visite officielle a été l’occasion de marquer les 30 ans de relations diplomatiques entre la Suisse et le Kazakhstan. C’est en 1991 que la Suisse a reconnu le Kazakhstan, juste après la dislocation de l’URSS. Les deux chefs d’Etat ont souligné l’excellente relation entre les deux pays. Actuellement, le volume des échanges commerciaux se montent à environ 2,8 milliards de francs, mais il existe un potentiel de croissance énorme avec ce pays. Le sous-sol du pays des steppes regorge de matières premières, parmi lesquelles le pétrole, le gaz, le cuivre, le zinc, etc. Parmi les cinq républiques d’Asie centrale, le Kazakhstan figure au 1er rang des partenaires commerciaux par ordre d’importance, juste devant le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Leur économie respective n’est pas aussi globalisée que celle du Kazakhstan.

Une couverture médiatique pauvre

Je regrette d’une part que Berne ait décidé de ne pas élever ces deux visites au rang de « visite d’Etat ». On marque quand même 50 ans de relations ininterrompues avec le Vietnam ainsi que 30 ans de relations ininterrompues avec le Kazakhstan. Pourquoi le Conseil fédéral n’a pas organisé deux visites d’Etat distinctes pour ces pays-là? La pandémie est là, mais on aurait pu adapter le dispositif conformément aux règles sanitaires. D’autre part, la couverture médiatique a été complètement pauvre. Je n’ai pas entendu une seule émission parmi celles que j’écoute sur La Première ou que je regarde sur la RTS parler de ces visite. La dernière visite d’Etat d’un président en Suisse remonte à l’hiver 2020, c’était le président du Ghana.

Suisse – Géorgie : 30 ans de relations

Le Président de la Confédération Guy Parmelin a accueilli il y a deux jours la Présidente de la Géorgie Salomé Zourabichvili. En trente ans d’histoire entre les deux pays, il s’agissait de la première visite officielle d’un chef d’Etat géorgien dans notre pays. Outre une mise au point bienvenue sur les échanges commerciaux, les deux présidents ont discuté du mandat de puissance protectrice qu’exercice la Suisse en représentant les intérêts de la Géorgie en Russie et vice-versa. Tour d’horizon de cette rencontre historique.

La cheffe de l’Etat géorgien Salomé Zourabichvili a eu droit au tapis rouge et aux honneurs militaires vendredi dernier à Berne. Accueillie au domaine du Lohn (lieu de réception des chefs d’Etat étrangers) par son homologue suisse, les deux présidents ont passé en revue plusieurs dossiers d’intérêts réciproques comme le changement climatique, les liens culturels ou encore les échanges commerciaux. D’après le département du Conseiller fédéral Parmelin, en 2020, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays s’élevaient à environ 131 millions de francs. Il existe une volonté de la part des deux pays d’approfondir ces bonnes relations. Salomé Zourabichvili a aussi tenu à remercier la Suisse pour son rôle capital qu’elle joue dans la représentation des intérêts géorgiens en Russie et des intérêts russes en Géorgie. Depuis 2008, Tbilissi et Moscou sont en rupture de relations à la suite de l’indépendance autoproclamée de deux provinces géorgiennes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Celles-ci sont reconnus par le Kremlin mais pas par la communauté internationale.

Une ex-diplomate française à la tête de la Géorgie

Salomé Zourabichvili occupe la fonction de Présidente de la Géorgie depuis décembre 2018. Cette femme de 69 ans est née en 1952 à Paris. Ses parents géorgiens sont arrivés en France en 1921 pour échapper au rouleau compresseur bolchévique. Sa famille a toujours gardé un lien fort avec la culture géorgienne. Après des études en sciences politiques à Paris, elle s’est lancée dans une carrière diplomatique de presque trente ans entre l’ONU à New York, à Washington et au Tchad. C’est sous la présidence de Jacques Chirac qu’elle a été nommée ambassadrice de France en Géorgie. A l’époque, personne n’aurait cru qu’un jour, elle prendrait les rênes de son pays d’origine.

Doris Leuthard à Tbilissi lors de son année présidentielle 2017

Il s’agissait de la première visite officielle d’un chef d’Etat géorgien en Suisse depuis l’établissement des relations diplomatiques entre Berne et Tbilissi. Côté suisse, la Présidente de la Confédération en 2017 Doris Leuthard s’était rendue en visite présidentielle en Géorgie. Les deux pays célébraient alors cette année-là le 25ème anniversaire des relations bilatérales. Le président de l’époque s’appelait Guiorgui Margvelachvili.

