Rome n’est plus dans Rome

D’abord j’ai cru qu’il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie, d’une manipulation élémentaire comme il en abonde sur Internet. Il s’agissait d’un courriel demandant de répondre à un questionnaire sur la famille. Banal, sauf qu’il émane de la Conférence des évêques suisses et qu’il comporte des questions qui sont tout à fait pertinentes et qui d’ordinaire ne sont pas posées : « Quelle est votre position face au „mariage à l’essai  (cohabitation préconjugale) ? Que devrait faire l’Eglise pour soutenir les personnes dans leur couple/partenariat ? Pensez-vous qu’il soit juste d‘exclure les divorcés remariés des sacrements ? Souhaitez-vous que l’Eglise reconnaisse et bénisse les couples divorcés remariés Préférez-vous avoir recours à des méthodes anticonceptionnelles non naturelles ? Souhaitez-vous que l‘Eglise reconnaisse et bénisse des couples homosexuels ? »

Une première historique. Depuis quand un évêque demande-t-il l’avis de ses fidèles ? A ma connaissance jamais, au grand jamais. Le pouvoir ecclésial s’exerçait exclusivement du haut en bas. Le clergé avait réponse à toute question avant même qu’elle ne se pose.

Ce questionnaire changera-t-il cette habitude séculaire ? A qui est-il adressé ? Les résultats de l’enquête seront-ils publiés ? Entraineront-ils un changement des consignes et des pratiques ? Est-il inspiré par Rome comme cela est souligné ? Aurions-nous un Pape véritablement à l’écoute de ce que souhaite le peuple des baptisés ?

Si les réponses à toutes ces questions étaient positives, alors on pourrait dire que Rome n’est plus dans Rome, mais que l’Eglise catholique serait devenue démocratique à l’image des Eglises réformées. L’expérience politique aurait enseigné une leçon fondamentale à l’exercice de la religion. Décidément les voies du Seigneur sont impénétrables.

 

Le débat sans fin et sans issue

Au moment où je rédige ceci, il y a 72 orateurs au Conseil national sur l'Initiative des salaires minimums. Multiplier par 5 minutes donne un débat de 360 minutes soit six heures.

L'hémicycle est peu garni de conseillers qui travaillent ardemment sur leur ordinateur. Il n'y a pratiquement pas d'attention au discours prononcé. Le Conseiller fédéral périt d'ennui à sa place. Président et vices-présidents se relaient. Les cafeteria débordent de colloques particuliers. Un orateur sur deux est pour, l'autre est contre, soit 36 avocats pour chaque thèse. Or, il n'y a pas 36 arguments pour ou contre, tout au plus deux ou trois. Ils sont donc répétés en boucle avec une conviction qui s'érode au fil du débat.

Pourquoi redire ce qui a déjà été dit? Pour quoi parler dans le vide? Pourquoi vouloir laisser une trace au procès-verbal qui recueille pieusement chaque éructation et que personne ne relit jamais sauf le rédacteur parlementaire? La politique serait-elle un théâtre sans spectateur? Que de questions sans réponses, que d'arguments sans substance, que de citoyens égarés! A la roulette des thèses politiques, tout peut sortir, sauf une synthèse, sauf une prise de conscience lucide et raisonnée.

La démographie: un argument ignoré

Le peuple suisse a refusé l’initiative UDC sur la famille, mais on est bien emprunté de savoir quel a été l’argument qui l’a emporté. Evidemment une initiative UDC, quelle qu’elle soit, part déjà en clopinant, car toutes les thèses de ce parti rebutent la majorité des Suisses et, en particulier, la conception ancestrale de la famille traditionnelle que l’initiative entendait sournoisement soutenir. Mais au soir de ce refus, la Suisse n’a pas pour autant une politique familiale satisfaisante, elle n’en a même pas du tout. Elle dit non à une vision passéiste, elle ne dit pas oui à son avenir démographique.

