La méthode Tschümperlin

Suzanne Leutenegger Oberholzer est la conseillère nationale qui vote le plus à gauche et qui intervient la plus souvent dans tous débats. Elle est du genre sec et nerveux, qui ne se laisse pas décontenancer par des échecs répétés. A elle seule, elle rallonge les débats d'un temps qu'il serait idécent d'évaluer. Elle a accompli quatre mandats et se prépare à en aborder un cinquième. Cela n’a pas plus à Andy Tschümperlin, chef de la fraction socialiste, qui a proposé une mesure globale, plutôt que de s’en prendre nommément à sa collègue de parti. Selon lui, tous les mandats parlementaires devraient expirer à l’âge de la retraite, 65 ans, précisément l’âge de Suzanne.

Bien entendu, la presse s’est emparée de l’affaire en recensant les autres personnes visées, soit Christoph Blocher, Eric Voruz et Jacques Neirynck. Au fond ce n’est pas beaucoup: les 15% de la population qui ont atteint l’âge de la retraite ne sont représentés qu’à hauteur de 2% au parlement. Mais c’est encore trop pour Tschümperlin. Les retraités n’apportent plus de contribution à la masse salariale des actifs, ils peuvent s’estimer encore heureux qu’on leur serve une retraite, il faut  qu’ils s’abstiennent de toute activité . On peut légitimement poser la question de leur lucidité résiduelle : ne sont-ils  pas tous promis tôt ou tard à une démence sénile ?

Il est une autre catégorie sous représentée au parlement, les jeunes de 18 à 30 ans. L’aimable Tschümperlin prétend que s’il y avait moins de vieux, il y aurait davantage de jeunes. C’est ignorer le mécanisme qui sous-tend la représentation déficitaire des deux extrémités de la population. Les jeunes sont trop occupés par leurs études ou le difficile début de leur carrière pour gaspiller la moitié de leur temps (en étant optimiste) à Berne. Les soixantenaires renoncent en principe dès qu’ils comprennent qu’ils ne deviendront jamais conseiller fédéraux. Et ceux qui ne comprennent pas cela n’ont qu’à dégager.

Car une thèse favorite du PS est le refus de toute élévation de l’âge de la retraite. Ce parti a obscurément adhéré à l’hypothèse selon laquelle il y aurait un nombre fixe d’emplois par kilomètre carré du territoire et que tout travail capté par un vieux met automatiquement un jeune au chômage. La société est une sorte de radeau de la Méduse où il n’y en a pas assez pour tout le monde et où le seul expédient consiste à jeter par-dessus bord les moribonds afin qu’ils ne prolongent pas leur agonie au-delà de toute décence. Patience, Tschümperlin, ton tour viendra un jour de nourrir les requins !

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.