Lors de sa visite présidentielle en Géorgie, Doris Leuthard s’était entretenue avec le Président géorgien d’alors Guiorgui Margvelachvili.

La Suisse joue un rôle central dans la recherche de la paix entre la Géorgie et la Russie. La représentation des intérêts géorgiens à Moscou et des intérêts russes à Tbilissi est saluée par les deux nations. La Géorgie, aux côtés de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, forment ce qu’on appelle la région du Caucase du Sud. Si Guy Parmelin a pu rencontrer son homologue géorgien vendredi, il serait souhaitable de recevoir tout prochainement le Président azéri Ilham Aliyev ainsi que le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Ces trois nations sont des pays importants aux yeux de notre diplomatie.

Vladimir, Guy et Joe

Le mercredi 16 juin 2021 restera comme l’une des journées les plus importantes de l’année pour la diplomatie suisse et mondiale. Les Présidents américain et russe Joe Biden et Vladimir Poutine se sont rencontrés face à face à l’occasion d’un sommet historique à Genève. Plusieurs sujets d’intérêts communs et de tensions comme par exemple le désarmement nucléaire, le climat ou la situation de l’opposant russe emprisonné Alexeï Navalny ont été passés en revue par les deux délégations. Plusieurs observateurs des relations russo-américaines entendus à la radio avaient redouté de grandes avancées. Et pourtant, à la fin de la rencontre, les deux hommes ont émis une volonté de restaurer le dialogue et de travailler ensemble. Un des points importants de ce sommet à retenir est le retour en fonction à Washington de l’ambassadeur russe et à Moscou de l’ambassadeur américain. D’ailleurs, Anatoli Antonov, ambassadeur de Russie aux Etats-Unis, s’est envolé aujourd’hui pour Washington. Après les quatre années de haine déversée par Donald Trump contre les institutions internationales, Genève a-t-elle retrouvée sa place de plateforme de dialogue entre les grands de ce monde?

Un premier sommet Etats-Unis – Russie déjà en 1985

Il s’est passé 35 ans depuis la dernière rencontre Russie (URSS à l’époque) – Etats-Unis. C’était en novembre 1985 à Genève également, avec les leaders américain et soviétique Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev. Les Russes ont donc accepté l’offre des Américains de se rencontrer en présentiel en territoire neutre. Chapeau pour la diplomatie suisse car elle s’est activée en coulisse pour vanter les atouts de Genève. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, injustement condamnée par les Occidentaux, Washington et Moscou ne se parlait quasiment plus. Outre ce dossier chaud, l’avenir de Bachar al-Assad en Syrie ou celui d’Alexandre Loukachenko en Biélorusse sont aussi des sujets où Poutine et Biden analysent la situation différemment. Ce n’est pas cela qu’on devrait retenir mais plutôt la volonté des deux hommes de rétablir un canal de communication respectueux. Si les Américains et les Russes ne se parlent plus, alors le monde ne pourra jamais aller mieux. Depuis 1985, le monde a bien changé. A l’époque, il y avait d’un côté le camp communiste (Etats liés à l’URSS) et de l’autre le camp occidental (Etats liés aux Etats-Unis). Aujourd’hui, il y a des puissances qui ont un poids considérable autour du globe soit par leur économie puissante soit par leur arsenal militaire (Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Etats-Unis). Mais il y aussi eu ces dernières années une émergence de puissances dites régionales qui ont une certaine importance mais relative (Brésil, Japon, Allemagne, Pologne, Turquie, Israël, Australie, Inde, Indonésie, Thaïlande, Nigeria, Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Ethiopie ou encore l’Algérie). Les Etats-Unis et la Russie continueront à s’affronter idéologiquement mais davantage par le biais de leur alliés, les puissances régionales.

