Débat ce jeudi 1er octobre à Yverdon au sujet des pensions. Six personnes représentaient les partis à la table ronde. Dans la salle il devait bien y avoir une vingtaine de pensionnés, vaguement inquiets, voire mécontents de ce que les rentes ne soient pas indexées sur le coût de la vie. Les dames présentes ont fait impudemment remarquer que la réforme proposée par Alain Berset s’effectue une fois de plus en retardant l’âge de la pension pour les femmes, tout en ne faisant aucun effort pour aligner les salaires des deux sexes. Ce sont des remarques indispensables dans ce genre de discussion.
Au-delà de ces interventions prévisibles, le sujet véritable fut la pérennité de l’AVS. Avec les réformettes votées par le parlement en juin, l’AVS tiendra le coup jusqu’en 2030. Au-delà c’est l’inconnu et le déficit assuré. Face à ce défi, les représentants de la gauche se sont singularisés. Pour eux, il n’est pas question de prélever plus de cotisations, de diminuer les rentes ou d’allonger le temps de travail, les trois seuls paramètres sur lesquels un fonds par répartition peut vraiment jouer.
Une tentation gauchiste consiste à fusionner les deux premiers piliers. En effet les réserves du premier sont à peine de 43 milliards, l’équivalent d’une année de rentes. Les réserves du second sont un véritable capital à 712 milliards soit 14 années de rentes à 50 milliards. Cette différence est inscrite dans la logique des deux piliers puisque seul le second mise sur la capitalisation. En somme l’idée lumineuse est de mettre la main sur les économies de ceux qui ont épargnés pour en gratifier ceux qui n’en ont pas eu la possibilité, faute d’un revenu suffisant. L’argent se prend où il se trouve et ceux qui le possèdent ont fait preuve d’inconduite, en obtenant un bon salaire.
Que faire si on résiste à cette tentation sommaire? L’espérance de vie à 65 ans est passée de 12 à 20 ans depuis la création de l’AVS. En bonne mathématique, il faudrait soit augmenter les cotisations de 66%, soit diminuer les rentes d’autant, soit travailler 8 ans de plus, c’est-à-dire fixer l’âge de référence à 73 ans. Cette troisième démarche est au fond la seule possible. Elle a été évitée en finançant l’AVS sur le budget de la Confédération à hauteur de 20%, mais cette ressource n’est pas extensible à l’infini et elle viole le concept même de pensions financées par le travail. A la première plongée du budget, les pensions subiront une coupe linéaire comme les autres postes.
Or travailler plus longtemps est sacrilège aux yeux de la gauche. Car, dit-elle, un vieux qui travaille plus longtemps empêche un jeune d’accéder à un emploi. C’est l’intéressant concept de la limitation des places de travail. Par kilomètre carré il existe de toute éternité un certain nombre d’emplois. Il ne s’en crée pas, éventuellement certains disparaissent. Mais est infâme l’idée qu’un travailleur, mieux payé qu’un pensionné, dépense davantage et crée de ce fait des emplois. Ou encore il est inconcevable qu’une société où l’on travaille davantage dispose de plus de pouvoir d’achat qu’une société d’oisifs.
En somme la gauche, même social-démocrate ou écologiste, est toujours infectée par le virus marxiste : elle veut passer d’une société fondée sur le mérite à une société égalitaire. Le travail n’est qu’une corvée, à limiter dans le temps. L’objectif d’un jeune ne peut être que d’atteindre l’âge de la pension, le plus vite possible.