En politique tout est permis : le non-dit, la langue de bois, l’omission délibérée, l’amalgame, le sophisme, le mensonge avéré. Un des lieux préférés de ce double discours a été et est encore notre approvisionnement en énergie. Quelques exemples :
Selon le Plan Energie 2050 du Conseil fédéral, les centrales nucléaires ne seront pas remplacées au terme de leur période d’exploitation. Pourquoi ? De deux choses l’une : ou bien elles ne présentent pas un danger inacceptable et alors pourquoi ne pas les remplacer ; ou bien elles présentent un risque inadmissible et alors il faut les arrêter toutes et tout de suite. Dans les années 70, lorsque ces centrales ont été construites un argument imparable a été utilisé durant les débats : le risque de fusion du cœur d’une centrale est d’une occurrence sur dix mille ans. En réalité dans un délai de trente ans, cinq cœurs ont fondus sur cinq cents en activité dans le monde. Les risque réel est donc d’un pourcent durant la vie du réacteur. L’estimation initiale à dix mille ans n’avait aucun support scientifique mais elle se parait de son apparence : le chiffre avancé faisait sérieux, mais il était faux et sans fondement.
Au début des années 2000, le recours aux énergies renouvelables était ridiculisé : on pourrait au mieux produire 2 ou 3% de l’énergie électrique nécessaire à la Suisse. En réalité, les énergies vertes ont couvert près d'un tiers de la consommation électrique allemande, à hauteur de 32,5% en 2015 contre 27,3% en 2014. Il est vrai que l’investissement initial a été en partie subsidié, mais il en fut de même pour le nucléaire. Le discours officiel de la Suisse blâme aussi l’Allemagne parce qu’elle compenserait la production du nucléaire arrêté par un recours accru aux centrales à charbon. En réalité de 1990 à 2014, la part de ces centrales a baissé de 25,6% à 17,8% dans le total de la production électrique. Le renouvelable a vraiment remplacé les combustibles fossiles.
A la même époque, on agitait le spectre d’une pénurie d’électricité et d’un renchérissement inévitable de celle-ci sur le marché international. En réalité, de 2008 à 2016 le prix du kWh sur le marché européen en surproduction a baissé de 14 à 2,4 centimes au point que les barrages suisses produisant à 6 centimes ne sont plus rentables pas davantage que les centrales nucléaires à 4 centimes. Ces producteurs suisses d’électricité ne doivent d’éviter la faillite qu’au monopole exercé sur les consommateurs individuels, qui n’ont pas le droit d’accéder au marché libre. Ils doivent acheter le courant produit en Suisse à son prix de revient tandis que l’accès au marché international est réservé aux entreprises. Dans le contexte de cette exploitation du bas peuple, la gauche unanime refuse une libéralisation totale du marché de l’électricité sous le prétexte absurde que cela ferait monter les prix. Et voilà pourquoi nous payons notre courant à 20 centimes.
Selon le protocole de Kyoto, la Suisse s’est engagée dans une croisade contre l’émission de CO2. Qu’en est-il de fait? L'objectif de réduction pour les carburants est de 8% pour la période 2008-2012. En réalité les émissions furent en 2011 11,7% au-dessus du niveau de 1990. L'achat de certificats à l'étranger par la Fondation centime climatique (pour quelque 2,8 à 3 millions de tonnes de CO2 par an) permet d'atteindre une « baisse » ( ?) comprise entre 6,5 et 7,8%. Mais celle-ci est purement comptable : ces chiffons de papier sont des droits juridiques de polluer. Cela ne change strictement rien au réchauffement climatique.
Malgré toutes ces prévisions qui se sont révélées fausses, le DETEC n’a pas perdu courage et il s’est lancé dans une vaste étude prospective Hypothèses et méthodes de diverses études portant sur les perspectives énergétiques. Dans ce document qui a demandé pas mal de travail, il y a une foule de tableaux chiffrés. Au hasard, on apprend par exemple que le prix du baril de pétrole en 2050 sera de 106,5$. Pas de 106,6 ni de 106,4. Exactement 106,5 avec quatre chiffres significatifs. Ce département fédéral, gérant notre système technique, ignore une règle élémentaire de mathématique : en réalité on peut interpoler entre deux points connus d’une courbe mais on ne peut jamais extrapoler une tendance. Les chiffres obtenus de la sorte n’ont aucune signification sauf pour ceux qui croient aux horoscopes, aux voyantes et aux révélations du Ciel.
Or notre devenir énergétique n’est pas un détail secondaire. Il conditionne notre prospérité économique et la stabilité de nos institutions. Il serait temps de retirer la gestion de ce domaine technique aux aléas de la politique, c’est-à-dire au parlement et à la démocratie directe. Le franc suisse est géré par la BNS, dont l’indépendance est totale, de façon que des décisions techniques soient prises par des gens compétents. Pour gouverner la difficile mutation de système énergétique, il faudrait de même confier les gouvernes à une institution indépendante dont la seule mission serait de garantir l’approvisionnement dans les meilleures conditions de sécurité et de coût, plutôt que de tenir un discours absurde proféré par des incompétents.