Face à l’invasion de l’Europe par des réfugiés d’Afrique et du Moyen-Orient, il règne une certaine panique à Berne où l’on enregistre des suggestions de solution, qui sont à la fois irréalistes, malsaines et dangereuses. Leur but n’est pas de résoudre le problème, mais de gesticuler afin d’en tirer quelque bénéfice électoral.
Première suggestion : augmenter notre aide à l’Erythrée pour modifier le régime au point que l’on puisse d’ici « trois ans » renvoyer les réfugiés dans ce pays. Il faut ne rien connaître à l’Afrique pour imaginer une telle solution. La situation dans plusieurs pays est tellement chaotique qu’il faudra des décennies pour que des Etats de droit s’y installent. Par ailleurs, il n’y a pas de relation directe entre l’aide au développement et le surgissement de la démocratie.
Seconde suggestion : mettre les réfugiés au travail mais en confisquant tout ou partie de leur salaire afin de le mettre dans un fonds d’aide au développement. On se permet de douter qu’il soit possible en droit du travail de confisquer des salaires. Créer une classe de travailleurs privés de droits revient à régresser dans l’esclavage. La Suisse subirait des condamnations internationales.
Troisième suggestion : ne plus donner de l’argent liquide aux requérants d’asile mais des bons donnant droit à certaines prestations. Pourquoi : pour éviter qu’ils envoient de l’argent à leurs familles demeurées au pays. Ici on atteint le comble de l’odieux. Les pauvres ont certes l’habitude de partager avec plus pauvres qu’eux : c’est un réflexe de survie pour le groupe et c’est un exemple pour ceux qui ne sont pas pauvres. Réprimer ce mouvement de générosité est tout simplement contraire à ce qu’il y a de plus précieux dans notre civilisation : la solidarité sans limite fondée sur l’égale dignité de tous les êtres humains.
Il existe en politique des problèmes vraiment insolubles dont on peut au mieux pallier certains convénients au prix de sacrifices douloureux. La tentation est donc pressante de nier le fait qu'il n'y a pas de solution en inventant n'importe quoi pour paraître agir. La seule attitude honnête à l'égard des réfugiés est de constater et d'avouer que nous n'avons pas de solution et de pallier les conséquences d'une situation catastrophique en investissant à fonds perdus l'argent des contribuables au nom des valeurs que nous prètendons défendre.