Mais pourquoi voter à l’extrème droite ?

Oui, pourquoi ? Ce n’est plus l’opposition classique droite gauche entre les pauvres et les riches car, manifestement, 44% des électeurs votant PLR et UDC n’appartiennent pas tous à cette dernière catégorie. On constate au contraire que la droite extrême, en Suisse ou ailleurs, mobilise les classes populaires, les électeurs les moins formés, les salariés les moins bien rémunérés. C’est comme si la droite et la gauche avaient inversé leurs rôles.

Le Parti socialiste, en Suisse, comme ailleurs, rassemble surtout les bobos, souvent fonctionnaires, bardés de diplômes, partisans de l’Etat qui les nourrit par des salaires convenables reposant sur des emplois à vie. Ce n’est pas la gauche caviar, comme on l’a dénommé par exagération, mais la gauche planplan, qui souhaite que rien ne change que ce qui est à son bénéfice. Plus la société se complique, plus la technique progresse, plus les mœurs changent, davantage en bénéficient les bobos.

En revanche, les classes populaires sont réellement menacées par l’évolution de la société. Un métier durement appris dans la jeunesse par un apprentissage sérieux devient subitement obsolète. Chaque travailleur étranger mieux formé et moins payé fragilise leurs emplois. La famille n’est plus ce roc indestructible sur lequel se réfugier en cas de coup dur. Les assurances sociales se délitent sournoisement. Les études supérieures deviennent hors de portée pour une famille modeste. L’enseignement obligatoire, sous couvert d’intégration sociale, a démissionné de sa vocation traditionnelle. Aucun effort sérieux de formation continue n’est consenti pour aider au recyclage des travailleurs déqualifiés.

Face à ces menaces confuses, obscures, ténébreuses, la droite s’en prend à l’Etat et s’efforce de limiter son action, comme si l’évolution de la société était de son fait. Or, moins d’Etat signifie moins de protection pour les plus démunis. Confrontés à des problèmes angoissants, les couches populaires se précipitent dans les bras de ceux qui les aggravent ou qui les créent carrément. Le discours démagogique sur l’immigration massive a déterminé le résultat des élections de 2015. Mais la droite n’a pas de proposition concrète pour limiter réellement cet afflux. Les frontières de la Suisse sont une passoire. Personne ne propose de se barricader selon le modèle hongrois avec barrière de fil barbelé et armée en position de tir. Le discours de la droite s’insère dans la logique du nyaka, nyakapa, isuffide.

Il ne pouvait séduire que des illettrés. Il les a séduits. Pendant ce temps, la gauche, maîtresse de la formation, produit, sans le vouloir, sans même s’en rendre compte ces illettrés qui voteront contre elle.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.