De part et d’autre de la frontière entre Suisse romande et France, le taux de fécondité varie de 1.4 enfant par femme à 2. Puisqu'il faut un taux de 2.1 pour maintenir une population, cela signifie qu’à chaque génération les Suisses d’origine disparaissent pour un tiers, tandis que la population française se maintient à peu près. Comme ces deux populations appartiennent à la même culture, parlent la même langue, ont la même mentalité, cette différence ne peut donc provenir que des institutions politiques et, en particulier, d’une politique familiale plus généreuse en France qu’en Suisse.

Pour que la population suisse se maintienne, il faudrait 120 000 naissances par an alors qu’il n’y en a que 80 000. Néanmoins les problèmes résultant forcément de la dénatalité, en particulier l’effondrement de l’AVS, ne se manifestent pas parce que l’immigration de 80 000 étrangers vient compenser le déficit des naissances. Le résultat paradoxal et ignoré des médias comme de la population, c’est que la Suisse est, avec l’Australie, la championne des pays d’immigration : un quart de la population est née hors des frontières. Il y a cependant une différence de taille : les Australiens en sont conscients, les Suisses non. Ils rechignent à intégrer les étrangers comme le vote simultané des Bernois sur le durcissement de la naturalisation le démontre.

Et donc le non à une initiative UDC sur la famille présage deux non aux initiatives du PDC portant sur des objets similaires, qui viendront l’année prochaine dans les urnes. Mais il augure aussi que le peuple risque de soutenir aveuglément l’année prochaine les initiatives visant à réduire l’immigration, tant les deux questions sont jointes.

Jamais le Conseil fédéral, garant de la pérennité de la nation, n’a utilisé l’argument décisif de la démographie: il faut ou bien une politique familiale dynamique, ou bien une immigration massive. Le moins que l’on puisse dire est que manque cette vision d’ensemble, le lien étroit entre familles, immigration, pensions, formation, etc.  Le peuple suisse veut un gouvernement national faible, qui ne puisse abuser de son pouvoir. Celui-ci se garde donc bien de prendre des initiatives de suggérer des réformes de fond, d’évoquer les problèmes du long terme.

Peu importent les outils d’une politique familiale, allocations, dégrèvements fiscaux, soutien des crèches, congés maternité et paternité. Tous peuvent et doivent être utilisés concurremment. Seul compte le résultat : éviter le dépeuplement, la stagnation, la décadence démographique, l’envahissement étranger compensateur. On attendra longtemps cette politique concertée car au fond elle n’intéresse personne. Les peuples inconscients finissent par disparaitre dans les sables de l’Histoire avant même de s'en rendre compte.

Le grand affrontement entre les gagne-petit et les pense-petit

 

Aux deux extrêmes de tout hémicycle législatif, suisse ou étranger, campent deux familles dont les obsessions sont diamétralement opposées, mais qui se rejoignent dans la petitesse, l’utopisme et la dangerosité.

A gauche, le parti des gagne-petit. Ils sont ax bas de l’échelle salariale ou, du moins, estiment qu’ils ne sont pas à l’échelon qui reconnaitrait leur vraie valeur. Dès lors qu’ils ont épuisé toutes les expédients professionnels d’augmenter leur rémunération, ils n’ont plus qu’une idée en tête : puiser dans le revenu des autres, redistribuer les salaires. A l’Etat de fouiller dans la poche des riches pour atténuer l’injustice sociale. Ils ne demandent pas l’aumône, ils revendiquent leur droit. Tous les emplois et même le chômage, voire le refus de travailler, méritent le même traitement, une allocation sociale minimum, car les tâches les mieux rémunérées sont aussi les plus intéressantes et les moins pénibles. Les marxistes l’énonçaient déjà : « Progresser de chacun selon son mérite à chacun selon ses besoins. »

Cette revendication prend à droite la caste des pense-petit à rebrousse-poil. Ils considèrent leur statut comme légitimé par la coutume, l'ordre établi, le respect de la sphère privée, le droit à la propriété, héritée ou acquise, les bonnes manières, la politesse. La redistribution des revenus leur donne des aigreurs. Que serait une société égalitaire sinon une masse informe et grise sans commerces de luxe, restaurants  étoilés, voitures de course, clubs privés, escort girls ? L’Etat est l’ennemi : moins il y en a mieux cela vaut. les fonctionnaires sont des parasites, les intellectuels des ennemis publics et les journalistes des agitateurs. Les dettes publiques constituent une abomination, la marque de l’imprévoyance. L’idéal serait de ne dépenser que les intérêts des intérêts d’une fortune qui n’est jamais trop élevée.

