Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

Les pensions sont une source continue de préoccupation dans une Suisse en voie de déclin démographique, mal compensé par une immigration massive dont le peuple-qui-a-toujours-raison, vient de dire qu’il n’en veut plus.

C’est surtout un système parfaitement opaque auquel le travailleur, futur pensionné, ne comprend pas grand-chose. Et puis il coule faute de prévoyance. On propose donc de le modifier par un plan intitulé Prévoyance 2020. Soit la rente LPP : elle est égale au capital accumulé à la retraite multiplié par le taux de conversion. Actuellement il est fixé à 6,8% et on songe à le diminuer. Le taux de conversion minimum devait être ramené à 6,4% et réexaminé tous les 5 ans. Le Parlement a accepté le projet du Conseil fédéral le 19 décembre 2008. Un référendum a été lancé contre ce projet.

Lors de la votation populaire fédérale du 7 mars 2010, le projet a été rejeté par le peuple. Or ce taux de conversion n’est en rien un paramètre qui pourrait être fixé par une loi ou une votation : c’est une donnée du problème. L’espérance de survie à 65 ans est actuellement environ de 20 ans. Pour assurer en moyenne une pension jusqu’à la fin, le taux de conversion est donc égal à 100/20=5%. C’est un fait, ce n’est pas un choix. Parlons de l’autre donnée, le capital. Le capital à la retraite est égal au total des bonifications (cotisations) pendant la carrière plus le total des intérêts accumulés. Sur une carrière complète, les intérêts vont représenter entre 25% et 33% du capital total. Mais, les intérêts sont surtout dictés par les rendements des marchés financiers ; ils ne peuvent être influencés par une décision ou une règle politique. Le parlement erre lorsqu’il fixe un taux minimum de rendement. C’est un fait pas un choix.

Autre données du problème auxquelles on ne peut rien : la durée de vie augmente, donc le taux de conversion va diminuer inexorablement ; les rendements financiers sont tellement bas qu’il n’est même plus certain de conserver le capital. Ce sont deux faits que l’on s’efforce de dissimuler dans le discours politique. Comment ? En compliquant. La première idée est d’augmenter les bonifications ? La bonification LPP est égale au salaire coordonné LPP multiplié par le taux de bonification variable selon l’âge. Deux autres paramètres qui embrouillent la situation. Prévoyance 2020 propose d’agir sur les 2 composants (salaire et taux). Qu’est-ce que ce salaire coordonné LPP ? C’est le salaire AVS brut plafonné à 84’240 , puis réduit de la déduction de coordination de 24’570 avec enfin un montant minimum de 3'510. Dans le système actuel, comme la déduction est fixe, la proportion du salaire assuré dans la LPP diminue pour les bas, ce qui est chagrinant. C’est surtout un système effroyablement compliqué, qui dissimule les véritables enjeux évoqués plus haut, c’est-à-dire un système irréaliste qui ne tient pas compte du vieillissement de la population et de l’incertitude sur le rendement financier . Prévoyance 2020 propose d’augmenter globalement les taux de bonifications, mais de manière différenciée selon l’âge (+7% au total). Ces modifications augmenteront sur la carrière les bonifications pour les plus jeunes assurés actuels. Pour les assurés proches de la retraite, il y aura une légère diminution, que le Conseil fédéral propose de compenser par des versements uniques du Fonds de garantie.

Si le Conseil fédéral décide de supprimer la déduction de coordination, comme annoncé après la consultation, les taux de bonification seront vraisemblablement adaptés proportionnellement. Même si vous avez eu la patience de suivre jusqu’à présent, il vous est impossible de comprendre comment fonctionne le système actuel et comment on espère le sauver. Il y a deux faits dont il suffirait de tenir compte en oubliant tout le reste : plus tard un assuré prend sa retraite, plus élevée sera sa pension ; il sera jusqu’à la fin incertain du capital accumulé. Il faudrait donc encourager les travailleurs à rester en activité le plus longtemps possible. S’ils prennent leur retraite à 75 ans plutôt qu’à 65, ils doublent leur revenu. Tout le reste est brouillard artificiel, bricolage et poudre de perlimpinpin.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.