Les partis déchirés par l’initiative Minder

Le sondage de la SRG du 25 janvier donne 65% à l’initiative Minder contre 25% d’opposants. Il n’est donc pas impossible que le 3 mars, l’initiative l’emporte. Cependant le plus intéressant est le détail des adhérents de chaque parti. Au PLR partisans et opposants sont pratiquement à égalité. Mais dans tous les autres partis, la majorité de oui l’emporte largement sur celle des non. Or les assemblées de délégués des partis du centre et de la droite ont soutenu le non. Il y a donc distorsion entre ce que pensent les délégués et ce que veulent les électeurs. Cela dans une proportion considérable.

C’est peut-être l’enseignement essentiel de cette votation. Il y a moyen par voie interne d’influencer les militants : ils reçoivent des argumentaires détaillés, ils assistent à des débats au niveau du canton, ils se passionnent pour la lecture des journaux. Plus intéressante encore est la déchirure entre la direction des partis ou des groupes parlementaire et les électeurs de base. Elle est significative de quelques mystères  qui méritent d’être élucidés. On sait déjà que les millions d’économiesuisse ont été utilisés pour persuader les groupements de jeunes politiciens des partis de droite et du centre : il semblerait que pour chaque apparition sur un marché, ils toucheraient 200CHF, un véritable pactole pour eux. Les noms de sites que Minder pourrait utiliser pour défendre son projet ont été à l’avance bloqué par économiesuisse. Ce que l’on ne sait pas, c’est si des subventions ont été versées directement aux présidences des partis pour obtenir leur soutien. On ne le saura sans doute jamais.

C’est bien là l’enseignement de cette votation. Elle n’oppose pas les partis entre eux, elle oppose directement le patronat à travers économiesuisse au peuple. Est-il possible d’influencer les citoyens  en dépensant sans compter au point que l’on puisse renverser  l’opinion publique largement favorable au départ ? Réponse le 3 mars.

Si l’initiative Minder est refusée, il faudra alors créer la transparence une fois pour toute. Les transferts d’argent à l’occasion des élections et des votations en Suisse seraient sanctionnés pénalement dans maints pays étrangers, voire donneraient lieu à des annulations. En laissant l’argent influencer la démocratie à ce point, on fausse la démocratie qui n’a plus de directe que le nom.

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.