Dès lors, les deux castes sont caractérisées à l’identique par un comportement prévisible. Point n’est besoin de faire voter un législatif sur la plupart des propositions concrètes. Par le même réflexe pavlovien, les uns voteront massivement pour et les autres contre. C’est la politique entendue au sens d’un match de foot : chacun essaie d’expédier le ballon dans le but de l’autre. L’intérêt de la partie n’est que dans le conflit. Au fond de leur conscience (qui existe !),  les gagne-petit et les pense-petit connaissent bien qu’ils ont tort, qu’ils conceptualisent la réalité et qu’ils immolent l’intérêt commun au souci de leurs avantages catégoriels. Tous, ils se refusent à trop réfléchir car la politique est un jeu complexe qui les surpasse. Au magasin des idées reçues, ils font emplette et s’y tiennent toute leur vie. On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Politique suisse: deux populismes?

Est-ce qu’il y aurait un mauvais populisme de droite et un bon populisme de gauche? Ou bien n’y aurait-il qu’un seul populisme, posture politique tentante et tendancieuse, décliné par deux partis extrêmes?

Trop souvent au parlement UDC et PS votent ensemble pour que la question soit impertinente. Devant les initiatives UDC visant à réduire l’immigration, d’inspiration nettement xénophobe, le PS flageole et hésite parce qu’il craint que sa base ne le suive pas, s’il défendait la libre circulation. L’UDC veut conquérir un électorat populaire en le flattant et le PS craint de le perdre en ne le flattant point.

Il y a pire. Tout récemment le PS a présenté une motion demandant que les étudiants aux EPF provenant de l'étranger paient trois fois plus que les étudiants dont les parents vivent et paient leurs impôts en Suisse. Ce genre de proposition ravit naturellement l’UDC qui reçoit une caution morale de la gauche et qui assurera la victoire de cette motion au Conseil national. Cette majorité, dite «contre nature», écrase le centre PLR, PDC, PBD, Verts libéraux.

Si les extrémistes de droite taxent davantage les étrangers, c’est par « xénophobie » tandis que les socialistes le font par «justice fiscale». Par deux chemins radicalement opposés, deux partis arrivent à s’allier. La haine des riches rejoint la haine de l’étranger, car c’est toujours la haine, la méfiance, la suspicion, la jalousie. Les deux extrêmes se rejoignent dans une conviction unique: «tous les hommes sont inégaux». Les uns fondent leur détestation sur le passeport, les autres sur la déclaration d’impôt. Mais à l’arrivée, ils collaborent.

Poussée à l’extrême, cette façon de ranger et de traiter les individus en catégories, dissout l’unité du genre humain et peut mener aux excès aussi bien du communisme que du nazisme, qui signèrent en 1939 un pacte dit «contrenature» de partage de la Pologne.

Certes dans la vieille démocratie suisse, le peuple semble vacciné aussi bien contre la peste brune que rouge. Mais le virus est présent sous forme atténuée. Et comme le disait déjà Camus, un jour les rats peuvent sortir des égouts et répandre la peste dans une cité heureuse.

Avouons-le, il y a tout de même une différence. Le populisme de droite se moque ouvertement de la Déclaration des Droits de l’Homme et assume ce postulat sur lequel il fonde sa politique. Le populisme de gauche viole aussi cette Déclaration, mais sans le placarder. L’hypocrisie est ainsi un hommage que le vice rend à la vertu. Entre ceux qui attaquent de front les valeurs et ceux qui les trahissent secrètement, lesquels sont les plus critiquables ? Que reste-t-il de la morale lorsque la violent ceux qui s'en targuent?

