Initiative “anti-burqa” : à qui revient sa mise en œuvre ?

A la suite de l’acceptation de l’initiative “Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage” dimanche dernier, une question en particulier s’est posée : revient-il aux cantons, ou à la Confédération, de mettre en œuvre le texte ?

Selon le système de répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, la Confédération bénéficie de compétences d’attribution. Cela signifie qu’elle ne peut légiférer que si la Constitution fédérale le prévoit. A défaut, ce sont les cantons qui restent compétents, ce que rappelle l’art. 3 Cst. (“Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.”).

L’interdiction de se dissimuler le visage relève de la réglementation de l’espace public. Or la Constitution fédérale ne prévoit pas de compétence en faveur de la Confédération dans ce domaine, si bien que celui-ci reste à ce jour de la compétence des cantons.

L’initiative acceptée dimanche dernier ne change rien à ce qui précède. Selon le nouvel article constitutionnel, introduit dans le chapitre de la Constitution fédérale dédié aux droits fondamentaux (art. 10a), interdiction est faite à quiconque de se dissimuler le visage dans l’espace public, ainsi que “dans les lieux accessibles au public ou dans lesquels sont fournies des prestations ordinairement accessibles par tout un chacun”, exception faite des lieux de culte (al. 1). De même, “nul ne peut contraindre une personne de se dissimuler le visage en raison de son sexe” (al. 2).

Si le texte de la révision constitutionnelle mentionne la mise en œuvre législative (il est prévu, d’une part, que la loi d’application mette en place des exceptions à l’interdiction de se dissimuler le visage ; d’autre part, la loi d’application doit être adoptée dans un délai de 2 ans à compter du vote), cela ne suffit pas encore pour considérer que la Confédération ait reçu une nouvelle compétence en la matière. C’est donc aux cantons qu’il revient d’adopter des lois d’application du nouvel art. 10a Cst.

L’Office fédéral de la justice a confirmé ce constat dans un communiqué récent. Dans celui-ci, il affirme être prêt à assister les cantons dans le processus de mise en œuvre, et également analyser la nécessité d’une mise en œuvre spécifique dans les domaines de compétence de la Confédération, tels que les transports publics.

Pour finir, il existe un domaine relevant de la compétence de la Confédération au sein duquel l’initiative pourrait, en théorie, être mise en œuvre : le droit pénal. Dans son Message relatif à l’initiative, le Conseil fédéral aborde la possibilité d’introduire dans le Code pénal l’interdiction de se dissimuler le visage. Il s’y oppose toutefois, en particulier parce que cette manière de procéder “déclarerait punissable un comportement qui, en soi, ne menace ni ne viole directement aucun bien juridique concret, ce qui irait à l’encontre des principes du droit pénal”.

 

 

 

Initiative de limitation : en tout point semblable à l’initiative contre l’immigration de masse … ou presque

L’initiative de limitation soumise au vote le 27 septembre prochain n’est-elle qu’une redite de l’initiative contre l’immigration de masse, acceptée par le peuple et les cantons le 9 février 2014 ?

On pourrait le penser en comparant les deux textes. L’initiative de limitation vise l’introduction dans la Constitution fédérale d’un nouvel article (art. 121b) qui ne prévoit fondamentalement rien de nouveau par rapport à la réglementation qui a fait son entrée en 2014 lors de l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse. En particulier, son premier alinéa (« La Suisse règle de manière autonome l’immigration des étrangers ») répète presque mot pour mot l’art. 121a al. 1 Cst., introduit par l’initiative contre l’immigration de masse (« La Suisse gère de manière autonome l’immigration des étrangers »).

Il existe toutefois une différence de taille entre ces deux initiatives, qui a trait au sort réservé à l’Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec les Etats membres de l’UE.

L’art. 197 ch. 11 Cst. introduit par l’initiative contre l’immigration de masse prévoit que les traités internationaux contraires à l’art. 121a (soit en particulier l’ALCP) soient « renégociés et adaptés », dans un délai de 3 ans à compter de l’acceptation de l’initiative. Une dénonciation de l’ALCP n’est pas explicitement prévue. Si l’on pouvait considérer qu’une acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse pouvait impliquer une dénonciation de l’ALCP (à moins que l’hypothèse peu probable que celui-ci puisse être renégocié se réalise), cet avis n’était pas unanime. En fin de compte, l’Assemblée fédérale a adopté une législation de mise en œuvre « eurocompatible » et l’accord n’a pas été dénoncé.

La situation est différente avec l’initiative de limitation. Son texte prévoit en effet explicitement la fin de l’ALCP (art. 197 ch. 12). Pour reprendre celui-ci, en cas de oui le 27 septembre, « [d]es négociations seront menées » afin que l’ALCP « cesse d’être en vigueur dans les dans douze mois qui suivent l’acceptation » de l’initiative. Si ces négociations n’aboutissent pas, « le Conseil fédéral dénonce l’accord […] dans un délai supplémentaire de 30 jours ».

