L’art de capituler sans qu’il y paraisse

Ce matin, la presse s’étrangle d’indignation devant les conditions que le diktat américain impose à la législation suisse. Sans avoir besoin d’envoyer une armée pour envahir le territoire, les Etats-Unis imposent leur loi et prélèvent un tribut. Parmi toutes les vexations de cet ultimatum, la pire est sans doute l’obligation faite aux banques de dénoncer leurs collaborateurs. Dès lors ceux-ci devront s’abstenir de voyager aux Etats-Unis de peur d’y être arrêtés. Pire : nombre de pays ont des accords d’extradition avec les EU et le collaborateur bancaire dénoncé finira par n’être plus en sécurité qu’en demeurant dans les frontières de la Suisse. En attendant que les EU nous imposent d’extrader nos propres citoyens. On ne voit pas comment la Suisse pourrait résister.

On peut parier que le Parlement se couchera même si aujourd’hui tous les partis, hormis le PBD, se déclarent opposé à cet « accord ». DE vastes négociations de couloirs vont se développer dès la semaine prochaine. On expliquera aux récalcitrants qu’ils seront responsables de la ruine du pays s’ils ne cèdent pas. Et à force de pressions, une petite majorité se rangera du côté du Conseil fédéral après que l’on ait expliqué que finalement les inconvénients ont été exagérés.

Il y a pourtant une solution simple : interdire aux banques suisses d’encore accepter des clients américains et détruire les archives qui contiennent les noms des clients du passé. Dès lors on pourrait signer n’importe quoi puisqu’il n’y aurait plus d’information à transmettre. J’ai naïvement suggéré cette échappatoire à des grands experts financiers. Ils m’ont ri au nez. Ce serait trop simple. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Et pourquoi faire compliqué sinon pour empêcher de prendre des décisions claires ?

L’huile de palme Coop est-elle inoffensive?

Dans son numéro du 23 avril, le journal Coopération se livre à une intéressante manœuvre de désinformation. Sous le titre «Il n’existe qu’une alternative à cette graisse végétale: l’huile de palme certifiée». Effectivement la réputation de l’huile de palme se détériore de plus en plus. Un lien statistique existe entre le taux d'acides gras saturés dans l'alimentation, le mauvais cholestérol et la surmortalité des Occidentaux par maladie cardiovasculaires. Des interventions parlementaires demandent à Berne que la composition des aliments (biscuits, plats surgelés, lait artificiel en poudre pour bébés (!), margarine, pâte feuilletée) mentionne explicitement «huile de palme» plutôt que la discrète et fallacieuse mention «huile végétale».

On s’est donc précipité sur l’article de Coopération pour découvrir si les producteurs ont  finalement réussi à créer une huile de palme comportant moins d’acides gras saturés. Mais ce que l’on découvre en réalité n’a rien à voir avec le problème diététique que pose cette huile. L’huile de palme «certifiée» ne diffère pas des autres lorsqu’elle arrive dans l’assiette du consommateur suisse. Elle a pour seule différence d’être produite (selon Coop) sans abattre de la forêt primaire, sans exploiter les ouvriers, sans exagérer dans l’emploi de pesticides et d’herbicides. Tant mieux pour les pays producteurs. Qu’importe pour les pays consommateurs. Ils sont toujours autant noyés sous de flots d’huile nocive.

Dans les deux pages de l’article, il n’y a pas un seul mot sur le problème de santé que soulève cette huile. La ménagère distraite croira que le problème est résolu et qu’elle peut désormais cesser de se gendarmer sur ce produit. Quand on sait que Coop est (en principe) une coopérative visant le bien-être des consommateurs, on pourrait redouter la politique commerciale des autres producteurs. On se tromperait: en 2010, Casino a annoncé qu’elle n’inclurait plus d’huile de palme dans les produits vendus sous sa marque. Si c’est possible pour la grande distribution commerciale, qu’attendent les coopératives suisses pour en faire de même?

La malédiction du génome (suite)

 

Pour 200 CHF, on peut actuellement effectuer une analyse du génome. Cela peut servir à deux types de recherche : soit pour la santé, soit pour la police. Soit pour identifier  et prévenir des maladies génétiques ; soit pour identifier  sur base d’une suspicion fondée des criminels qui auraient laissé des traces sur les lieux de leur méfait ou encore pour disculper des innocents.