La cérémonie de Montreux

J’ai assisté les 24 et 25 octobre au colloque organisé par la Direction du développement et de la coopération sous l’égide du département des affaires économiques et sociales de l’ONU. Cela s’est tenu à Montreux dans un palace. On ne saurait tarir d’éloges à la fois sur l’agencement du colloque par l’administration et sur le fonctionnement exemplaire de l’hôtel. L’organisation intellectuelle et matérielle fonctionnait de manière parfaite, à la suisse. Notre pays essaie vraiment d'aider, de coopérer, de développer parce qu'il n'a pas de passé colonial, qu'il n'est pas suspect de néo-colonialisme. Et à sa taille, il y réussit.

Cela mettait implacablement en lumière l’esquive du sujet à de rares exceptions par les invités , à savoir « la coopération au développement après 2015 : un développement durable pour tous ». Comment dans un monde fini permettre aux nations défavorisées d’accéder au bien-être des nations industrialisées, avec la consommation concomitante  et le gaspillage obligé de ressources non renouvelables ou surexploitées comme le pétrole, les terres arables, l’air et l’eau ? Comment les pauvres vont-ils accéder au statut des riches, qui surexploitent déjà la planète?

La réponse quasi unanime tint dans la répétition en boucle de la vision politiquement correcte en 2013 : il suffit de mobiliser des capitaux, il faut que les budgets des riches consacrent 0.7% à la coopération et que le financement privé épaule le financement public. Mais tous l’argent du monde ne va pas freiner le changement climatique, l’assèchement du Sahel, la noyade du Bangla Desh, le conflit pour l’eau entre Israël et ses voisins, sauf si on le consacre effectivement à la diminution des gaz de serre projetés dans l’atmosphère. Cette optique n’est manifestement pas du goût des participants. Ils ne sont pas capables de résoudre le problème dans la mesure où ils en font partie.

Le palace constituait un lieu privilégié, une sorte de laboratoire aseptisé pour observer et comprendre le tourment de l’Afrique contemporaine en la personne incarnée de sa bourgeoisie politique. Le continent se déchire entre sa structure tribale et la mise en place d’une démocratie parlementaire à l’occidentale. Il est représenté par sa nomenklatura occidentalisée : anciens, présents ou futurs ministres ; parlementaires ; fonctionnaires internationaux ; représentants des ONG. Tous, ils courent le monde de réceptions en colloques. Ils  sont les prébendiers inamovibles de ce tourisme politique dans la mesure où ils maîtrisent la langue de bois, l’art de ne rien dire en barbotant dans le vocabulaire du politiquement correct. Toute idée originale est bannie, toute référence à la triste réalité africaine serait sacrilège, les souffrances des peuples sont dissimulées dans l’abstraction, la théorie, la doctrine, le système. C’est la mathématique de la faim, de l’épidémie, de la guerre civile. Liturgie pour prêtres cravatés en complet veston de bonne coupe.

Ce ballet diplomatique n’est pas gratuit. Les maigres ressources de budgets squelettiques sont dépensées en frais de déplacement en des lieux somptueux hérités de la grandeur passée de l’Europe décadente. Ce faste donne de l’allure à d’indigents échanges sur des problèmes insolubles, parce que les solutions ne sont pas envisagées et qu'on ne veut pas qu'elles le soient. Chaque nuit d’hôtel à Montreux coûtait l’équivalent de la subsistance annuelle d’un Africain. L’une explique l’autre.

 

 

 

 

Une vendetta valdo-valaisanne

A la fête de la châtaigne à Fully, les voitures vaudoises furent décorées d’un tract qui leur reprochait d’avoir voté la lex Weber. Bien évidemment les voitures ne votent pas et une plaque vaudoise ne prouve pas que le conducteur ait mal voté au sentiment de quelques patriotes valaisans.