Ainsi, le mandat tendant à la résiliation de l’ALCP est clairement donné par l’initiative de limitation.

Les droits populaires ont alimenté la chronique judiciaire en 2019

Alors que le premier weekend de votation de 2020 vient de s’achever, retournons quelques instants en 2019. L’année dernière, la tendance s’est confirmée : un nombre toujours plus important d’élections et de votations sont portées devant les différents tribunaux du pays. Au centre de ces contestations figure la garantie des droits politiques (art. 34 Cst.), qui “protège la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté”, et dont il revient au juge de s’assurer le respect. Afin d’illustrer le rôle que celui-ci peut jouer dans l’exercice des droits populaires, voici un bref retour sur trois épisodes de 2019 particulièrement médiatisés.

 

Initiative sur la pénalisation fiscale du mariage

Le 28 février 2016, le peuple et les cantons rejetaient à une très courte majorité de 50.8% l’initiative “Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage”, alors que les cantons l’acceptaient à une majorité de 16.5. Deux ans et quelques mois plus tard, en juin 2018, le Conseil fédéral annonçait dans un communiqué que le nombre de couples mariés à deux revenus concernés par la pénalisation fiscale du mariage n’était pas de 80’000, comme estimé à l’époque de la votation, mais de 454’000, soit un nombre plus de 5 fois supérieur. L’AFC n’avait en effet pas tenu compte des couples mariés à deux revenus avec enfants dans son estimation.

A la suite de ce communiqué, plusieurs personnes ont recouru auprès de leurs gouvernements cantonaux respectifs, puis auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci a admis leurs recours et a annulé, le 10 avril 2019, le résultat de la votation sur cette initiative.

Le Tribunal fédéral a retenu en particulier que les citoyens n’avaient pas pu bénéficier d’une information transparente et objective en raison de cette erreur d’estimation. Pour cette raison, la garantie des droits politiques avait été violée.

Le Tribunal fédéral a rappelé que toute violation de la garantie des droits politiques n’entraîne pas systématiquement l’annulation du scrutin concerné. Encore faut-il que l’irrégularité soit grave, et que l’issue du scrutin ait pu être influencée par celle-ci. Tel était le cas, selon lui, dans le cas d’espèce. L’issue du vote aurait pu être différente, en raison du résultat serré du vote ainsi que de l’ampleur de l’erreur d’estimation. En outre, la sécurité du droit ne s’opposait pas à ce que la votation soit annulée.

Ainsi, les recours ont été admis et la validation de la votation concernant cette initiative populaire a été annulée. C’est la première fois que le Tribunal fédéral annulait un scrutin fédéral. Quant à l’initiative, elle vient d’être retirée par le comité.

 

Confirmation par le Tribunal administratif de Berne de l’annulation du vote de Moutier

L’annulation par la Préfecture du Jura bernois de la votation concernant le rattachement de Moutier au canton du Jura, en 2018, avait fait grand bruit. En 2019, c’est le Tribunal administratif du canton de Berne qui s’est penché sur la question, en tant qu’instance de recours.

Dans un arrêt de plus de 100 pages, le Tribunal administratif a analysé les différents recours formés contre la décision de la Préfecture. S’il a partiellement admis ces recours sur certains points, il a tout de même confirmé l’annulation du vote du 18 juin 2017. Il a constaté que le vote avait bel et bien été entaché de plusieurs vices contraires à la garantie des droits politiques, et qu’une annulation du scrutin s’imposait.

Selon le Tribunal administratif, c’était à bon droit que la Préfecture avait retenu que certaines communications de la commune de Moutier et de son maire durant la campagne violaient les devoirs d’objectivité et de transparence. Le Tribunal administratif a également épinglé le refus de la commune de fournir à la Chancellerie d’Etat du canton de Berne puis à l’OFJ le registre des électeurs. Un tel refus allait à l’encontre des règles prévues par l’arrêté du Conseil-exécutif bernois du 25 janvier 2017 destiné à régir la votation. Le Tribunal administratif s’est également appuyé sur les cas de domiciliation fictive soupçonnés par la Préfecture. Enfin, la commune de Moutier avait prévu des modalités de vote par correspondance élargies, qui n’étaient pas prévues par l’arrêté du Conseil-exécutif bernois du 25 janvier 2017.

Il faudra donc qu’une nouvelle votation ait lieu. La date de celle-ci n’a pas encore été définitivement fixée.

 

Votation du 19 mai 2019 sur la RFFA

La votation sur la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA) a eu lieu en mai 2019. Cette loi a été adoptée à une large majorité des votants. Un point toutefois a fait débat, avant et après le vote : le respect de l’unité de la matière. Cette loi regroupait en effet, dans un seul acte, des modifications de réglementations concernant l’imposition des entreprises, d’une part, ainsi que le financement de l’AVS, d’autre part. Or l’unité de la matière impose qu’il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d’un projet législatif. L’OFJ considérait qu’on était en présence avec la RFFA d’un “cas limite” (cf. mon billet du 26 mai 2019).