Or, la loi sur l’analyse génétique humaine est très (trop) stricte. Dans son principe, on ne peut relever l’identité génétique d’une personne qu’avec son accord. De plus celui, qui voudrait faire procéder par simple curiosité à sa propre analyse génétique en assumant les coûts, doit d’abord obtenir l’accord d’un médecin. Est réservé bien entendu l’usage de l’analyse à des fins policières. En tous cas ni l’employeur, ni une compagnie d’assurances ne peuvent exiger une telle analyse.

Coup sur coup, le Conseil national a émis deux votes qui sont contradictoires : sollicité par une motion de la Commission Science, Education culture de proposer à titre volontaire une analyse aux parents de tous les nouveaux nés en vue de détecter et de soigner d’éventuelles maladies génétiques, le Conseil a refusé avec indignation, à peine sept voix sur 200 se sont prononcées en faveur de cette mesure de médecine préventive.

A la session suivante une motion proposait de réaliser un test ADN « sur certains requérants d’asile » à titre préventif et de manière systématique. Dans le développement, la catégorie visée est précisée : les requérants originaires de Tunisie, d’Algérie et du Maroc parce que dans cette catégorie le taux de criminalité est élevé. Le Conseil fédéral s’est opposé à cette motion contraire au droit dans son principe: toute personne bénéficie d’une présomption d’innocence ; tous les habitants de la Suisse jouissent de l’égalité de traitement. A partir du moment où la loi s’appliquerait de façon différente à certaines catégories, la porte est ouverte au pire : dissoudre l’unité du genre humain pour s’en prendre à certains groupes.

La situation juridique paraissait claire et cette motion aurait dû être repoussée. Ce fut le contraire, il se trouva 92 conseillers nationaux pour la soutenir. Pour le parlement fédéral, un test ADN, utile pour prévenir la criminalité, est inutile pour prévenir une maladie.

Le plus simple serait – et sera dans le futur –  de procéder à l’enregistrement de l’ADN de toute la population, tout comme on l’identifie actuellement dans les passeports par d’autres moyens. La police sera bien faite et de façon égale pour tout le monde. Et surtout on pourra enfin travailler à une thérapie intelligente des maladies génétiques.

 

Le bricolage informatique

Voici quelques semaines la presse a révélé, non sans un amusement mal dissimulé, qu’un informaticien de nos excellents Services de Renseignements avait réussi à soustraire des informations confidentielles qu’il s’apprêtait à vendre à des puissances étrangères. C’est en ouvrant un compte à numéro dans une banque suisse qu’il a éveillé les soupçons d’un employé d’icelle qui l’a dénoncé.

A l’époque nul ne s’est étonné de cette fuite, ni même inquiété. Les secrets volés sont probablement bien connus des vrais services de renseignement de nos voisins et faux amis. On a appris à cette occasion que les locaux de nos services n’étaient même pas protégés par des portails magnétiques qui auraient automatiquement décelé le passage frauduleux d’un disque dur.

On en sait un peu plus. L’informaticien dévoyé était tout simplement l’expert du département, le seul qui maîtrisait la grande variété de logiciels dont le service était encombré. Personne n’était capable de le contrôler par définition. Il a donc pu se livrer à ses détournements en toute impunité.  Ses supérieurs auraient été bien incapables de comprendre ce qu’il faisait.

Cette situation est courante. L’informatique se développe à une telle rapidité que les échelons supérieurs, peuplés de gens rassis, sont obligés de se fier aveuglément à des subalternes en roue libre. Il n’est pas impertinent de poser la question : Ueli Maurer et André Blattmann ont-ils déjà posé leurs mains sur un clavier ?

La vraie question est en fait de savoir ce que vaut le service de l’armée qui s’occuperait – s'il existe- de protéger nos réseaux informatiques de tentatives de destruction. Cela vaudrait la peine de consacrer à cette tâche un budget équivalent à celui d’une brigade blindée et de rémunérer convenablement les informaticiens et leurs chefs de façon à recruter des personnes vraiment compétentes à tous les échelons.

Ah! J'oubliais. Et de mettre des portails magnétiques aux entrées, des fois que personne n'y aurait songé.

 

La Suisse devient-elle une colonie des Etats-Unis ?