 En fait c’est le contraire, seule une petite minorité des conducteurs vaudois ont commis ce forfait. En effet,  il y a 31% d’étrangers qui ne votent pas dans le canton de Vaud,  le taux de participation des Vaudois s’éleva à 51,6%, et il n’y eut qu’une majorité de 52,6 % des votants dans le canton de Vaud pour soutenir cette initiative. Tous calculs faits 0,69 x0,516 x0,526 = 0,19, il y a 19% des habitants du canton de Vaud qui ont commis la félonie de soutenir Weber, moins d’un automobiliste sur cinq.

Et donc 81% des automobilistes invectivés ne sont pas responsables de ce qu’on leur reproche. Mais dans l’esprit de quelques patriotes valaisans, tous les habitants de Vaud sont collectivement responsables du choix de 19 % d’entre eux. Telle est la logique antique de la vendetta : la faute des uns incombe aux autres s’ils appartiennent au même clan. On ne punit pas une personne, on sanctionne un groupe.

Dans la démocratie directe helvétique, cela deviendrait ainsi une faute collective d’avoir voté dans un canton différemment d’un autre. Les vrais citoyens suisses devraient donc tous voter de la même façon. Pourquoi avoir conservé les cantons alors ? Pourquoi avoir donné le droit de vote à chaque citoyen? Il y en a qui rêvent de scores électoraux staliniens. Si on les laisse faire, cela finira par arriver.

Cette mentalité archaïque est encore plus répandue qu’on ne le croit. Si certains Valaisans en veulent à tous les Vaudois, certains Suisses en veulent à tous les étrangers, certains catholiques aux protestants et certains chrétiens aux musulmans. Ce qui est décisif, c’est l’appartenance à une communauté. On en voit des manifestations sanglantes au Moyen-Orient, après les avoir vécus dans les Balkans.

A titre personnel, certains correspondants anonymes me reprochent régulièrement les votes du PDC, même et surtout si j’ai voté le contraire. D’autres remontent d’un demi-siècle et m’imputent la défaite de l’armée belge en 1940 et d’autres encore, munis d’une mémoire implacable, me dénoncent comme responsable des massacres de Congolais au XIXe  siècle par Léopold II. Et comme catholique, je suis naturellement coupable des fautes du Vatican.

En somme, cela me rassure : face à tous ces crimes collectifs, mes fautes propres deviennent insignifiantes. Coupable de tout, je ne le suis plus de rien.

 

Les Africains continueront-ils à se noyer au large de Lampedusa?

On avance le chiffre de 17000 réfugiés africains qui se sont noyés en tentant de traverser la Méditerranée. C’est du même ordre de grandeur que le nombre de Juifs refoulés à la frontière suisse pendant la guerre. Cela prépare donc des remords futurs, ceux qui arrivent trop tard pour ressusciter les morts, mais à temps pour satisfaire des consciences délicates. Ces morts ne nous laissent pas indifférents, puisque nous nous lamentons en temps réel.

A titre d’utopie, on pourrait envisager une politique de large accueil à l’égard de tout requérant d’asile politique ou de réfugié économique : après tout, que l’on meure de faim, de maladie ou sous les balles, le résultat est le même. Mais il s’agit d’une illusion puisque l’Europe ne pourrait pas accueillir les quelques dizaines de millions d’Africains qui désirent quitter leur continent. Le défi consiste à les débarrasser de cette pulsion, qui les pousse à risquer leur vie, en améliorant leurs conditions de vie dans leur pays d’origine. Mais comment ?

L’utopie symétrique consisterait à retourner à une forme quelconque de colonisation. Certes durant la première moitié du siècle passé cette administration forcée a assuré la paix entre les ethnies, l’amélioration de la santé, de la formation, du niveau de vie des populations colonisées. De cette époque datent hôpitaux, écoles, routes, ports, aérodromes. Néanmoins ces progrès matériels  furent considérés comme une compensation dérisoire au regard de la perte de liberté et de dignité des Africains, ce qui déclencha la vague de décolonisation à partir de 1960.

