Ueli Maurer, qui bénéficie tout de même d’une formation de comptable, a joué son rôle de grand argentier en proposant de coupes sur les budgets à venir dans quatre secteurs : la formation et recherche, la coopération au développement, les transports et l’agriculture. Les autres postes ne sont pas compressibles car ils correspondent à des engagements sur le long terme comme l’AVS. Cela a suscité automatiquement de vertueuses protestations.
Les ONG insistent sur le maintien à 0.5% du revenu national du budget de la coopération au développement, qui est au contraire diminué de 151 millions. Elles n’ont pas tout à fait tort car l’asile coûtera 353 millions de plus l’année prochaine. En d’autres mots, faute de maintenir les immigrés sur place en améliorant leurs conditions de vie, on dépense deux fois plus pour les accueillir en Suisse, tout en nourrissant la grogne populiste. L’astucieux Ueli Maurer fait ainsi coup double : il propose une économie budgétaire, caractéristique de la droite, qui renforcera son parti aux prochaines élections en agitant la crainte d'une immigration incontrolée.
Entretemps, les morts par noyade dans la Méditerranée battent les plus sinistres records. Dès que l’on boucle une frontière avec des barbelés, le flux se dirige ailleurs. La guerre civile, la famine, la misère pousseront toujours plus de migrants ( politiques ou économiques quelle différence?) vers l’Europe. Jadis, elle a échoué à développer l'Afrique par la colonisation ; aujourd’hui notre continent est colonisé à son tour par une invasion invincible, qui ruine l’adhésion populaire aux valeurs fondatrices de notre civilisation. Selon le discours de l’UDC, la solution au flux migratoire est le développement sur place. Mais il décide concrètement qu'il faut que ce soit gratuit.
Il en est de même pour la formation et la recherche. L’UDC se méfie par nature des universités qui forment des esprits libres et critiques, recrues improbables pour un parti fondé sur une idéologie archaïque. En décriant la recherche, ce parti magnifie aussi le passé rural menacé par l’industrialisation et la mondialisation. Or, le budget de la science sera largement déficitaire par rapport aux besoins : d’une part la votation du 9 février 2014, qui a exclu immédiatement la Suisse des projets européens, engendre un manque à gagner énorme, difficile à chiffrer, mais que le FN a évalué à 450 millions annuels ; d’autre part la Suisse prétend se résoudre à former tous les médecins dont elle a besoin plutôt que de les recruter en majorité à l’étranger comme elle le fait actuellement. Il pourrait en coûter 700 millions par an en plus. L’administration n’en parle même pas dans ses projections. Si on l'interroge, elle afirme que l’on peut former deux fois plus de médecins dans les hôpitaux universitaires, en y sacrifiant la recherche.
Sur ce plan comme sur le précédent, Ueli Maurer est donc parfaitement cohérent avec sa ligne partisane. Les beaux projets devraient se concrétiser, mais sans qu’ils coûtent quoi que ce soit. Et si cela n’advient pas, c’est la faute des autres partis, de l'administration démesurée, des universités parasites, des intellectuels trop diplomés et, surtout, des migrants à la peau foncée, zélateurs de l'Islam, criminels par nature et terroristes potentiels.