La commission américaine sur les libertés religieuses internationales vient d’épingler la Suisse pour l’interdiction constitutionnelle de construire des minarets. Il fallait s’y attendre. Encore s’agit-il d’une réaction de gens civilisés. Un terroriste d’Al Qaida aurait eu d’autres façons de s’exprimer. Par exemple en faisant exploser une bombe sur la ligne d’arrivée du 20km de Lausanne.

Les Etats-Unis ont largement souffert de leur action militaire en Irak ou en Afghanistan. Sur leur propre territoire, la mort a frappé. Et cependant une commission américaine épluche les lois et règlements des Européens en matière de tolérance religieuse. Car ce pays a été peuplé dès le départ par des minorités religieuses fuyant la persécution en Europe. Cela explique à la fois le vif sentiment religieux qui domine et la diversité avec laquelle il s’exprime. Même après les attentats du 11 septembre, il n’y  pas eu de persécution des musulmans américains en tant que communauté. Pour les individus prisonniers à Guantanamo c’est autre chose.

Il reste que la Suisse est maintenant considérée aux Etats-Unis comme un pays intolérant. C’est vexant et inquiétant. C’est à la fois faux parce que les communautés musulmanes n’ont  – à part cette vexation symbolique- pas subi de véritable persécution, et c’est vrai car la mécanique de la démocratie directe a permis l’aberration des minarets interdits. Si les Etats-Unis veulent vraiment abolir cette mesure suisse, il leur suffit de faire pression comme ils le firent pour le secret bancaire. En menaçant la Suisse de sanctions économiques, ils obtiendront sans peine que nous modifiions notre Constitution et, en passant, que nous abolissions la démocratie directe. Et pourquoi pas l’intégration, comme territoire associé, style Porto-Rico ? Obama est nettement plus sympathique qu’Ueli Maurer comme président. Et surtout la constitution des Etats-Unis n’interdit pas la construction des minarets. Ce serait un progrès.

La peur du peuple est mauvaise conseillère

De peur de perdre dans les votations sur les initiatives Ecopop et UDC restreignant l’immigration, le Conseil fédéral active la clause de sauvegarde : les permis B accordées à des Européens sont contingentés. Cette mesure accrédite les deux initiatives redoutées : puisque le Conseil fédéral en particulier prend des mesures de restriction, il en reconnait la nécessité. Mais, comme la clause de sauvegarde permettra au mieux de réduire de 5% l’immigration européenne, le peuple conforté dans sa peur ira encore plus loin.

Dans un effort désespéré de rationalisation d’une décision irrationnelle, les partisans de la clause de sauvegarde agitent les problèmes bien réels d’engorgement des transports et de pénurie de logement. Ceux-ci ne seront en rien résolus puisque des permis L de courte durée seront encore accordés. Dans un appartement ou dans un train la place occupée par un immigrant est identique quel que soit le permis.

Il s’agit donc de bricolage et de gesticulation politique. Il n’y a pas de politique migratoire réfléchie sinon des mesures de panique prises à la dernière minute. La Suisse est comme l’Australie une terre d’immigration où un quart des habitants est né hors du territoire. La seule différence est que les Australiens l’ont compris et que les Suisses refusent de le comprendre.

Quand le peuple verra que la clause de sauvegarde n’a rien réglé des problèmes pratiques où il se débat, il votera massivement pour les initiatives que l’on espère neutraliser. La xénophobie est un virus contagieux contre lequel il n’existe pas une vaccination évidente. Il faut s’attaquer aux vrais problèmes dus à la surchauffe économique, qui est en soi bénéfique.

Une confusion des genres

 

L’archevêque de Paris, cardinal André Vingt-Trois s’est opposé au projet de mariage homosexuel, en débat au parlement français, par une parole stupéfiante : « C'est ainsi que se prépare une société de violence ». On peine à voir le rapport, sinon en opérant un grand écart. Lequel ?