La mauvaise solution qui sera probablement choisie consistera à fortifier les frontières de l’Europe par des grillages, des patrouilles, des miradors, des radars. Le problème resterait entier : en supprimant la possibilité de s’évader de l’Afrique, l’Europe choisirait de les laisser mourir sur place plutôt que de se noyer en vue de ses rivages. Cela posera moins de problème de conscience et c’est tout de même le but de l’opération médiatique et politique.

Et donc, en conclusion, il n’y a pas de solution, sinon des bonnes paroles à profusion. Il faut savoir reconnaitre qu’en politique il existe des problèmes sans solutions acceptables. C’est la vie.

 

Pourquoi j’ai capitulé le 28 mai 1940

Tout politicien qui prend position publiquement s'expose à des répliques plus ou moins pertinentes, parfois louangeuses, parfois férocement critiques. Ces dernières sont naturellement anonymes.

A titre exceptionnel, j'ai reçu dans le cadre des dernières votations, une lettre dûment signée (je ne dirai pas par qui) et franchement hilarante. Comme je me suis permis de dire, avec quelques autres, que l'initiative du GSSA brouillait le véritable débat, à savoir l'adéquation de l'armée suisse aux véritables menaces sur notre sécurité, j'ai suscité l'indignation de mon correspondant. Il m'explique donc longuement les raisons pour lesquelles "mon" armée belge a capitulé en 1940 : équipement médiocre et inbsuffisant, défaitisme, unités mal commandées, pas de défense aérienne, etc.

Il a tout à fait raison, j'ai commis à l'époque de lourdes fautes dans le commandemant de"mon" armée belge auquel on m'avait, semble-t-il, imprudemment élevé. Ces fautes n'ont qu'une excuse: j'avais huit ans à l'époque et j'ai été débordé par ma tâche. Je ne me suis même pas rendu compte que j'étais commandant en chef! Merci à mon correspondant de me l'apprendre enfin.

Vignette: sur la sensibilité politique des routes

Nous voterons le 24 novembre sur la vignette à 100 CHF. Le bénéfice de cette taxe sera affecté pour un tiers à la récupération par la Confédération de routes nationales actuellement à la charge des cantons et pour le reste à l’amélioration des routes nationales existantes, par exemple en supprimant des bouchons. C’est un projet strictement technique: il faut entretenir les routes, il faut les adapter à un trafic croissant. Cela signifie ouvrir des chantiers et les financer. Si la vignette n’est pas adoptée par le peuple, les routes seront moins bien entretenues, de plus en plus engorgées et la charge de routes nationales sera gardée par des cantons dont ce n’est pas la fonction. Il n’y a donc pas à hésiter: il faut accepter cette vignette.

Le projet a du reste été soutenu au parlement par une vaste coalition de tous les partis, disons par les conseillers nationaux qui ont quelque sensibilité technique et qui savent que pour assurer la circulation fluide du trafic automobile, il faut impérativement des routes adéquates. Or, pour la campagne sur la votation, aussitôt les partis ont retrouvé leurs vieux réflexes. Il y a donc un comité de droite et un comité de gauche, parce que, selon economiesuisse, il s’agit de deux opinions bien distinctes qu’il faut persuader par des arguments divers. On peut craindre que ces arguments ne convergent pas et qu’il devienne possible de les opposer et donc de faire échouer le projet en votation.

Tout individu qui se dit inexorablement de droite ou de gauche est en fait atteint de paranoïa. Il s’imagine que l’autre moitié de la société est composée de gens fourbes ou stupides. Leurs arguments sont considérés faux par réflexe conditionné.

Il n’y a pas de routes de droite ou de gauche, d’entretien de droite ou de gauche. Il y a des routes à entretenir et à développer pour des raisons strictement techniques, pragmatiques, réalistes. C’est à prendre ou à laisser si on a envie de rouler correctement.