A la suite du vote, des recours ont été déposés pour violation de l’unité de la matière auprès des gouvernements vaudois et neuchâtelois. Ces derniers ont déclaré les recours irrecevables car ils auraient dû, selon eux, être déposés plus tôt. L’affaire a ensuite été portée devant le Tribunal fédéral.

Les juges fédéraux ne se sont pas prononcé sur une éventuelle tardiveté des recours, mais ils ont rejeté ceux-ci en appliquant l’art. 189 al. 4 Cst. Selon cet article, les actes de l’Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral (sauf exception prévue par la loi). Or le fait de lier dans un seul projet législatif des modifications des réglementations relatives à l’imposition des entreprises et au financement de l’AVS était justement une décision de l’Assemblée fédérale, que le Tribunal fédéral ne pouvait pas revoir. Outre les recours vaudois et neuchâtelois, le Tribunal fédéral a également déclaré irrecevable un recours ayant été déposé en première instance dans le canton de Berne, car celui-ci ne respectait pas les exigences liées à son contenu.

L’initiative pour les glaciers a abouti

L’initiative pour les glaciers a été déposée à la Chancellerie fédérale le 27 novembre. En 7 mois environ, plus de 112’000 signatures auront été récoltées. Dans l’attente de la décision formelle de la Chancellerie fédérale, on peut donc considérer d’ores et déjà considérer que cette initiative a abouti.

Comme son titre complet l’indique (“pour un climat sain (initiative pour les glaciers)”), cette initiative populaire tend à ce que la Constitution fédérale consacre expressément un article au climat, qui aurait la teneur suivante :

 

Art. 74a Politique climatique

1 Dans le cadre de leurs compétences, la Confédération et les cantons s’engagent, en Suisse et dans les relations internationales, pour limiter les risques et les effets du changement climatique.

2 Pour autant que des gaz à effet de serre d’origine humaine soient encore émis en Suisse, leurs effets sur le climat doivent être durablement neutralisés au plus tard dès 2050 par des puits de gaz à effet de serre sûrs.

3 Plus aucun carburant ni combustible fossiles ne sera mis en circulation en Suisse à partir de 2050. Des exceptions sont admissibles pour des applications pour lesquelles il n’existe pas de substitution technique et pour autant que des puits de gaz à effet de serre sûrs situés en Suisse en neutralisent durablement les effets sur le climat.

4 La politique climatique vise un renforcement de l’économie et l’acceptabilité sur le plan social et utilise en particulier des instruments de promotion de l’innovation et de la technologie.

 

Le texte vise donc en particulier la neutralité carbone d’ici à 2050. A cette date, plus aucune source d’énergie fossile ne pourra en principe être mise en circulation en Suisse. L’initiative incite également la Confédération et les cantons à agir en matière climatique, dans le cadre de leurs compétences respectives. Enfin, cette initiative énonce les objectifs de la politique climatique.

L’initiative comporte également une disposition transitoire impartissant un délai de 5 ans à compter d’un éventuel vote positif pour que la législation de mise en œuvre soit adoptée. Il est également prévu que cette législation énonce des objectifs intermédiaire, afin que la réduction des gaz à effet de serre intervienne au moins de manière linéaire, et règle les instruments nécessaires dans ce but.

Ce n’est pas la première initiative populaire portant sur la question climatique à avoir recueilli les 100’000 signatures nécessaires à son aboutissement. En février 2008, l’initiative populaire “pour un climat sain” avait été déposée à la Chancellerie fédérale. Son texte était plus court que celui de l’initiative pour les glaciers, et ses objectifs moins importants. Le but visé était une diminution, dans un délai fixé à 2020, des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’activité humaine produites en Suisse d’au moins 30% par rapport au volume qu’elles atteignaient en 1990 :

 

Art. 89a (nouveau) Protection du climat

1 La Confédération et les cantons mènent une politique climatique efficace. Ils veillent à ce que les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’activité humaine produites en Suisse diminuent d’au moins 30 pour cent d’ici à 2020 par rapport au volume qu’elles atteignaient en 1990. La Confédération fixe des objectifs intermédiaires.

2 La législation d’exécution se réfère à l’art. 89, al. 2 à 4; elle met l’accent sur l’efficacité énergétique et les nouvelles énergies renouvelables.

 

Le peuple et les cantons n’ont pourtant jamais été appelés à se prononcer sur cette première initiative. Elle a en effet été retirée à la suite de la révision totale de la loi sur le CO2. Cette même loi fait actuellement l’objet d’une nouvelle procédure de révision totale (quelque peu mouvementée) au Parlement.

Après l’imposition des couples mariés, la RFFA ?

