Saucisse fraiche ou saucisse sèche ?

Tel est le dilemme existentiel auquel les électeurs suisses seront confrontés ce 22 septembre. La loi sur le travail peut-elle être modifiée pour que les boutiques des stations-services puissent vendre tout leur assortiment entre 1 et 5 heures du matin ? Ou bien sont-elles condamnées dans la situation actuelle à ne vendre que des produits qui ne soient pas frais ?

La situation est courtelinesque, ubuesque et kafkaïenne. Le caissier est présent, le client aussi et la marchandise est disponible, mais la vente de peut être enregistrée qu’en attendant que la petite aiguille de l’horloge se pointe sur 5. C’est le prototype des prescriptions légales qui ont été rédigées sans se rendre compte de l’absurdité de la situation qu’elles créent.

Christian Luscher a essayé de corriger la loi par une simple motion au parlement fédéral. Cette modeste démarche a déclenché une véritable tempête culminant dans une votation populaire qui fera les choux gras de la presse internationale. La Suisse n’a pas de sujet plus important que de déclencher une consultation sur le choix entre saucisse fraiche et saucisse sèche. Plus ridicule, tu meurs.

A l’émission Infra-Rouge de la TSR, Jean-Christophe Schwab a bravement défendu le refus de cette modification. Il a utilisé l’argument traditionnel et en partie justifié selon lequel le travail de nuit est nuisible à la santé des travailleurs. C’est, soit dit en passant, faire bon marché de la santé de tous ceux qui n’ont pas le choix : policiers, personnel médical, personnel hôtelier, pompiers, routiers, aiguilleurs du ciel, boulangers, etc….

Mais l’argument devient insensé si le personnel de la boutique est de toute façon présent et, dès lors, que Jean-Christophe Schwab doit prétendre que la vente d’une saucisse fraiche est nuisible à la santé du caissier. Il n’a bien entendu pas prononcé cette phrase, mais il a dû se tortiller comme un ver sous les questions précises de Christian Luscher. On reconnait un véritable politicien à sa capacité de ne pas répondre aux questions sans que cela paraisse. Notre jeune collègue s’est montré virtuose dans ses échappatoires. On peut lui prédire un brillant avenir.

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.