Surgissement de l’écopopulisme

L’initiative Ecopop mérite le pompon de l’incohérence malfaisante. Elle préconise que l’immigration ne puisse représenter plus de 0.2% de l’accroissement de la population de la Suisse sur une moyenne de trois ans. Actuellement le solde migratoire est de l’ordre de 80 000 personnes, soit 1% des huit millions de résidants suisses. Il faudrait donc réduire l’immigration en la divisant par cinq, soit 18 000 personnes. Le Conseil fédéral s’oppose à cette mesure en évoquant à juste titre la nécessité d’un nombre plus élevés de migrants pour satisfaire les besoins de l’économie. Mais cet argument matérialistene porte guère dans une campagne de votations, comme on vient d’en faire l’amère expérience le 9 février.

Il y aurait plus simple, plus évident, plus contraignant : l’argument démographique. Au Parlement, dans les médias, on n’en parle jamais. Or, les données sont éloquentes : le taux de fécondité est à 1.4 enfants par femme au lieu des 2.1 nécessaires pour assurer le maintien de la population. Il y a 80 000 naissances par an, il en faudrait 120 000. Dès lors le déficit démographique de la Suisse doit être compensé par un solde migratoire d’au moins 40 000 personnes, soit 0.5% de la population résidante. Limiter cet apport à 18 000 selon Ecopop entraîne à terme une diminution de la population suisse, avec comme corollaire évident, un déséquilibre entre travailleurs actifs et pensionnés, qui prélude à la ruine du système de pensions.

L’écopopulisme utilise un slogan ravageur : la préservation des ressources naturelles de la Suisse implique que sa population doive stagner tout d’abord, pour finir par décliner. Et c’est l’évidence même : si la population était la moitié, le quart, le dixième de ce qu’elle est maintenant, il ne serait pas nécessaire de bétonner le sol nourricier de la mère patrie. Les rares citoyens se promèneraient dans dans une Nature inviolée, les forêts foisonneraient, l’agriculture biologique accepterait des rendements décroissants, les poules picoreraient des vers de terre au lieu d’une nourriture frelatée, la Suisse redeviendrait une sorte de paradis terrestre.

En ne procréant pas assez d’enfants pour que la nation se reproduise et se maintienne, les Suisses cultivent le mythe d’un pays en voie de tarissement démographique. C’est leur secrète propension à repartir des siècles en arrière. C’est pour cela que la politique familiale est tellement chiche : elle exprime sans le dire trop haut la volonté du peuple. L’écopopulisme a de beaux jours devant lui, en flattant ce que l’on appelle la suissitude, un mot qui résonne comme suicide.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.