Alors que le Tribunal fédéral a, il y a quelques semaines, annulé la votation de 2016 sur l’initiative populaire sur l’imposition des couples mariés, c’est maintenant la votation du 19 mai sur la RFFA qui est contestée. Le POP vaudois l’avait annoncé avant la votation : si le peuple devait accepter la RFFA, un recours serait déposé auprès du Conseil d’Etat vaudois. Ce weekend, la section de La-Chaux-de-Fonds du POP neuchâtelois a annoncé vouloir en faire de même auprès du Conseil d’Etat neuchâtelois.

La raison de ces recours? Une violation alléguée du principe de l’unité de la matière. Celui-ci impose qu’un rapport intrinsèque existe entre les différentes parties d’un projet soumis au vote. La personne appelée à voter ne devrait en effet pas se retrouver dans la situation où elle serait favorable à une partie et s’opposerait à une autre partie d’un même objet, qui seraient sans lien l’une avec l’autre. Cette situation l’empêcherait d’exprimer valablement son vote.

Si la Constitution fédérale mentionne expressément le principe de l’unité de la matière en ce qui concerne les révisions de la Constitution, ce principe est applicable également lorsque les citoyennes et citoyens se prononcent sur une loi fédérale. Il découle en effet dans la garantie des droits politiques ancrée à l’art. 34 Cst., qui a pour but de protéger “la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté” (al. 2). Il est admis toutefois que le principe soit appliqué de manière plus souple pour une loi que pour une révision constitutionnelle.

En ce qui concerne la RFFA, le respect du principe de l’unité de la matière a fait débat. L’OFJ a conclu dans un rapport de mai 2018 que “lier les nouvelles réglementations sur l’imposition des entreprises avec celles sur le financement de l’AVS constitue, a n’en point douter, un cas limite”. Selon les opposants qui ont annoncé les recours, on serait ainsi au-delà du cas limite.

Une fois les recours déposés auprès des gouvernements cantonaux, ceux-ci auront 10 jours pour se prononcer. L’affaire pourra ensuite éventuellement être portée devant le Tribunal fédéral.

Si ces autorités venaient à considérer que le projet ne respectait pas l’unité de la matière, le scrutin serait-il automatiquement annulé ? Non ; de manière générale, une irrégularité en matière de votation ou d’élection ne mène pas forcément à cette issue. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les autorités de recours doivent encore arriver à la conclusion que cette irrégularité est grave et qu’elle a pu influencer l’issue de la votation, soit en d’autres termes que le résultat aurait pu être différent en l’absence de l’irrégularité.

Indépendamment du fond, on peut également se poser la question du respect du délai pour recourir. L’art. 77 de la loi sur les droits politiques impose que le recours soit déposé dans les trois jours “qui suivent la découverte du motif du recours” (mais, en tous les cas, au plus tard trois jours après la publication des résultats dans la feuille officielle du canton). Les opposants n’auraient-ils dès lors pas dû déposer leur recours avant la votation, au lieu d’attendre le résultat de celle-ci ?

Initiative pour l’autodétermination : était-ce bien nécessaire ?

Le 25 novembre prochain, le peuple et les cantons devront se prononcer sur l’initiative pour l’autodétermination. A quelques semaines de la votation, la campagne bat son plein. Les initiants brandissent bon nombre d’arguments comme autant d’épouvantails, qu’ils entendraient régler une bonne fois pour toutes. A l’heure actuelle, l’autodétermination de la Suisse serait menacée, les citoyens ne pourraient pas se prononcer sur ce qu’ils veulent, et leurs décisions ne seraient pas appliquées. Mais la situation actuelle est-elle vraiment celle qu’ils décrivent ? En d’autres termes : cette initiative populaire était-elle bien nécessaire ? La réponse en trois questions.

 

1) Le droit international est-il « imposé » aux Etats ?

L’initiative pour l’autodétermination laisse apparaître l’idée selon laquelle le droit international est imposé aux États et, au bout de la chaîne, aux citoyens. Qu’en est-il en réalité ?

Le droit international ne comprend que quelques règles considérées comme véritablement « impératives » (p. ex. l’interdiction de la torture, du génocide, le noyau dur du droit international humanitaire, etc.). De telles règles sont applicables aux Etats indépendamment de leur consentement à être liés par elles. Elles sont considérées comme tellement fondamentales qu’un Etat ne peut s’y soustraire. Ce qu’il faut relever d’emblée, c’est que ces règles sont laissées intactes par l’initiative.

Pour le reste du droit international, le consentement de l’Etat est primordial. Un Etat doit exprimer son consentement à être lié par un traité pour que celui-ci s’applique à lui, et ce consentement peut être retiré : l’Etat dénoncera alors le traité.

