Suisses racistes à l’insu de leur plein gré

Le téléjournal de la RTS du vendredi 9 août s'ouvrait sur les deux plus importantes nouvelles de la journée pour l'Helvétie: la piscine communale de Bremgarten n'est accessible aux requérants d'asile qu'après demande d'une autorisation ; la boutique zurichoise Trois Pommes a refusé de présenter un sac en crocodile à une cliente américaine richissime qui a la peau noire. Dans la planète médiatique, les uns se gaussent, les autres ricanent. La Suisse, paradis fiscal avéré, se paye de plus le luxe  de ne pas respecter les droits de l'homme.  

Elle n'est même plus politiquement correcte. Les démentis officiels furent lamentables: à Bremgarten, il fallait réserver la piscine à certaines heures pour les écoles, qui ne doivent apparemment pas côtoyer des requérants d'asile ; à Zurich, c'est par souci de faire des économies à sa sympathique cliente que la vendeuse lui suggéra plutôt un sac en autruche. Bref, il n'y avait eu que des malentendus. Et si le vrai malentendu était entre l'être et le paraitre de certains Suisses.

Eduqués dans nos écoles par des instituteurs droit-de-l'hommistes, ils ingurgitent du bout des lèvres l'impératif catégorique selon lequel tous les hommes sont égaux. Mais d'autres maîtres à penser leur inculquent aussi l'excellence de leur pays parmi tous les autres. C'est même le thème préféré de notre Président de la Confédération. Et donc dans leurs petites têtes chahutées, ils opèrent une synthèse simplifiée : certes tous les hommes sont égaux, mais nous sommes plus égaux que les autres.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.