L’explosion démographique, frein à l’attractivité économique ?

La question est légitime pour une ville comme celle de Bulle, où la population a plus que doublé entre 1983 à 2014 pour atteindre 21'749 habitants. Si l’augmentation démographique nécessite de nombreuses mesures en aval, elle provoque également des effets qui impactent l’attractivité économique. Dès lors, osons nous demander si l’attractivité économique qui peut être à l'origine de l’augmentation démographique peut également être un frein au développement de notre région.

Tendance à la mobilité quotidienne
De nos jours, les personnes pendulent de plus en plus volontiers. Ceux qui déménageaient auparavant pour se rapprocher de leur lieu de travail, se déplacent aujourd'hui au quotidien pour rejoindre leur lieu de travail. Il y a de nombreuses raisons à cela, dont le développement des moyens de mobilité, l'évolution sociale comme le fait que les deux membres du couple travaillent ou encore le changement de plus en plus fréquent du lieu de travail durant une carrière. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle tendance pose la question de la diversité au sein d'une commune, car si l'attractivité économique est la cause de l'évolution démographique, elle est toujours nécessaire au maintien d'une bonne qualité de vie et au dynamisme de la commune. Nous pouvons nous passer de cet argument pour attirer de nouveaux habitants, nous ne pouvons, par contre, pas nous passer de l'attractivité économique sur le long terme, au risque de voir les habitants s'en aller vers des régions plus dynamiques et prometteuses.

L'encouragement par les conditions plutôt que par l'emploi
La qualité de vie, la beauté des paysages, le dynamisme de la population, le coût de l'immobilier, le faible taux d'imposition sont autant de facteurs qui peuvent expliquer la venue de nouveaux habitants, choisissant le chef-lieu gruérien pour vivre. La croissance démographique est d'ailleurs la preuve de l'attractivité de la commune et de sa capacité à se vendre au-delà des frontières. Se vendre oui, mais à qui ? La commune sait parfaitement comment se comporter vis-à-vis d'individus et de familles en quête d'un lieu où il fait bon vivre et de plus en plus de services se créent ou se développent pour accompagner la population et la laisser se sentir dans un véritable cocon. La formule fonctionne et la croissance de 2.1% de la population en 2013 l'a encore une fois prouvé, mais qu'en est-il des acteurs économiques ?

La croissance démographique, une opportunité qui comporte certains risques
Sans variante de développement territorial, l'explosion démographique sera un frein pour l'attractivité économique. Car si personne ne doute des compétences de la commune pour mettre en valeur ses atouts au service de la population, chacun reste conscient qu'il en faudra davantage pour accueillir de nouvelles entreprises et permettre aux entreprises de la commune de s'agrandir. Ces acteurs qui créent de la valeur, apportent leur savoir, forment notre jeunesse, contribuent à la construction des infrastructures méritent non seulement notre attention mais doivent savoir qu'ils sont les bienvenus à Bulle. Pour cela, le développement territorial est l'un des sujets à aborder rapidement, afin de s'assurer que la commune puisse disposer des zones dont elle a besoin pour assurer son attractivité économique, pourquoi pas en les compensant dans des communes limitrophes. La société et l'économie sont indissociables et toutes deux ont besoin de l'autre pour perdurer. Au contraire, si l'une s'impose sur l'autre, elle pourrait l'étouffer. Dans le domaine bien particulier de l’aménagement du territoire, l’utilisation des sols pour les constructions privées laisse présager une pénurie qui nuira au secteur économique.

Le politique a son rôle à jouer
Tout politicien connaît l'importance de la diversité au sein d'une commune, d'une région, d'un pays et se doit d'agir également pour préserver cette diversité. Aujourd'hui, la prévision et l’action en amont sont nécessaires pour garantir la qualité de vie et l'évolution d'une commune comme celle de Bulle. L'évolution démographique n'est pas impossible et peut être positive, mais pour cela, elle doit être accompagnée et guidée. Le laisser-faire ne fonctionne pas et il y a lieu d'agir, par étapes, sans empressement, en saisissant l'opportunité de mieux faire. Tout règlement doit être réfléchi pour s'assurer qu'il n'est pas contraire à l'intérêt général et qu'il est bien applicable de la même manière pour l'individu que pour l'entreprise. Dans le cas contraire, des exceptions devraient être prévues. Il ne s'agit pas d'accorder des privilèges, il s'agit de permettre et d'encourager la création d'emplois. Le bâton de pèlerin que certains ont eu l'humilité de saisir dans l'intérêt des citoyens doit à nouveau être l'outil du quotidien de ceux qui se disent défenseurs de l'intérêt général. Car, si des règles suffisent pour calculer un taux d'imposition par rapport à différents facteurs, ce n’est pas dans les livres qu’on enseigne comment attirer les entrepreneurs.

Travailler et laisser travailler
Le politique a son rôle à jouer, certes… mais ! être favorable à une politique libérale signifie d’abord focaliser les efforts dans des domaines de compétence bien particuliers, tout en permettant à d’autres d’être performants dans leur propre domaine. Il est de la responsabilité du politique d’œuvrer au quotidien, sans relâche, pour rendre sa commune attractive d’un point de vue économique. C’est toutefois en le faisant dans le respect des frontières avec le privé qu’il en récoltera le meilleur profit. Reconnaître l’importance de la cohabitation entre société et économie, en étant capable de travailler sans empêcher quiconque de travailler, voilà un défi qui, s’il est relevé, profitera à tous. 

Johanna Gapany

Libérale-radicale et économiste d'entreprise, Johanna Gapany vit la politique au quotidien. Après avoir été cheffe de campagne pour le PLR fribourgeois lors des élections nationales (2013-2015) et vice-présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux Suisse (2012-2016), elle rejoint l'exécutif bullois en 2016 et devient députée durant la même année. Puis, elle vise un siège au Conseil des Etats en 2019 et décroche le siège après une campagne intense face aux deux sortants. Sa volonté ? S'impliquer davantage pour le renforcement de sa région, avec un œil attentif sur le rôle restreint de l'Etat et surtout la grande autonomie de chacun. Pour une politique libérale qui évite les excès, prend ses responsabilités et permet chacun de se former, de créer, de vivre.