La Suisse devient-elle une colonie des Etats-Unis ?

La commission américaine sur les libertés religieuses internationales vient d’épingler la Suisse pour l’interdiction constitutionnelle de construire des minarets. Il fallait s’y attendre. Encore s’agit-il d’une réaction de gens civilisés. Un terroriste d’Al Qaida aurait eu d’autres façons de s’exprimer. Par exemple en faisant exploser une bombe sur la ligne d’arrivée du 20km de Lausanne.

Les Etats-Unis ont largement souffert de leur action militaire en Irak ou en Afghanistan. Sur leur propre territoire, la mort a frappé. Et cependant une commission américaine épluche les lois et règlements des Européens en matière de tolérance religieuse. Car ce pays a été peuplé dès le départ par des minorités religieuses fuyant la persécution en Europe. Cela explique à la fois le vif sentiment religieux qui domine et la diversité avec laquelle il s’exprime. Même après les attentats du 11 septembre, il n’y  pas eu de persécution des musulmans américains en tant que communauté. Pour les individus prisonniers à Guantanamo c’est autre chose.

Il reste que la Suisse est maintenant considérée aux Etats-Unis comme un pays intolérant. C’est vexant et inquiétant. C’est à la fois faux parce que les communautés musulmanes n’ont  – à part cette vexation symbolique- pas subi de véritable persécution, et c’est vrai car la mécanique de la démocratie directe a permis l’aberration des minarets interdits. Si les Etats-Unis veulent vraiment abolir cette mesure suisse, il leur suffit de faire pression comme ils le firent pour le secret bancaire. En menaçant la Suisse de sanctions économiques, ils obtiendront sans peine que nous modifiions notre Constitution et, en passant, que nous abolissions la démocratie directe. Et pourquoi pas l’intégration, comme territoire associé, style Porto-Rico ? Obama est nettement plus sympathique qu’Ueli Maurer comme président. Et surtout la constitution des Etats-Unis n’interdit pas la construction des minarets. Ce serait un progrès.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.