La session parlementaire dite de printemps s’ouvre à Berne. En fait elle se déroule en hiver et se termine le premier jour du printemps. Cela laisse entendre que le parlement est perpétuellement en avance sur le temps. En pratique, il est sans cesse décalé en arrière. On en épinglera quatre exemples.
Le plus grotesque est la remise en vigueur du moratoire sur l’établissement de cabinets médicaux. Ce moratoire de dix ans vient à peine d’être suspendu voici seize mois et, tout naturellement, les praticiens en attente se sont rués dans la brèche. Entretemps le moratoire a démontré son inefficacité puisque les cotisations d’assurance maladie n’ont pas cessé de croître durant les dix ans, bien plus que ce que les assurés étaient prêts à supporter. Donc un moratoire ne règle rien et mène à une sortie chaotique. Dès lors on va le remettre en vigueur et réfléchir à une autre solution. Comme on ne l’a pas trouvée en dix ans, on ne la trouvera pas davantage dans le futur. La réalité est évidente : la médecine fait des progrès, allonge la durée de la vie et entraîne pour ces deux raisons liées une augmentation inévitable des frais. Sauf à introduire un rationnement impopulaire. Il faut donc qu’il n’apparaisse pas à première vue. D’où la solution du désespoir du nouveau moratoire.
Autre exemple, la recherche énergétique. Pour apaiser sa conscience, le Conseil fédéral propose d’affecter soixante millions à la recherche dans le domaine. Mais c’est aux EPF de prendre cette somme sur leur budget ordinaire. Cela suppose que l’on puisse soit transformer des biologistes et des informaticiens en spécialistes de l’énergie par un coup de baguette magique, soit congédier ces chercheurs pour dégager des crédits. Et jeter aux orties les résultats des travaux qu’ils entreprennent pour l’instant.
La révision de la loi sur la nationalité vise à durcir les conditions de la naturalisation en allongeant les délais par exemple. Or la Suisse devient de plus en plus un pays d’immigration, soit 25% de la population résidente qui est née hors du territoire. Il n’y a que l’Australie pour atteindre un tel score. La différence tient en la prise de conscience. Les Australiens savant qu’ils dépendent de l’immigration et naturalisent le plus vite possible. Les Suisses s’imaginent qu’ils vivent dans une vallée coupée du reste du monde. Les immigrés ne l’atteignent que par erreur et doivent être tenus à l’écart de la vie politique.
Enfin le Conseil fédéral refuse d’établir une banque de données contenant une analyse génétique de tous les nouveau-nés. L’objectif serait de lancer des campagnes systématiques de prévention des maladies génétiquement transmissibles. On s’en passera donc si le parlement suit le Conseil fédéral.
D’autres bêtises? Oui bien sûr. Mais le manque de place impose de les taire.