Qui plus est, non seulement l’Assemblée fédérale, mais également les citoyens ont leur mot à dire sur la question. En effet, la réglementation actuelle prévoit, en ce qui concerne les droits populaires, un « parallélisme » entre droit interne et droit international. Si le contenu d’un traité international est d’une importance équivalente à celui d’une loi fédérale, le peuple bénéficiera du référendum facultatif pour éventuellement déclencher une votation sur celui-ci, comme s’il s’agissait d’une loi fédérale. De même, si le traité international doit être qualifié de rang constitutionnel en raison de son contenu, le référendum obligatoire pourra entrer en scène. Ce second type de référendum existe pour l’heure en partie de manière non écrite (seuls les traités prévoyant l’adhésion de la Suisse à une organisation de sécurité collective, telle que l’OTAN, ou à une communauté supranationale, telle que l’UE, sont mentionnés dans la Constitution). Une révision constitutionnelle actuellement en cours de consultation a toutefois pour but de l’ancrer plus en détail dans la Constitution.

Ainsi, non seulement le droit international nécessite le consentement de l’Etat pour qu’il s’applique à lui, mais il bénéficie également d’une légitimité similaire à celle du droit interne en ce qui concerne la possibilité des citoyens de se prononcer par leurs droits populaires.

 

2) Une initiative populaire contraire au droit international remet-elle en question les engagements de droit international qui lui sont contraires ?

L’initiative prévoit en substance que, en cas de conflit entre le droit international et la Constitution, cette dernière doit l’emporter. Mais elle ne s’arrête pas là : les engagements de droit international concernés doivent être renégociés, voire dénoncés, le but étant qu’une initiative ne voie pas sa mise en œuvre « entravée » par des règles de droit international qui lui seraient contraires. A l’heure actuelle, l’acceptation d’une initiative populaire a-t-elle pour effet de remettre en question les engagements de droit international qui seraient incompatibles avec elle ?

A différentes reprises, le Conseil fédéral a répondu à cette question par l’affirmative, en estimant que l’acceptation de l’initiative devait être interprétée comme un mandat de renégociation/dénonciation des traités concernés. Cependant, les exemples récents montrent que l’opinion du Conseil fédéral ne s’est pas concrétisée dans les faits. Même l’initiative « contre l’immigration de masse » n’a pas donné lieu à une dénonciation de l’ALCP, après que la renégociation de cet accord eut échoué. Il faut dire que si cette initiative comportait une clause imposant la renégociation de l’ALCP, la dénonciation n’était pas expressément prévue (les traités devaient être « renégociés et adaptés »).

Cela ne signifie pas qu’une initiative populaire ne peut pas remettre en question des engagements de droit international. Tout comme le droit international n’est pas « imposé » aux Etats, il est toujours possible pour ceux-ci de quitter un traité international, et cette démarche peut être entamée par le biais d’une initiative populaire. Cela, les initiants le savent très bien : l’initiative de limitation, la suivante au menu, prévoit expressément une dénonciation de l’ALCP.

Pour répondre à la question : oui, une initiative populaire peut déjà maintenant mener à la dénonciation d’un traité qui lui est contraire (dénonciation qui laisserait par hypothèse le champ libre à une pleine mise en œuvre de l’initiative). Toutefois, en l’état, on peut déduire de la pratique du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale qu’il est nécessaire que l’initiative contienne une clause prévoyant expressément la dénonciation pour que les autorités empruntent cette voie. Or cette position est beaucoup plus respectueuse des droits populaires que celle opposée, prévue par l’initiative pour l’autodétermination, qui verrait tout traité contraire à une initiative systématiquement dénoncé s’il n’était pas possible de le renégocier. Elle permet aux citoyens de se prononcer en pleine connaissance de cause. De même, la dénonciation « implicite » prônée par l’initiative soulèverait de nombreuses difficultés d’application et pourrait s’avérer problématique notamment vis-à-vis du principe de l’unité de la matière, qui impose un lien intrinsèque entre les différentes parties d’une initiative.

 

3) Est-il possible de conclure un engagement international contraire à la Constitution ?

Prenons le cas de figure inverse à celui discuté précédemment : une disposition constitutionnelle existe, et un traité potentiellement contraire à celle-ci est en train d’être négocié par le Conseil fédéral. L’initiative pour l’autodétermination interdit dans cette situation que le traité soit conclu. Si l’initiative était acceptée, la Constitution serait complétée par un art. 56a qui prévoirait notamment que « la Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale ».

Or cette règle est déjà appliquée actuellement, même si elle ne figure pas expressément dans la Constitution. Le Conseil fédéral explique dans son Message relatif à l’initiative pour l’autodétermination que « l’interdiction de contracter une obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution, est déjà prescrite par le droit constitutionnel et pratiquée, car le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale sont aussi liés par la Constitution dans les relations extérieures » (p. 5053 s.). Les autorités veillent donc déjà maintenant à éviter les conflits entre le droit international et la Constitution lorsqu’elles négocient un traité international. L’initiative n’apporte rien de nouveau sur ce point.