La Suisse, puissance ni économique ni militaire mais diplomatique

La Suisse en accueillant ce sommet a mis les petits plats dans les grands. Côté protocole, accueil des deux chefs d’Etat et sécurité, tout s’est bien passé. Joe Biden a eu un droit à un accueil à l’aéroport mais pas Vladimir Poutine. On dit qu’il n’aime pas trop ce côté protocolaire mais plutôt qu’il veut aller droit au but. Aucun incident n’est survenu pendant le sommet. On peut remercier ainsi toutes les personnes qui ont travaillé pour ce sommet et qui ont permis la tenue de cette rencontre. La Suisse a la particularité de parler à tout le monde, c’est-à-dire à des régimes démocratiques comme à des régimes semi-autoritaires. Notre Président Guy Parmelin a parfaitement endossé son costume de président, il a été au top. Il s’est entretenu le jour avant le sommet avec Joe Biden et le jour du sommet avec Vladimir Poutine. En ce qui concerne les relations Suisse – Etats-Unis et Suisse – Russie, il existe une volonté d’approfondir les relations bilatérales qui sont déjà très bonnes. Quand un Président de la Confédération rencontre un grand de ce monde, c’est toujours une marque d’estime. Enfin, je ne cache pas ma joie d’avoir vu Air Force One sur le tarmac de l’aéroport de Genève ou les cortèges de voitures américaines et russes circuler en ville de Genève. C’est toujours impressionnant de voir peut-être 30 ou 40 véhicules assurer la sécurité d’un chef d’Etat russe ou américain. En Suisse, on est tellement loin de ce “show”. Mais si j’étais Président suisse, probablement que je demanderais à Fedpol ou au SRC que le cortège présidentiel suisse soit plus imposant pour le public. Il faut montrer qui est le boss!

La Genève internationale, plateforme de dialogue indispensable

Genève est une ville connue dans le monde entier. Ce sommet a permis de remettre cette ville au cœur de la diplomatie mondiale. En gros, il y a un conflit ou une crise entre deux pays, les dirigeants devraient immédiatement penser à Genève. Un futur sommet Etats-Unis – Chine / Etats-Unis – Corée du Nord / Etats-Unis – Cuba / Etats-Unis – Iran, Genève est prête! Les années Trump et la crise du Covid-19 ont été un cauchemar pour la Genève internationale. Certes, Joe Biden reste un président américain qui défend d’abord ses intérêts mais quand un locataire de la Maison Blanche dit que le multilatéralisme a une importance, alors ses mots résonnent dans le monde entier. La Suisse doit continuer et elle le fera à soutenir la Genève internationale et le multilatéralisme. Face aux armes, le dialogue pour trouver des solutions sera toujours plus fort.

Sebastian Kurz, un ami autrichien qui nous veut du bien

Après la visite officielle de la Présidente Simonetta Sommaruga à Vienne en début d’année, une impressionnante délégation du Conseil fédéral a accueilli avec honneurs militaires et hymnes nationaux le Chancelier autrichien Sebastian Kurz. Les deux pays ont fait le point sur la situation sanitaire, les relations entre la Suisse et l’UE ainsi que plusieurs dossiers internationaux. Cette visite souligne les relations diplomatiques exceptionnelles qu’entretiennent la Suisse et l’Autriche. Jean-Yves Le Drian, Ministre français des affaires étrangères, était attendu à Berne le même jour mais a dû annuler sa visite pour une raison inconnue.

Le jeune Chancelier fédéral de la République d’Autriche, Sebastian Kurz, a été accueilli vendredi à Berne pour une visite officielle. La Présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, lui a déroulé le tapis rouge au domaine du Lohn. Il s’agit d’un des trois bâtiments prestigieux avec la Maison Béatrice de Watteville et l’hôtel Bellevue Palace que le Conseil fédéral utilise pour recevoir les chefs d’Etats et de Gouvernement. Durant les entretiens officiels entre les deux délégations, Simonetta Sommaruga et Sebastian Kurz ont abordé plusieurs sujets : la gestion de la crise sanitaire dans leur pays respectif, la protection des Alpes, les relations entre la Suisse et l’Autriche et entre la Suisse et l’Union européenne ainsi que quelques dossiers internationaux. Dommage que les deux dirigeants n’ont pas évoqué le fameux accord-cadre. Le soir, Sebastian Kurz a rencontré brièvement Gerhard Pfister, par ailleurs président de mon parti le PDC, dans les jardins de l’Ambassade autrichienne. Le Parti populaire autrichien (ÖVP) et le Parti démocrate-chrétien (PDC) sont proches puisque les deux partis ont une orientation chrétienne-démocrate et libérale-conservatrice.

La Présidente suisse Simonetta Sommaruga et le Chancelier autrichien Sebastian Kurz en pleine discussion au domaine du Lohn, lors de la visite officielle de ce dernier à Berne, le 18 septembre 2020.

