La peur du peuple est mauvaise conseillère

De peur de perdre dans les votations sur les initiatives Ecopop et UDC restreignant l’immigration, le Conseil fédéral active la clause de sauvegarde : les permis B accordées à des Européens sont contingentés. Cette mesure accrédite les deux initiatives redoutées : puisque le Conseil fédéral en particulier prend des mesures de restriction, il en reconnait la nécessité. Mais, comme la clause de sauvegarde permettra au mieux de réduire de 5% l’immigration européenne, le peuple conforté dans sa peur ira encore plus loin.

Dans un effort désespéré de rationalisation d’une décision irrationnelle, les partisans de la clause de sauvegarde agitent les problèmes bien réels d’engorgement des transports et de pénurie de logement. Ceux-ci ne seront en rien résolus puisque des permis L de courte durée seront encore accordés. Dans un appartement ou dans un train la place occupée par un immigrant est identique quel que soit le permis.

Il s’agit donc de bricolage et de gesticulation politique. Il n’y a pas de politique migratoire réfléchie sinon des mesures de panique prises à la dernière minute. La Suisse est comme l’Australie une terre d’immigration où un quart des habitants est né hors du territoire. La seule différence est que les Australiens l’ont compris et que les Suisses refusent de le comprendre.

Quand le peuple verra que la clause de sauvegarde n’a rien réglé des problèmes pratiques où il se débat, il votera massivement pour les initiatives que l’on espère neutraliser. La xénophobie est un virus contagieux contre lequel il n’existe pas une vaccination évidente. Il faut s’attaquer aux vrais problèmes dus à la surchauffe économique, qui est en soi bénéfique.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.