 

Pour résumer, la situation juridique actuelle n’est de loin pas celle décrite par les initiants. En d’autres termes, l’initiative pour l’autodétermination prétend apporter des solutions à des problèmes qui n’existent pas. Ce faisant, elle amène avec elle son lot de conséquences, de difficultés et d’incertitudes. Si l’initiative était acceptée le 25 novembre, c’est là que les problèmes commenceraient.

Image : http://www.parlament.ch

Le Tribunal fédéral valide l’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud

Vaud rejoindra prochainement le groupe des cantons suisses interdisant ou réprimant la mendicité. Une révision de la loi pénale vaudoise en ce sens avait été adoptée en 2016 par le Grand conseil vaudois. Un groupe de recourants, certains pratiquant la mendicité et d’autres réclamant le droit de pouvoir faire l’aumône, avaient saisi les tribunaux contre cette révision. Le Tribunal fédéral a rejeté leur recours en dernière instance dans un arrêt rendu disponible il y a quelques jours (arrêt 1C_443/2017 du 29 août 2018), confirmant notamment sa jurisprudence rendue quelques années auparavant suite à l’interdiction de la mendicité dans le canton de Genève (ATF 134 I 214). Il a analysé l’interdiction de la mendicité à la lumière de plusieurs droits fondamentaux ancrés dans la Constitution fédérale et la CEDH, et qui étaient invoqués par les recourants.

Les recourants faisaient premièrement valoir qu’une interdiction totale de la mendicité serait inadmissible car elle priverait les personnes qui s’y adonnent du dernier moyen disponible pour subvenir à leurs besoins. Le minimum vital de ces personnes serait également entamé par le prononcé d’amendes et la confiscation des recettes. Il en découlerait une incompatibilité avec une série de droits fondamentaux, soit la garantie de la dignité humaine (art. 7 Cst.), la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.), le droit fondamental à des conditions minimales d’existence (art. 12 Cst.) et le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).

Le Tribunal fédéral a considéré que l’interdiction de la mendicité constituait certes une atteinte à ces différentes garanties, mais qu’elle était admissible notamment car elle poursuivait différents buts d’intérêt public : non seulement prévenir l’exploitation de personnes mais également préserver l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics. Cette interdiction serait également proportionnée vis-à-vis de ces buts, car d’autres mesures moins incisives seraient, selon les juges, insuffisantes.

La liberté économique (art. 27 Cst.) était également invoquée par les recourants. Selon eux, une interdiction totale de la mendicité serait incompatible avec cette liberté, qui garantit le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice. Le Tribunal fédéral a, pour sa part, relevé que si la liberté économique protège l’exercice d’une activité dans le but d’obtenir un gain économique, c’est dans la perspective de rapports de production et d’échange qui font vivre le système économique. Or il a considéré qu’il n’y avait justement aucun échange de biens ou de services dans le cadre de la mendicité, si bien que la liberté économique ne lui serait pas applicable.

Les recourants se prévalaient également de la liberté d’opinion et d’expression (art. 16 Cst. et 10 CEDH) : la mendicité véhiculerait un message global sur la situation des personnes démunies en Suisse et dans le monde, en plus d’un cri de détresse individuel. Quant aux personnes qui donnent l’aumône, elles exprimeraient un geste de soutien et inviteraient chacun à faire de même. Le Tribunal fédéral a, pour sa part, posé des limites à la liberté d’expression : si tout comportement pouvait être lu comme véhiculant une information, la liberté d’expression serait dotée d’un champ d’application extrêmement large. Ainsi, pour qu’un acte soit protégé par la liberté d’expression, il faut que lui soit attribuée une valeur communicative. Tel ne serait pas le cas pour le fait de mendier ou pour celui de donner.

Les recourants ont également argumenté que l’interdiction globale de la mendicité portait atteinte à la liberté religieuse (art. 15 Cst.), car elle empêchait les individus qui le souhaitent de pratiquer l’aumône conformément à leurs convictions et aux dogmes de leur foi. Le Tribunal fédéral a rétorqué que l’interdiction de la mendicité ne concernait qu’une situation très particulière, si bien que l’atteinte à la liberté religieuse n’était pas significative et que d’autres possibilités de venir en aide aux nécessiteux existaient.

Les recourants invoquaient également l’interdiction de discrimination (art. 8 Cst. et 14 CEDH), à double titre : une interdiction de la mendicité serait discriminatoire car elle viserait avant tout les personnes dans le besoin. De même, la communauté rom serait également discriminée, car concernée au premier chef par cette interdiction. Pour le Tribunal fédéral, rien ne permettait de considérer que seuls les Roms était visés. Cette interdiction devait s’appliquer à toute personne pratiquant la mendicité, si bien qu’il n’y avait pas de discrimination.

