On se remémore ces jours-ci le cinquième anniversaire de Fukushima qui est aussi le trentième de Tchernobyl. Au début de ce mois le Conseil national a adopté une procédure d’arrêt des centrales suisses, d’une tranquille insouciance. Certes Mühleberg sera fermé très bientôt mais les autres continueront à la petite semaine. Circulez, il n’y a rien à voir.
On est revenu de l’état d’esprit dominant juste après Fukushima. On se persuade mollement qu’il n’y a pas urgence, que le risque est minime grâce à l’excellence des techniciens suisses, les meilleurs du monde. Quel est ce risque actuel ?
Dans le concept de risque on mélange deux éléments : la fréquence et la gravité. De cette dernière on est persuadé. Une fusion du cœur sur le Plateau entrainerait la stérilisation définitive d’un cercle de trente kilomètres de rayon, soit une superficie de l’’ordre de 3000 kilomètres carrés avec les champs, les forêts, les fermes mais aussi les villes sur un territoire aussi densément peuplé. Pour Mühleberg cela donne l’abandon de Berne, Fribourg, Neuchâtel et Bienne. On tombe donc d’accord que la gravité serait extrême.
Mais aussitôt on se rabat sur la fréquence. Le risque d’un accident majeur est, pense-t-on, tellement faible qu’il annule la gravité. Dans la mathématique douteuse de la politique cela donne l’infini multiplié par zéro vaut zéro. En bonne mathématique ce produit a une vraie valeur. Les compagnies d’assurance sont habilitées à la calculer. Et elles n’assurent pas le risque d’accident majeur. La facture sera payée par les victimes ou par tous les contribuables suisses. Or, la fréquence est loin d’être assimilable à zéro. Sur cinq cent réacteurs qui ont fonctionnés, cinq cœurs ont fondu. La fréquence est donc de 1%. Avec cinq réacteurs, la Suisse court une chance sur vingt.
Par ailleurs, l’Europe ne souffre pas d’une pénurie d’électricité. Bien au contraire il y a surproduction au point que le prix du marché est inférieur au prix de revient, même des centrales hydroélectriques. Quant au coût réel du kWh nucléaire, nul ne peut l’estimer puisque la charge de gérer les déchets pendant des millénaires est incalculable.
Une fois que tous ces éléments sont pris en compte, une conclusion technique s’impose : plus tôt on fermera les centrales nucléaires mieux cela vaudra en bonne politique nationale. En bonne gestion des exploitants, plus on tarde, plus ils engrangent des bénéfices avec des installations complètement amorties. C’est la seule raison de maintenir en activité ces bombes à retardement. Au Palais fédéral, le lobby de l’électricité est plus puissant que celui de la raison, qui n’existe tout simplement pas.