La France, mais surtout les Français, souffrent d’une économie nationale, qui ne satisfait plus les exigences du travailleur ou les besoins du consommateur. Il s’agit de problèmes graves et urgents, qui créent des souffrances individuelles et des tensions sociales. Or, ni la majorité au pouvoir, ni l’opposition ne parviennent à formuler des solutions réalistes et efficaces ou même à laisser espérer qu’ils puissent en trouver. La France a maintes fois connu des situations semblables de déficience des institutions,  qui les ont déstabilisées. Comment faire face à une telle impasse politique, sinon en escamotant sa réalité par l’organisation d’une diversion ? C’est pour esquiver le véritable débat, que le mariage gay a servi à susciter des passions exacerbées, aussi prévisibles qu’attendues. Il remplit de la sorte une fonction politique classique. Lors de la chute de Byzance en 1453, les théologiens locaux discutaient du sexe des anges.

Non seulement le mariage gay sert d’alibi dans un jeu politicien où l’Eglise n’a rien à faire, mais il devrait constituer pour celle-ci un non-problème. En effet, il s’agit du mariage républicain instauré en 1792 comme préalable légal au mariage religieux, qui lui est ainsi subordonné et accessoire. Même si ce rite civil a pris une signification forte pour les citoyens, il n’est pas dépourvu d’ambiguïté. Tout mariage a deux aspects. Le premier, strictement matériel, sert à formaliser par la loi ou par un acte notarié le partage des tâches, les prérogatives, la succession, la solidarité contractuelle : il relève de l’Etat et seulement de lui. Le second est infiniment plus important : c’est l’engagement mutuel de deux personnes à vivre dans la solidarité et la fidélité, en principe pour la vie : il relève du mariage religieux, tandis que l’Etat n’a pas vocation à solenniser une relation interpersonnelle. Le mariage civil fut conçu à l’origine comme un substitut du mariage religieux, voire comme une tentative de le supprimer.

Si l’on garde bien cette distinction à l’esprit entre aspect légal et aspect interpersonnel, on peine à comprendre en quoi l’Eglise se sent concernée par l’extension du mariage civil aux homosexuels. La condamnation, qu’elle a portée,  constitue une interférence dans un débat purement politique, sans incidence religieuse. Toute autre serait la question du mariage religieux d’un couple homosexuel, qui constituerait un débat interne à l’Eglise. Son intervention publique dans un débat politique sur le mariage civil a pour effet paradoxal de sacraliser celui-ci.

Le rôle de l’Etat dans cette affaire est nécessaire, mais il  n’a rien de sacré. En s’y opposant, l’Eglise est tombée dans un piège et elle est maintenant instrumentalisée par les partis. Elle aurait dû au contraire observer une réserve totale. Si elle souhaite intervenir dans le débat public, qu’elle se consacre au véritable problème actuel, celui de la justice sociale, pour lequel elle a une vocation légitime d’intervenir. La naïveté de certains prélats est consternante.

 

 

 

Pour une armée sans armes

Un fait divers parmi d’autres, passé inaperçu : une recrue vient d’être refusée par l’armée suisse, au motif que dans sa folle jeunesse elle avait fait trop souvent le coup de poing. Raison invoquée : on ne peut confier une arme à un jeune homme aussi agressif.

Ce refus, apparemment vertueux et prudent, soulève deux redoutables questions à l’institution militaire.

Tout d’abord quel est le but de l’armée suisse : recruter uniquement des jeunes viscéralement pacifiques, auxquels la violence répugne ? Si, par invraisemblable, l’armée suisse devait vraiment entrer en action, c’est-à-dire tuer des ennemis, elle se serait privée des miliciens les plus aptes à remplir cette fonction. Si, au contraire, le but de l’armée suisse est de de ne jamais se battre, alors effectivement, elle doit privilégier des recrues non violentes. C’est sans doute la seconde hypothèse qui est la bonne. L’objectif est d’apprendre à viser juste pour ne le faire jamais que sur des cibles.

Ensuite, l’armée avoue qu’elle n’est pas capable de canaliser la violence de jeunes qui sont naturellement agressifs. L’exemple de la Légion Etrangère démontre le bon usage qui pourrait être fait de l’agressivité native de certains. Au lieu de constituer un danger pour leur environnement ou bien d’être poussé à des activités criminelles, il est possible de transformer leur pulsion dangereuse en capacité de servir au bien commun. Et donc l’armée suisse se considère comme incapable de la même démarche éducative. Elle doit transformer des jeunes trop pacifiques en combattants agressifs sans parveneir à pacifier les excités.

