En Pologne, en Slovaquie et en Hongrie, des majorités conservatrices invoquent les « valeurs nationales » pour se distancer de l’UE. En France, Marine Le Pen sera au deuxième tour des élections présidentielles. En Italie le mouvement 5 étoiles menace le gouvernement Renzi. Les extrêmes droites néerlandaise, belge et même allemande mènent le même combat. Et Trump risque de devenir l’homme le plus puissant de la planète. Ne nous plaignons donc pas trop de l’UDC : il y a pire.
Les partis populistes, nationalistes, pour ne pas dire fascistes, n’ont qu’un seul thème, obsessionnel : l’ennemi, c’est l’étranger, proche ou lointain ; le pire étant l’Islam, qui affronte nos valeurs « judéo-chrétiennes ». Quand un régime ne peut résoudre un problème lancinant, il reste la possibilité de désigner un bouc émissaire. Soit dit en passant, la référence au judaïsme est particulièrement folklorique pour des partis, qui sont des héritiers lointains (mais inavoués) de leurs précurseurs du siècle précédent, massacrant six millions de juifs.
Or que sont ces racines ? Les trois religions monothéistes partagent une même singularité : le respect de l’étranger. Loin d’être des religions tribales, elles ont une vocation universelle. En témoigne, parmi beaucoup d’autres, une citation de Deutéronome 24.17 : « tu ne tricheras pas avec le droit d’un étranger ». L’évangile de Matthieu 25.41 insiste : « allez loin de moi maudits, car j’étais un étranger et vous ne m’avez pas recueilli ». Et le Coran 49.13 ajoute : « nous avons fait de vous des nations et des tribus pour que vous vous entre-connaissiez. »
Certains Européens croient donc de bonne foi que l’invasion menace leurs « valeurs », alors qu’ils défendent celles-ci en les niant et surtout en les ignorant, car ils instrumentalisent une religion qu’ils ne connaissent, ni ne pratiquent. Les racines judéo-chrétiennes ne se distinguent pas de celles de l’Islam sur ce point crucial, parce que les trois religions abrahamiques se sont engendrées successivement dans le même terreau moyen-oriental. En prenant un recul suffisant, on peut considérer que ce sont trois variantes de la même religion, distinctes seulement par leurs origines chronologiques.
Nous sommes ici au cœur de la contradiction de notre société occidentale. Et cette contradiction n’est pas soluble dans l’avenir. Par centaines de milliers, par millions des peuples africains ne trouvent pas d’autre issue que l’émigration vers l’Europe prospère, pacifique, calme. Et l’exemple d’Angela Merkel démontre qu’il est impossible de les accueillir : si on le risque, on accroit l’audience des partis populistes ; si on insiste, ils finiront par conquérir le pouvoir pour ne plus jamais le lâcher. En défendant une valeur fondatrice de notre civilisation et même de toute civilisation, on risque de la détruire. Quelle est la juste mesure? Quelle est la bonne approche?
« On ne conserve pas des valeurs. On les transcende sans cesse. Sinon, elles meurent d'elles-mêmes. »