Le mardi 3 juin le Conseil national a abordé le sujet délicat du diagnostic préimplantatoire. Le sommet du débat portait sur le nombre des embryons qu’il est légal de produire pour en trouver au moins un qui soit sain, qui donne lieu à la naissance d’un enfant en bonne santé. Selon la proposition du Conseil fédéral ce nombre devait de toute façon être limité à huit. Pourquoi? Parce que l’ «éthique» exige que l’on en élimine le moins possible.
Au-delà de sept embryons éliminés, la morale est tout d’un coup violée, en dessous point. Cette thèse tirée par les cheveux suscita dans l’assemblée pas mal de scepticisme. Pour emporter le morceau, en désespoir de cause, Alain Berset, dans la position redoutable de défenseur du Conseil fédéral, affirma que ce chiffre avait été considéré comme acceptable par la majorité des instances interrogées lors de la consultation de 2013. En réalité, sur les 49 participants à la consultation, seulement 15 approuvaient la limite de huit, 29 la considéraient comme inapplicable parce que trop restrictive et 5 comme pas assez restrictive. Parmi les opposants se retrouvent les hôpitaux universitaires et les facultés de médecine, parmi les partisans des instances politiques surtout des cantons.
Présenter cette consultation comme une approbation majoritaire des praticiens est une mystification, pour rester charitable. Pour ne pas utiliser des synonymes désobligeants qui recouvrent mieux la nature de cette manœuvre, mais que l’on ne peut décemment infliger à un Conseiller fédéral dans une démocratie consensuelle. Dans mon expérience (limitée), c’est la première fois qu’une contre vérité est ainsi froidement proférée à un moment crucial des débats dans l’enceinte sacrée du parlement fédéral. J’ai perdu une illusion supplémentaire. M’en reste-t-il?
J’ai déjà stigmatisé dans un excellent ouvrage le mensonge des astrologues, des voyants, des analystes financiers, des publicitaires, des sectaires, des dictateurs. Aujourd’hui je dois reconnaître que la Confédération suisse n’est pas une exception. Elle s’inscrit dans la tradition historique des sophistes grecs, des rhéteurs romains, des casuistes jésuites, des chicaneurs de prétoire et des théoriciens du marxisme, gens de plume et de verbe, exercés à soutenir par des arguties les causes les plus pendables. Quand et où trouverons-nous un Paradis terrestre peuplé uniquement d’êtres vertueux? Rousseau doit se sentir bien seul.