Bilan : quelle que soit l’hypothèse retenue, le plus simple serait que l’armée cesse d’équiper ses soldats, tous ses soldats, d’armes quelconques. Ce serait autant d’économisé. Ce serait autant de victimes de suicides ou de violences conjugales épargnées. Ce serait le comble de la neutralité : une armée sans armes.

 

 

 

 

 

 

 

La roulette russe de la sécurité nucléaire

Provisoirement la durée d’exploitation des centrales nucléaires suisses sera limitée à 50 ans. Du point de vue de la sécurité, cela a naturellement fait débat aussi bien dans les commissions qu’au plenum et surtout dans la salle des pas perdus. L’opinion politiquement correcte du parlementaire de base consiste à répéter la bouche en cœur que les centrales peuvent et doivent fonctionner aussi longtemps que leur sécurité est assurée. Et il suppose vaguement que celle-ci diminue avec le temps. Mais sans chiffre précis:

Dans ce débat brouillon, on mélange deux concepts. La sécurité constitue la garantie qu’un accident majeur, la fusion du cœur, ne se produise pas. Or, un tel accident est caractérisé par deux aspects : sa fréquence et son ampleur.

Pour les cinq cent réacteurs en service dans le monde, il y a eu cinq fusions de cœurs : la fréquence d’un accident  majeur est donc d’une chance sur cent durant la durée de vie du réacteur.

L’ampleur d’un accident majeur à Mühleberg a été prévue par le service compétent de la Confédération. S’il faut évacuer définitivement la population dans un rayon de trente kilomètres comme à Fukushima ou à Tchernobyl, cela signifie la perte de Berne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne. Il n’y a pas de plan pour reloger cette population dans l’urgence. Il n’y a pas d’assurance couvrant la perte des biens immobiliers.

Et donc quel que soit l’investissement dans des mesures de sécurité, nous courons un danger insupportable avec un risque  non nul de le voir se matérialiser. Les trois accidents majeurs connus (il y en a d’autres) ont été provoqués soit par des erreurs humaines, soit par un phénomène naturel. Rien ne permet d’exclure ces deux facteurs à coup de millions. La conclusion purement technique est aujourd’hui évidente : avec la technologie utilisée il n’aurait pas fallu construire ces centrales. Maintenant qu’elles le sont et qu’elles assurent 40% de l’approvisionnement en électricité, il n’y a rien à faire que d’attendre en croisant les doigts. Pour les croyants, il y a aussi la possibilité de faire une neuvaine de prières. Mais cela n’entre pas en considération dans l’évaluation technique du danger couru. Dieu n'est pas un ingénieur d'ultime recours.

 

La recherche ou la vie!

Ainsi Novartis déplore le jugement d'un tribunal indien, qui lui refuse la protection du Glivec à 4000 CHF pour le traitement mensuel contre la leucémie, et qui autorise donc la vente d'un générique de fabrication indienne à 100 CHF. Et Novartis de menacer : ce genre de décision nuit à la recherche. De nouvelles molécules qui pourraient être décisives pour la thérapie d'autres cancers ne seront pas découvertes puisqu'on n'aura pas les finances pour les entreprendre. En d'autres mots des patients indiens désargentés auraient dû accepter de mourir pour que Bâle poursuive son oeuvre salvatrice à l'égard des patients suisses.

En fait, la recherche effectuée par Novartis n'est pas motivée d'abord par l'unique souci des patients, mais bien par la survie économique de l'entreprise soumise à une concurrence internationale: Novartis comme les autres multinationales engage tous les fonds dont elle dispose pour assurer sa pérennité. A-t-elle une marge de manoeuvre après sa défaite aux Indes? Il y a les 9,6 milliards de bénéfices l'année passée, après avoir déjà financé la recherche courante, plus les 72 millions de parachute doré offerts à Daniel Vasella.

On a de la peine à plaindre Novartis qui épuiserait ses dernières forces dans une lutte désespérée contre la maladie. On a encore plus de peine à comprendre comment fonctionne sa communication qui ne trouve que des arguments aussi irrecevables que la protection de la recherche. Le domaine des EPF, financé par nos impôts, fonctionne avec deux milliards par an et il n'est pas mauvais pour autant. Un jour, un petit malin proposera de nationaliser les industries pharmaceutiques du monde entier. Elles l'auront bien cherché.