Ce samedi s’est déroulé un mini-débat, dix minutes, durant l’émission Forum de la RSR. Elle opposait votre serviteur en tant que doyen perpétuel du parlement à un jeune député du Grand Conseil de Neuchâtel. La question portait naturellement sur la fâcheuse tendance des ainés à demeurer accrochés à leur siège et à ne pas dégager pour faire de la place aux jeunes. La situation empire en ce sens qu’aux prochaines élections d’octobre il n’y que 37 parlementaires sur 246 qui ne se représentent pas, soit 15% de l’effectif. Si on envisage un parcours moyen de trois législatures, il faudrait que 33% des parlementaires abandonnent chaque fois.
Comme ce jeune député était bien élevé, il n’a pas formulé sa requête de façon incisive, sur le ton « ôtez-vous de là que je m’y mette » mais c’était bien le sens de sa requête. Il fit remarquer que dans la classe d’âge 18-30 ans, il n’y a en tout et pour tout que deux parlementaire et que les jeunes ne sont donc pas bien représentés au parlement. Or, la situation est la même pour les aînés : 18% de la population suisse a dépassé l’âge de 65 ans et il n’y a que 4% des parlementaires pour les représenter. La conclusion saute aux yeux : l’immense majorité des parlementaires a entre 30 et 65 ans. Les quadras sont surreprésentés. S’il fallait faire place aux jeunes, c’est dans ce contingent qu’il faudrait tailler, mais les partis ne le font pas pour une raison évidente : la présence sur les listes de gens bien connus des électeurs garantit une réélection et donc la sauvegarde du siège.
Ce serait donc la faute des partis et non des personnes. Mais il y a une autre considération bien occultée dans ce débat. Le parlement fédéral est censé fonctionner selon le système de milice, à savoir que les parlementaires ne sont pas rémunérés à 100% et qu’ils doivent maintenir leur pouvoir d’achat en travaillant par ailleurs. Au début d'une carrières il est impossible de demander cent jours ouvrables par an d'être libre d'aller à Berne. Il n’y a donc guère de travailleurs issus des entreprises, mais plutôt des indépendants, avocats, médecins, chefs d’entreprise ou encore des représentants d’associations paysannes, patronales ou syndicales. En général des personnalités dont la carrière est déjà assurée.
Les lamentations des jeunes pourraient donc être répétées par une foule de catégories sociales, à commencer par les femmes qui ne représentent pas la moitié des élus mais seulement le quart. Les femmes ne votent pas uniquement pour des femmes, les jeunes pour des jeunes et les retraités pour des retraités. En résumé, l’électeur ne vote pas pour un candidat qui est à son image, pratique le même métier, a le même âge et le même sexe. En dernière analyse, il vaut mieux élire quelqu’un qui a les mêmes idées, qui défend les mêmes intérêts et qui a une certaine capacité à les promouvoir. On peut parfaitement défendre les bourses étudiantes sans en avoir soi-même besoin, prôner le respect de toutes les religions sans en être le multiple fidèle, promouvoir la procréation médicalement assistée en ayant passé l’âge de l’utiliser, etc…
Le bien commun n’est pas l’addition des toutes les revendications particulières mais un arbitrage raisonné entre celles-ci. Jadis on considérait que c’était le privilège de nobles vieillards. La force de l’expérience primait sur la force de la jeunesse. Allons-nous vers le préjugé inverse ?