De solides relations bilatérales entre Berne et Vienne

Les relations ente Berne et Vienne sont plus qu’excellentes. A l’image de la relation spéciale entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, la Suisse aussi a sa relation spéciale avec l’Autriche. La récente visite du Chancelier Kurz en témoigne. Ce n’est pas moins de cinq Conseillers fédéraux qui étaient présents autour de la table. Outre évidemment la Présidente Sommaruga, Alain Berset, Karin Keller-Sutter, Ignazio Cassis et Ueli Maurer ont pu échanger avec la délégation autrichienne. La coopération économique entre les deux pays se chiffre à plus de 20 milliards d’euros selon le DFAE. On est en droit de se demander pourquoi Guy Parmelin, Ministre en charge de l’économie, n’était pas présent au Lohn. Probablement parce qu’il est membre de l’UDC et donc de facto, il est contre tout ce qui vient de l’UE. La visite de Sebastian Kurz en Suisse est un renvoi d’ascenseur. Simonetta Sommaruga s’était rendue en visite officielle en Autriche en début d’année. Elle y avait rencontrée le Chancelier conservateur Sebastian Kurz mais aussi son homologue, le Président écologiste Alexander van der Bellen. Une tradition de longue date veut que la ou le président(e) suisse en fonction effectue sa première visite dans la capitale autrichienne.

La Président suisse Simonetta Sommaruga est accueillie par son homologue autrichien Alexander van der Bellen au Palais Hofburg, Vienne, le 30 janvier 2020. Photo : compte Twitter officiel de la présidence autrichienne.

Une visite annule passée malheureusement inaperçue 

La capitale fédérale aurait dû vivre une intense journée diplomatique vendredi. En plus de la visite officielle du Chancelier fédéral autrichien, la Présidente Simonetta Sommaruga et le chef du DFAE Ignazio Cassis devaient s’entretenir avec le Ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Sa visite avait été annoncée dans la presse mais pour une raison inconnue, il n’est pas venu à Berne. En faisant quelques recherches sur Google, je suis tombé sur un article de Bote der Urschweiz. Celui-ci nous apprend l’annulation de la visite de Le Drian en Suisse. Je suis surpris que les principaux médias romands n’ont pas évoqué ou cherché à comprendre le pourquoi du comment. A ce stade, je suppose une volonté de Berne comme de Paris de reprogrammer cette visite manquée. Aussi, j’espère une rencontre tout bientôt entre Simonetta Sommaruga et Emmanuel Macron à Berne ou à Paris.

Alexandre Loukachenko : une réélection controversée au-delà des frontières biélorusses

Au pouvoir depuis 1994, le Président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko a remporté la présidentielle du 9 août dernier avec 80% des voix contre 10% pour sa principale opposante Svetlana Tikhanovskaya. A l’annonce des résultats, des milliers de manifestants ont dénoncé les fraudes et sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère. Face aux tensions avec l’UE mais aussi avec la Russie, Alexandre Loukachenko pourra-t-il se maintenir éternellement au pouvoir? Résumé aussi en fin d’article de l’état des relations entre la Suisse et la Biélorussie.

Dimanche passé, sans surprise, l’indéboulonnable Président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a été reconduit à la tête du pays pour un sixième mandat. Avec 80% de voix en sa faveur contre 10% pour sa principale opposante, Svetlana Tikhanovskaya, c’est un quasi score soviétique qu’a réalisé le chef de l’Etat. Il faut se souvenir que le Président biélorusse est arrivé au pouvoir en 1994, j’avais à peine 1 an. Imaginez donc les jeunes de mon âge qui sont nés en Biélorussie, ils n’ont connu qu’Alexandre Loukachenko! A l’annonce des résultats au soir du dimanche 9 août, des milliers de manifestants protestaient contre le réélection de l’autoritaire ou du dictateur Loukachenko (à vous de choisir le terme qui décrit le mieux ce personnage). Ces derniers dénoncent des fraudes massives lors de la présidentielle. Par la suite, les manifestations pacifiques ont été violemment voire brutalement réprimées par les forces de l’ordre. La crise politique s’installe sur fond de tensions avec l’Union européenne et la Russie.

