La Suisse est une terre d’immigration, mais les Suisses ne le savent pas

La Suisse est avec l’Australie le pays qui compte le plus d’immigrants, soit 25% de la population résidante. Compte tenu des obstacles faits à la naturalisation, 1.870 000 habitants gardent un passeport étranger, soit 22% de la population, sans compter 300 000 frontaliers qui ne résident pas dans le pays mais viennent y travailler. La force de travail suisse dépend à 30% des étrangers. Exemples démonstratifs : quelque 1'250 travailleurs vont notamment venir travailler à l'hôpital du Chablais, dont un tiers de Français ; l’année passée la Suisse a « importé » plus de médecins allemands qu’elle n’en a diplômés dans ses universités.

La différence entre l’Australie et la Suisse est la perception politique de cette caractéristique commune. Dans le premier pays, il suffit de quatre ans de résidence pour être naturalisé, en Suisse il en faut douze. Et encore ! Les années passées comme étudiant étranger ne « comptent » pas. Autre donnée significative : le taux de fécondité des femmes Suisses est de 1,4 enfants alors qu’il en faut 2,1 pour assurer le renouvellement des générations. Il naît 80 000 enfants en Suisse par an, alors qu’il en faudrait 120 000. Cela signifie que le solde migratoire minimum doit se situer à 40 000 immigrants par an, pour maintenir la population, c’est-à-dire pour assurer le versement des pensions AVS, qui est fondé sur la répartition des cotisants entre les pensionnés. On le constate en considérant la pyramide des âges en Suisse. Normalement, ce doit être une pyramide, c’est-à-dire que la base doit être au plus large et puis que la largeur diminue avec l’âge pour disparaître sous forme de pointe à 100 ans. Or, en Suisse ce diagramme est celui d’une poire : il est au plus large entre 30 et 45 ans, compte tenu de l’apport de jeunes adultes par l’immigration et de la trainée du baby-boom des années 60.

En résumé, il n'y pas de choix : l'immigration dite de masse est une nécessité, sauf si une politique familiale dynamique augmentait le taux de fécondité. Or les jeunes femmes sont davantage formées qu'auparavant, elles désirent travailler et ne procréent que plus tard, lorsque leur carrière est bien lancée. Et la fécondité diminue avec l'âge. Et la Suisse interdit le don d'ovule qui pourrait pallier ce déficit de fécondité. Et les places de crèche sont insuffisantes. Et les allocations familiales sont minimales. Et la fiscalité des couples mariés les désavantage par rapport aux concubins. Et…on pourrait continuer à l'infini. Il n'y a pas de politique d'ensemble : les pensions ne tiennent pas compte de la démographie, l'immigration résulte de l'absence d'une politique familiale. Chaque département à Berne mène sa politique et personne ne gouverne le tout. Surtout pas de chef! Alors le peuple prend le pouvoir et décide de la politique d'immigration par une initiative. Le hasard des urnes décidera.

 

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Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.