Enfin, le Tribunal fédéral a rejeté un dernier argument des recourants, qui considéraient que la notion de mendicité inscrite dans la loi pénale vaudoise serait imprécise et donc contraire à l’adage “pas de peine sans loi” ancré à l’art. 7 CEDH. Cet argument a également été rejeté par les juges, qui ont considéré que l’activité visée était délimitée de manière assez précise.

Le recours des opposants ayant été rejeté, la modification de la loi pénale vaudoise entrera en vigueur à une date prochaine, qui doit encore être décidée par le Conseil d’Etat. Dans le cadre de la procédure de recours, le gouvernement vaudois a indiqué qu’il édictera un arrêté visant la possibilité d’exclure du champ d’application de la loi la mendicité occasionnelle. Les recourants pourraient, eux, porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Egalité salariale : le canton de Vaud souhaite intervenir à Berne

Le Conseil d’Etat vaudois a indiqué par un communiqué souhaiter que le canton fasse usage de son droit d’initiative cantonale auprès de l’Assemblée fédérale pour intervenir en faveur de l’égalité salariale entre homme et femmes.

Il a en effet donné suite à une initiative Jean-Michel Dolivo et consorts “Pour que l’égalité des salaires entre hommes et femmes devienne enfin réalité”. Il a présenté au Grand Conseil un projet de décret portant sur l’exercice, par le canton, de son droit d’initiative cantonale. Il revient maintenant au Grand Conseil de se prononcer sur ce décret.

L’initiative (parlementaire) cantonale permet à chaque canton d’intervenir au sein du Parlement fédéral, au même titre qu’un député, qu’un groupe parlementaire ou qu’une commission parlementaire, dans le but de proposer un projet d’acte. C’est en règle générale le parlement cantonal qui adopte une telle initiative. Cet outil n’est que relativement peu utilisé : la base de données Curia Vista indique qu’une moyenne d’environ 20 initiatives cantonales sont déposées chaque année.

En l’occurrence, le but de l’initiative cantonale est de demander une modification du droit fédéral afin de permettre aux cantons non seulement de contrôler le respect, par les employeurs, du principe d’égalité de traitement entre femmes et hommes, notamment sur le plan salarial, mais également de sanctionner les employeurs qui ne respecteraient par ce principe.

Les commentateurs relèvent que si peu d’initiatives cantonales aboutissent, elles peuvent tout de même influencer le travail des parlementaires à Berne. Ce d’autant plus que le thème de l’égalité salariale entre hommes et femmes devrait rester un sujet brûlant au sein de l’Assemblée fédérale, après les timides mesures qui ont été discutées durant la première moitié de l’année. Affaire à suivre, donc.

 

 

 

 

La surveillance des assurés soumise au verdict des urnes ?

Les citoyens devront-ils se prononcer sur la surveillance des assurés ? Ce sera le cas si la demande de référendum contre la révision de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales adoptée en mars par l’Assemblée fédérale aboutit. La récolte de signatures est actuellement en cours.

Petit rembobinage : le 18 octobre 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt Vukota-Bojić c/ Suisse (un résumé en français est disponible ici) par lequel elle a condamné la Suisse pour violation de l’art. 8 CEDH, qui consacre le droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans le cadre d’un litige avec une de ses assurées, une assurance-accident avait demandé à celle-ci de se soumettre à une nouvelle expertise médicale. Suite à son refus, l’assurance avait mis en place une surveillance secrète par le biais d’un détective privé. Cette surveillance avait eu lieu sur quatre jours différents, et à chaque fois durant plusieurs heures. Un rapport avait ensuite été établi et produit par l’assurance auprès des tribunaux suisses.

Etant donné que l’assurance effectuait une tâche publique et agissait sur délégation de la Confédération, la Cour a attribué les comportements de l’assurance à cette dernière. Quant au fond, elle a estimé que la surveillance par le biais de détectives privés organisée par l’assurance constituait une ingérence dans la vie privée de la recourante. Même si la surveillance n’intervenait que dans des lieux publics, l’ampleur de celle-ci et son utilisation dans le cadre d’un litige avec une assurance faisaient d’elle une ingérence dans la vie privée de la recourante.

Or toute ingérence dans les droits protégés par l’art. 8 CEDH doit notamment reposer sur une base légale suffisante (art. 8 § 2 CEDH: « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi […] »). En l’occurrence, ces mesures de surveillance avaient été prises sur la base des art. 43 en lien avec l’art. 28 al. 2 LPGA et art. 96 LAA. Toutefois, selon la Cour de Strasbourg, ces dispositions ne fournissaient pas une base légale suffisante dans le cas qu’elle jugeait. Elles n’indiquaient pas quand et pendant combien de temps la surveillance pouvait être mise sur pied. De même, aucune mesure contre de potentiels abus n’était prévue. En d’autres termes, pour la Cour, la surveillance n’était pas en soi illicite, mais elle devait s’appuyer sur une base légale suffisante.

