Christoph Blocher dans le rôle désopilant de l’arroseur arrosé

Au début de l’année, Christoph Blocher a vigoureusement soutenu l’initiative UDC contre l’immigration de masse selon laquelle : « Le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds. Les plafonds doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale ». A la fin de l’année, dans un numéro hautement comique, il lutte maintenant tout aussi vigoureusement contre l’initiative Ecopop, parce que celle-ci est précise et fixe un plafond à 0,2% de la population actuelle, soit 16 000 immigrants par an.

Tout le problème est donc de fixer le plafond. S’il n’est pas précisé comme dans l’initiative UDC, c’est acceptable. Car, le but de celle-ci n’était bien évidemment pas d’être adoptée, au risque de détruire les relations bilatérales. Son seul objectif était d’agiter vaguement l’opinion publique, afin de recruter de nouveaux électeurs pour la prochaine échéance fédérale. C’était une initiative pour rire, mais le peuple suisse dans sa majorité ne possède pas le délicat sens de l’humour de l’UDC.

Maintenant que l’initiative UDC a été adoptée, Christoph Blocher est bien emprunté. Comment et où fixer un plafond ? Trop bas comme dans Ecopop, il déclenche une crise générale, à la fois de l’agriculture, du système de pensions, des chantiers de construction, de l’hôtellerie, de la médecine.

Le plafond Ecopop est tellement bas qu’il démontre paradoxalement qu’une large immigration est indispensable et que l’initiative UDC n’avait pas de sens. En effet, si le plafond est haut, il ne réduit en rien « l’immigration massive ». Le fixer en fonction « des intérêts économiques globaux de la Suisse », revient tout simplement à entériner la situation actuelle, 80 000 immigrants, soit 1% de la population. Ces travailleurs sont venus en Suisse parce qu’ils étaient demandés par les employeurs. Et ceux-ci agissent forcément en fonction des intérêts économiques. Donc tout se jouera sur un pourcentage entre 0,2% et 1 %.

On peut déjà parier que le parlement, quand il votera, sera mis en présence de huit propositions individuelles allant par échelon de 0,1% du bas vers le haut. Le curseur s’arrêtera lorsqu’une majorité d’occasion estimera au pifomètre que le plafond est à la bonne hauteur.

La véritable question ne serait-elle pas de savoir à quelle hauteur loger l’araignée dans le plafond des initiants, aussi bien d’Ecopop que de l’UDC ?

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.