Publicité ou religion, il faut choisir

La RTS fâche en supprimant ses émissions religieuses. Mais qui ne peut ne peut. La SSR soutient sept chaînes de télévision et 17 radios avec le budget d’une chaîne de télévision française. Cela fait partie de l’équation multiculturelle de la Suisse. Une société privée reçoit une concession de service public, munie d’un budget insuffisant pour atteindre ses objectifs. Elle recourt donc à la publicité et, quand celle-ci se tarit, elle doit supprimer des émissions et licencier du personnel.

En d’autres mots, le service public est financé par la réclame commerciale. Que penserait-on d’un pareil expédient pour financer la santé, la formation ou la défense ? Pourquoi ne pas mettre les logos de sponsors sur les blouses des infirmières, les tableaux des auditoires et l’uniforme des soldats. On impose donc aux dirigeants de la RTS de résoudre une équation insoluble. Perverse de surcroit. Car qui veut de la publicité sur son antenne doit appâter les annonceurs. Et ceux-ci sont capables de faire leurs compte est de mesurer l’impact d’une série de spots.

Si leurs ventes n’augmentent pas en conséquence des frais engagés, ils arrêtent de gaspiller des frais publicitaires inefficaces. Or la publicité télévisuelle ne convainc pas tout le monde. Qui va acheter une lessive, un antidouleur ou une boite de chocolat parce qu’un spot racoleur s’efforce de les persuader que c’est le meilleur produit? Il faut être inculte, ignorant et même stupide pour le croire. Et donc si la télévision subsiste grâce à la publicité, elle doit impérativement recruter des téléspectateurs influençables. Ce n’est évidemment pas avec des émissions religieuses, littéraires ou musicales qu’elle va les attirer, puisqu’ils sont incultes par définition.

Dès lors la manne publicitaire encadrera des émissions crétines dont le prototype est constitué par la série américaine, achetée à bas prix, parce qu’elle a déjà été amortie aux Etats-Unis. Ce genre de série repose sur des valeurs propres à la couche la plus rustique de la société : violence, sexe, fantastique, horreur, xénophobie. On vend des produits en achetant des âmes. Une émission religieuse est donc, parmi toutes, la plus incompatible avec la gestion financière de la TSR. Il est donc injuste de crier haro sur Gilles Marchand. Il n’a pas le choix. Ou bien on lui donne les moyens d’une autre politique ou bien on le contraint à faire la politique de ses moyens.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.