« Ne nourrissez pas les réfugiés. Sinon d’autres viendront », a déclaré l’aimable Carl Decaluwé, gouverneur de Flandre Occidentale, province flamande de la Belgique. En effet, la côte belge est confrontée à de plus en plus d’immigrés illégaux, venant de Calais et espérant rejoindre l’Angleterre à partir du port de Zeebrugge. Le gouverneur morigénait des bénévoles, qui leurs avaient apporté de la nourriture. Détail significatif : cet homme politique appartient au parti qui se dit démocrate chrétien. Il dépasse en barbarie un Viktor Orban, prêt à accueillir en Hongrie au moins les réfugiés chrétiens, quitte à refouler les musulmans. Il traite des êtres humains comme ces pigeons que les municipalités interdisent de nourrir pour en éviter la multiplication et les constellations de guano des monuments. Affamez cette vermine pour qu’elle soit éradiquée !
Cela pose la question de savoir de quel tréfonds de l’inconscient collectif surgit cette religion de l’exclusion, comment elle peut coexister avec l’invocation politicienne aux racines chrétiennes de l’Europe. L'évangélisation de la Flandre n’est pas récente : elle eut lieu dès le septième siècle par des moines irlandais qui ont laissé leurs noms dans la toponymie : Saint Vaast, Saint Géry, Saint Omer, Saint Amand. On pourrait donc la croire bien assimilée, identifiée avec la culture du pays, consubstantielle à ces valeurs humanistes dont on se gargarise. La Flandre est traditionnellement un pays pacifique, ouvert sur l’extérieur, riche d’une culture ancestrale. Laisser mourir de faim des pauvres au pays de Breughel est significatif d’un bouleversement des consciences.
Sommes-nous à l’avant-veille d’une troisième guerre mondiale ? Telle est la véritable interrogation. Dans l’angoisse qui précède un conflit, toutes les aberrations se font jour, les craintes infondées, les peurs ancestrales, les réflexes incontrôlés de survie. Si un chrétien autoproclamé en vient à affamer les musulmans en reniant les « valeurs » pour lesquelles il s’est fait élire, il rejoint la hantise du siècle passé dont les juifs firent les frais. Sommes-nous retournés en 1930 ?