Des manifestants violemment réprimés

Après 26 ans de règne sans partage, les citoyennes et citoyens biélorusses voulaient un véritable changement. Rien n’a faire! Avec les images et les vidéos violentes de répression contre les manifestants, pour la plupart pacifiques, le monde s’est encore une fois divisé en deux blocs. Côté ouest, Berne, Bruxelles et Washington, DC ont appelé au respect des droits fondamentaux : s’exprimer librement et manifester pacifiquement. Côté est, Moscou et Pékin ont simplement félicité Alexandre Loukachenko pour sa réélection. Sans surprise! La police biélorusse a annoncé mercredi dernier avoir procédé à de nouvelles arrestations et fait usage de balles réelles. D’ailleurs, un de nos compatriotes a été interpellé dans le cadre des heurts en Biélorussie. Bonne nouvelle : il a été relâché vendredi dans l’après-midi. Quant à Svetlana Tikhanovskaya, elle a malheureusement dû fuir son pays pour se réfugier en Lituanie dans la nuit de lundi à mardi. Information confirmée le lendemain par le Président lituanien Gitanas Nauseda sur son compte Twitter. Mais les protestations des capitales européennes et la menace d’un retour des sanctions (levées en 2015) de l’UE suffiront-elles à faire plier le Président Loukachenko? Face aux pressions de la rue et à l’impasse politique actuelle, le chef de l’Etat biélorusse finira-t-il par dialoguer voire même lâcher le pouvoir? Un départ de Loukachenko dans les prochains jours voire les prochaines semaines est peu probable car il dispose encore d’une base fidèle et surtout il se maintient grâce aux militaires et aux forces de police. Vladimir Poutine ne va sûrement pas le lâcher, il ne veut pas revivre un deuxième épisode ukrainien. Je pense qu’il le laissera tomber seulement s’il trouve une ou un candidat(e) qu’il juge efficace et répondant aux intérêts russes.

Manifestation de soutien au peuple de Biélorussie qui conteste la réélection d’Alexandre Loukachenko, Berlin, 14 août 2020. Photo : Presseservice Rathenow

Loukachenko, une présidence sans partage

Alexandre Loukachenko a passé 26 ans au pouvoir à la tête de la Biélorussie. Cette ex-république soviétique de 9 millions d’habitants a toujours son KGB, son économie planifiée et sa peine de mort. On le surnomme volontiers “Batka” (petit père) ou le dernier dictateur d’Europe. Les années de présidence Loukachenko pourraient se résumer à cela : anéantissement de toute forme d’opposition et fraudes électorales. Traditionnellement, la Biélorussie est très proche du Kremlin. Pourtant, ces dernières semaines, Alexandre Loukachenko a accusé sans surprise l’UE mais aussi son voisin russe d’ingérence dans la présidentielle.

Minsk-Moscou, une relation de plus en plus compliquée

La relation spéciale entre la Biélorussie et la Russie a du plomb dans l’aile. Pendant la campagne présidentielle, Alexandre Loukachenko a accusé plusieurs fois la Russie d’ingérence dans les affaires intérieures. Pour se rendre compte de cette tension, en juillet dernier, la police biélorusse avait arrêté 33 mercenaires russes du groupe Wagner. Elle les accusait de vouloir mener un coup d’Etat armé contre le Président Loukachenko. En temps normal, les relations entre Minsk et Moscou sont excellentes. Il existe même un traité datant de 1999 qui stipule qu’à terme la Biélorussie sera intégrée à la Russie pour former un seul et même pays. L’origine des tensions entre Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine remonte à 2019 : les deux hommes n’ont pas réussi à s’entendre sur les prix préférentiels des hydrocarbures russes vendus à la Biélorussie. Depuis, les attaques de Loukachenko contre son homologue russe n’ont fait que croître.

Rencontre bilatérale entre les Présidents Loukachenko (à gauche) et Poutine (à droite), Sotchi, 7 février 2020. Photo : Fre News 24h

Joli coup de poker pour Ignazio Cassis

Selon le DFAE, les relations entre la Suisse et la Biélorussie “n’ont cessé de se renforcer ces dernières années”. En février 2020, quelques semaines avant la fermeture des frontières, le Ministre suisse en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis s’était rendu en Biélorussie. Il y avait rencontré son homologue mais aussi le Président Alexandre Loukachenko. Sa visite était aussi l’occasion d’inaugurer l’ambassade de Suisse à Minsk. Pour rappel, le Conseil fédéral avait en mai 2019 décidé “d’élever au rang d’ambassade la représentation helvétique en Biélorussie”. Je ne crois pas que les relations entre les deux pays vont s’effriter à cause des derniers événements. Fermer une ambassade inaugurée en début d’année serait un peu incompréhensible de la part du Conseil fédéral. La Suisse parle à tout le monde, y compris à des pays qui respectent moins les standards démocratiques. Le Ministre Cassis s’est entretenu vendredi matin avec son homologue biélorusse. Et l’après-midi, le citoyen suisse qui était emprisonné a été relâché. Comme quoi, même un pays neutre qui d’habitude ne se fâche avec personne, peut obtenir des résultats concrets en élevant un peu la voix.