Jamais je n’ai été convaincu par l’achat du Gripen, non pas pour des raisons politiques mais pour des raisons professionnelles. Un ingénieur repère instinctivement les projets dont le coût élevé sert d’argument de vente, dont le cahier des charges est flou et dont le chef de projet n’est pas convainquant parce que pas convaincu. A toute question précise Ueli Maurer avouait son ignorance, son incompétence et sa motivation vacillante. J’ai donc voté non contrairement à la consigne de mon propre parti. Et si on répète en boucle que le peuple a toujours raison, alors j’ai eu raison un peu plus tôt, sans autre mérite que de connaître mon métier.
Cela c’est maintenant le passé.
Que tirer de positif de ce refus, de cette perte de temps, de ce désaveu par le peuple, jadis rangé toujours derrière la bannière militaire, par réflexe plus que par réflexion. Précisément que l’on a commencé à réfléchir, non pas sur le principe d’une armée et d’une aviation, mais sur sa mise en oeuvre. Sommes-nous menacé par une invasion de chars français au point de maintenir des brigades blindées en besoin de couverture aérienne? Ou bien avons-nous besoin d’un solide service de renseignement pour prévenir les attentats terroristes, d’un commando capable de récupérer des Suisses otages à l’étranger, d’une parade crédible aux attaques sur nos systèmes informatiques ?
Tel est le véritable débat d’où peut et doit ressortir la nécessité de recruter des professionnels. Les armées de milices disparaissent. Elles avaient un sens quand le nombre était déterminant, des guerres napoléoniennes aux massacres de 14-18. On ne demandait au milicien que le seul courage de se faire tuer. On demandera désormais au militaire de battre l’ennemi, fut-ce au moyen de drones guidés à distance en toute sécurité. Ce sera moins glorieux mais plus efficace et moins coûteux.