Le pactole suspect de la publicité

La votation sur la redevance radio-télévision a relancé le débat sur la publicité dans les médias. Les éditeurs de journaux n’apprécient pas la concurrence que leur fait la SSR subsidiée par l’argent public. Par ailleurs, la Poste a donné instruction aux facteurs de déconseiller la pose d’affichettes sur les boites aux lettres refusant la publicité. Bref on a le sentiment qu’il existe une sorte de mine d’or qu’il convient d’exploiter de la façon la plus efficace et dont les bénéfices font l’enjeu d’une dispute sordide.

Rien n’est jamais gratuit. L’argent de la publicité est versé par les firmes mais il est payé par les consommateurs. Si l’on espère bénéficier d’un subventionnement gratuit de la télévision par la bienveillance des producteurs, on se trompe. On paiera tout de même en achetant un yaourt à la Migros, des antidouleurs dans une pharmacie ou une voiture au concessionnaire. Mais on ne paiera pas de la même façon. Le circuit de la finance est trop compliqué pour que l’on puisse encore le contrôler.

La publicité à la télévision coûte très cher aux annonceurs qui surveillent de près l’effet de celle-ci sur leur vente. Il faut donc qu’un spot publicitaire influence l’achat  de suffisamment de téléspectateurs, qu’ils se laissent convaincre qu’un produit visible sur l’écran est de ce fait meilleur qu’un autre. Or il n’y a aucun rapport entre la séduction d’un spot et la qualité du produit vanté. Il faut être passablement naïf pour le croire.

Dès lors la télévision doit recruter aux heures de grande écoute un public inculte, peu éduqué, pauvre pour tout dire dans tous les sens du mot. En conséquence, les émissions sont conditionnées par cet impératif. Les stupides séries américaines, débitées à longueur de soirée, ont été savamment élaborée pour caresser dans le sens du poil le spectateur idiot. Elles ont par ailleurs l’avantage décisif pour le concepteur de programme d’être déjà amorties et de ne pas coûter cher. Et donc le prix de la publicité télévisée est l’abrutissement d’une partie de la population, la propagande pour des valeurs étrangères à notre culture. La société de consommation s’entretient de la sorte en s’autofinançant. Les conseils de sobriété, de retour à la sagesse ancestrale, d’esprit critique ne servent à rien face à cette complicité des pouvoirs publics.

Un service public doit être financé par de l’argent public de façon exclusive. Que dirait-on si nos écoles, nos hôpitaux, nos routes, notre armée recourraient à des sponsors ?

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.