Bienheureux celui qui n’en est pas capable, car on lui donnera le pouvoir

L’article 161 de la Constitution fédérale est absolument clair : « Interdiction des mandats impératifs. Les membres de l’Assemblée fédérale votent sans instruction. ». Face à l’élection du Conseil fédéral, seul Robert Cramer eut le courage de proclamer à haute voix l’évidence : imposer des candidats à l’Assemblée fédérale, comme le fait l’UDC, est un « dynamitage des institutions », la dérive vers un régime de parti unique dirigé par un leader charismatique.

Tous les autres ont regardé ailleurs, ont fait comme si de rien n’était, comme s’il n’y avait pas d’autre choix et se sont ralliés à la solution minimale, Guy Parmelin. Puisqu’il n’est pas qualifié manifestement pour un exécutif (« j’ai tout de même été caporal ! »), il devient le moins mauvais. Cet très honnête homme en a entendu de belles de la part des médias : papy, malléable, pépé, mou, médiocre…On n'hésite pas à l'insulter en caricaturant ce qu'il est en réalité. On s'innocente de l'avoir élu, en le blamant d'être ce qu'il est, alors que c'est pour cela qu'on l'a choisi.

Or, ce qui s’est passé n’est pas de sa faute, mais de celle du parlement. D’abord des parlementaires UDC, asservis servilement aux consignes d’un parti qui n’est plus démocratique, qui ne feint plus de l’être et qui viole un petit peu la Constitution pour habituer le pays à en subir davantage. Ensuite des autres partis, de gauche et du centre, qui n’ont pas créé un front républicain, soit pour porter leur choix sur un candidat du centre, soit pour sortir du trio imposé par l’UDC. Ils sont objectivement complices du viol de la Constitution.

Ils n’ont même pas saisi qu’en élisant un candidat UDC hors du trio, ils mettraient l’UDC dans l’embarras. C’est une chose de proclamer que l’on exclura le délinquant, c’en est une autre de le faire. Cela a en tous cas mauvaise façon. Cela oblige à dévoiler des mœurs staliniennes.

Il y a quelque chose de pervers dans ce choix de candidats, parce qu’ils ne sont pas les plus évidents. Le PS avait déjà adopté la même tactique avec Karin Keller-Sutter à laquelle il a préféré Johan Schneider Amman, parce que sa carence éclatait face à l’excellence de sa concurrente. Ce n'étaient pas les diplômes qui lui manquaient, bien au contraire, mais l'intelligence d'en profiter.  Même jeu avec Ueli Maurer, excellent paysan, faible ministre. C’est dire que la composition du Conseil fédéral n’a d’importance que dans le dosage des partis et des régions et que la qualité propre des candidats est un défaut plutôt qu’une qualité. Malheur aux compétents, aux qualifiés, aux diplômés, aux polyglottes, ils seront rejetés dans les ténèbres extérieurs. A gouvernement faible, parlement fort et peuple tout-puissant.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.