On commence à mesurer exactement quelques conséquences de la votation du 9 février, au moins en matière de formation, de recherche et d’innovation (FRI). Si l’échange d’étudiants dans le cadre d’Erasmus+ pourra se poursuivre, il n’en sera pas de même de la collaboration avec l’Europe dans le programme Horizon 2020.
Selon le Conseil fédéral en réponse à une question: «la Suisse ne pourra plus obtenir un éventuel retour positif par rapport à sa contribution». D’après le Fonds national ce retour était de l’ordre de 300 millions par an. Pour permettre aux travaux en cours de se poursuivre, le budget fédéral FRI devrait donc augmenter de ces mêmes 300 millions: si la Suisse ne peut plus être subsidiée par l’UE comme elle fut, il faudrait qu’elle puise dans ses propres ressources. Mais le Conseil fédéral a pris une décision: «il n’est pas prévu d’augmenter le budget FRI». En clair, il y aura désormais 300 millions de moins pour la recherche chaque année.
Il eût été logique d’en appeler au peuple. Puisqu’il ne soutient plus la collaboration avec l’UE et qu’il a décidé de la rompre, il doit en assumer les conséquences et acquitter en impôts supplémentaires le montant perdu de la sorte. Mais, le Conseil fédéral a aussitôt écarté la possibilité soit de s’endetter à cause du frein à l’endettement, soit d’augmenter la fiscalité, mesure trop impopulaire. Dès lors, ce seront seulement les chercheurs qui subiront le coup et le coût. Trois cent millions de moins chaque année, cela signifie moins d’équipements certes, mais aussi moins de personnel. Combien de centaines de chercheurs faudra-t-il licencier ou ne pas engager? Personne ne le sait. Ce que l’on peut imaginer par contre, c’est qu’ils iront travailler à l’étranger où leur apport sera apprécié. Car les scientifiques se déplacent en fonction des opportunités de travailler sérieusement. Ils n’ont que faire des aléas de la politique régionale. On peut d'ores et déjà leur donner le conseil de se préoccuper sérieusement de leur emploi futur. Mais le Conseil fédéral ne s’en soucie guère: «il faudra établir des priorités». Lesquelles, on ne le dit pas.
Le langage se veut rassurant et positif: on fera toujours de l'excellente recherche, on promouvra même son excellence. Si l’on renonce à la langue de bois, cela veut dire en clair que des programmes seront sacrifiés, selon des critères dont on ne sait rien. Cela veut dire que le Conseil fédéral est intimement persuadé que certaines recherches n’ont aucune importance, entendons n’ont pas de retombées économiques. C’est donc de l’argent investi pour la Science, majuscule, cette maladie de certains maniaques du savoir. On peut imaginer de ce fait que les coupes seront faites dans les sciences humaines, qui ont à peu près le statut de croqueuses de diamant entretenues pour leurs beaux yeux. Tout cela, le CF Johann Niklaus Schneider-Ammann l’a annoncé avec le bon sourire d’un grand-papa annonçant aux enfants qu’ils seront privés de dessert pour ne pas s’habituer à une vie de luxe. Il n’en a rien à faire de la recherche scientifique, sinon appliquée à des projets concrets et rentables à court terme. Si quelques besoins se font sentir, le marché tout-puissant et omniscient trouvera bien une solution. Tel est désormais l’impératif selon lequel est gérée l’université suisse. Expert en optimisation fiscale, le bon Schneider-Ammann se révèle un virtuose de l'optimisation universitaire