Comme tout lecteur du Temps j’ai été stupéfait de la publication d’une double page payée par une association pour l’abolition des expériences sur les animaux. Thème : où en est la guérison de la paraplégie ? Mais il ne s’agit pas d’un dossier fournissant un état de la question. C’est au contraire une mise en accusation des expérimentations animales en recherche médicale. La Thèse est résumée en une phrase choc : « en fait la fixation sur l’expérimentation animale inutile garantit que la paraplégie reste incurable » Vous avez bien lu : garantit. La recherche est une activité qui vise à ne pas réussir.
L’annonceur entend démontrer que les animaux ne constituent pas des modèles fiables pour en déduire des conclusions sur les humains. C’est partiellement vrai. On ne peut pas considérer qu’un résultat obtenu sur une souris soit applicable tel quel sur un homme. Les chercheurs en sont parfaitement conscients et n’oublient pas de le rappeler chaque fois qu’une expérience est réussie sur l’animal. C’est une promesse de solution, pas la solution.
Ce que l’annonceur omet de préciser, ce sont les méthodes qui pourraient se substituer à l’expérimentation animale. En fait, il n’y en a qu’une seule : l’expérimentation humaine. En d’autres mots, sans le dire, sans peut-être en être conscient, c’est une annonce pour utiliser des êtres humains comme cobaye. C’est la célèbre méthode Mengele, qui ravalait des Juifs au rang d’animaux pour expérimenter ensuite avec une entière bonne conscience.
En élargissant l’angle d’analyse, ce genre d’annonce spécule aussi sur l’ignorance du lecteur qui ne veut pas savoir que nous sommes le résultat d’une évolution biologique à partir d’ancêtre authentiquement animaux, par exemple un petit rongeur voici 60 millions d’années. Si l’on veut bien admettre cela et y réfléchir, nous ne sommes pas essentiellement différent des animaux au plan biologique et cela a donc un sens d’exploiter cette parenté plutôt que de la nier.
Enfin l’annonceur laisse entendre que les chercheurs en biologie sont des savants fous, à la fois incompétents et cruels : ils ne savent pas ou ne veulent pas savoir que leurs expériences sur les animaux n’ont aucun sens et ils les pratiquent par sadisme en se réjouissant des souffrances infligées à de pauvres bêtes sans défense. Ils poussent l'inconscience jusqu'à ne pas utiliser les bonnes méthodes afin d'échouer à coup sûr. Il serait temps de fermer les laboratoires de biologie avant qu’il soit trop tard et de colloquer ces fous dans des asiles. Moins de crédits pour la recherche cela fera des économies !
Il reste une question sans réponse : comment se fait-il que cette annonce grotesque ait été publiée dans le Temps dont les lecteurs ne se recrutent pas particulièrement parmi les ignorants ?