Retour à Berne : suite à l’arrêt Vukota-Bojić, il était donc nécessaire d’ancrer dans la loi le principe de la surveillance secrète des assurés. En 2017, le Conseil fédéral a proposé une base légale dans un projet de révision plus générale de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales. En parallèle, la Commission sur la sécurité sociale et la santé publique du Conseil des Etats a mis sur pied son propre projet de révision, portant uniquement sur la base légale fondant la surveillance des assurés. C’est ce second projet qui a ensuite été soumis à l’Assemblée fédérale. Celle-ci a adopté la modification législative le 16 mars 2018.

Cette modification législative prévoit principalement l’introduction d’un nouvel art. 43a LPGA qui réglemente de manière détaillée la surveillance secrète d’un assuré. Son al. 1 offre à l’assureur, à certaines conditions, différents moyens de surveillance : enregistrements non seulement visuels mais également sonores, de même que recours à des instruments techniques visant à localiser l’assuré.  Par cette dernière expression, la loi se réfère notamment à l’utilisation d’émetteurs GPS. Une telle utilisation est soumise à autorisation du juge, selon l’al. 3 ; la procédure d’autorisation est établie dans un nouvel art. 43b LPGA.

Conformément aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, l’observation doit être limitée dans le temps. Le nouvel art. 43a LPGA prévoit une observation est limitée à 30 jours maximum sur une période de 6 mois, cette période pouvant être prolongée de maximum 6 mois supplémentaires si des motifs suffisants le justifient (al. 5).

En outre, le recours aux services de « spécialistes externes », c’est-à-dire à des détectives, est possible selon l’al. 6. Enfin, le droit d’être entendu de l’assuré est prévu à l’al. 7 : celui-ci doit être informé du motif, de la nature et de la durée de l’observation, au plus tard avant que la décision de l’assureur ne soit rendue

Les citoyens devront-ils se prononcer sur la surveillance des assurés ? Réponse d’ici au 5 juillet, date à laquelle le délai de récolte des 50’000 signatures nécessaires arrive à échéance.

Le Valais révise sa constitution

La journée de votations du 4 mars 2018 a non seulement été marquée par le rejet massif de l’initiative No Billag, mais elle a également préparé l’entrée du Valais dans le club des cantons ayant procédé, dans un passé plus ou moins récent, à la révision totale de leur constitution.

Le 4 mars dernier, les citoyens valaisans ont en effet approuvé à plus de 70% une initiative populaire tendant à la révision de leur constitution cantonale, dans le but de moderniser celle-ci. Par la même occasion, ils ont décidé que le texte de la nouvelle constitution serait élaboré par une constituante, dont les membres seront élus en fin d’année.

En se séparant de sa constitution actuelle, qui date du 8 mars 1907, le Valais emboîte le pas à de nombreux cantons qui ont fait de même. On assiste en effet depuis quelques dizaines d’années à une vague de révision des constitutions cantonales. Celle-ci a débuté dans les années 1960 déjà, avec la révision des constitutions des cantons de Nidwald (10 octobre 1965) et d’Obwald (19 mai 1968). Elle a perduré tout au long des années 1980 et des décennies qui ont suivi. A titre d’exemples récents, le canton de Schwyz a révisé sa constitution en 2010, et le canton de Genève en a fait de même en 2012.

A l’exception du Jura, qui représente un cas particulier puisqu’il a été créé en 1977, les autres cantons romands ont également de jeunes constitutions qui ont été approuvées par leurs citoyens dans les années 2000. La constitution du canton de Neuchâtel date ainsi du 24 septembre 2000, celle du canton de Vaud du 14 avril 2003, celle de Fribourg du 16 mai 2004 et, comme déjà écrit, celle de Genève du 14 octobre 2012.

Avant cette vague de révisions constitutionnelles, les cantons suisses disposaient de constitutions qui avaient été adoptées entre les années 1860 – décennie durant laquelle certains cantons connurent le mouvement démocratiqueet le début du XXe siècle. A l’heure actuelle, outre le Valais pour quelque temps encore, seuls les cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures (24 novembre 1872) et de Zoug (31 janvier 1894) disposent encore de leur constitution datant de cette période.

On pourra encore ajouter que, ce 4 mars 2018, le Valais n’est pas le seul canton à avoir initié une procédure de révision totale de sa constitution. Les citoyens du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures ont également approuvé le principe d’une révision totale de leur charte fondamentale.

Bibliographie/pour aller plus loin :

  • Auer Andreas, Staatsrecht der schweizerischen Kantonen, Berne 2016, N 515 ss
  • Kölz Alfred, Neue schweizerische Verfassungsgeschichte – Ihre Grundlinien in Bund und Kantonen seit 1848, Berne 2004, p. 41 ss (cf. également la version française : Histoire constitutionnelle de la Suisse moderne – L’évolution institutionnelle de la Confédération et des cantons depuis 1848, Berne 2013)

Image : première séance de l’Assemblée nationale constituante française, du 4 mai 1848 (Archives nationales françaises)