Initiative pour l’autodétermination : était-ce bien nécessaire ?

Le 25 novembre prochain, le peuple et les cantons devront se prononcer sur l’initiative pour l’autodétermination. A quelques semaines de la votation, la campagne bat son plein. Les initiants brandissent bon nombre d’arguments comme autant d’épouvantails, qu’ils entendraient régler une bonne fois pour toutes. A l’heure actuelle, l’autodétermination de la Suisse serait menacée, les citoyens ne pourraient pas se prononcer sur ce qu’ils veulent, et leurs décisions ne seraient pas appliquées. Mais la situation actuelle est-elle vraiment celle qu’ils décrivent ? En d’autres termes : cette initiative populaire était-elle bien nécessaire ? La réponse en trois questions.

 

1) Le droit international est-il « imposé » aux Etats ?

L’initiative pour l’autodétermination laisse apparaître l’idée selon laquelle le droit international est imposé aux États et, au bout de la chaîne, aux citoyens. Qu’en est-il en réalité ?

Le droit international ne comprend que quelques règles considérées comme véritablement « impératives » (p. ex. l’interdiction de la torture, du génocide, le noyau dur du droit international humanitaire, etc.). De telles règles sont applicables aux Etats indépendamment de leur consentement à être liés par elles. Elles sont considérées comme tellement fondamentales qu’un Etat ne peut s’y soustraire. Ce qu’il faut relever d’emblée, c’est que ces règles sont laissées intactes par l’initiative.

Pour le reste du droit international, le consentement de l’Etat est primordial. Un Etat doit exprimer son consentement à être lié par un traité pour que celui-ci s’applique à lui, et ce consentement peut être retiré : l’Etat dénoncera alors le traité.

Qui plus est, non seulement l’Assemblée fédérale, mais également les citoyens ont leur mot à dire sur la question. En effet, la réglementation actuelle prévoit, en ce qui concerne les droits populaires, un « parallélisme » entre droit interne et droit international. Si le contenu d’un traité international est d’une importance équivalente à celui d’une loi fédérale, le peuple bénéficiera du référendum facultatif pour éventuellement déclencher une votation sur celui-ci, comme s’il s’agissait d’une loi fédérale. De même, si le traité international doit être qualifié de rang constitutionnel en raison de son contenu, le référendum obligatoire pourra entrer en scène. Ce second type de référendum existe pour l’heure en partie de manière non écrite (seuls les traités prévoyant l’adhésion de la Suisse à une organisation de sécurité collective, telle que l’OTAN, ou à une communauté supranationale, telle que l’UE, sont mentionnés dans la Constitution). Une révision constitutionnelle actuellement en cours de consultation a toutefois pour but de l’ancrer plus en détail dans la Constitution.

Ainsi, non seulement le droit international nécessite le consentement de l’Etat pour qu’il s’applique à lui, mais il bénéficie également d’une légitimité similaire à celle du droit interne en ce qui concerne la possibilité des citoyens de se prononcer par leurs droits populaires.

 

2) Une initiative populaire contraire au droit international remet-elle en question les engagements de droit international qui lui sont contraires ?

L’initiative prévoit en substance que, en cas de conflit entre le droit international et la Constitution, cette dernière doit l’emporter. Mais elle ne s’arrête pas là : les engagements de droit international concernés doivent être renégociés, voire dénoncés, le but étant qu’une initiative ne voie pas sa mise en œuvre « entravée » par des règles de droit international qui lui seraient contraires. A l’heure actuelle, l’acceptation d’une initiative populaire a-t-elle pour effet de remettre en question les engagements de droit international qui seraient incompatibles avec elle ?

A différentes reprises, le Conseil fédéral a répondu à cette question par l’affirmative, en estimant que l’acceptation de l’initiative devait être interprétée comme un mandat de renégociation/dénonciation des traités concernés. Cependant, les exemples récents montrent que l’opinion du Conseil fédéral ne s’est pas concrétisée dans les faits. Même l’initiative « contre l’immigration de masse » n’a pas donné lieu à une dénonciation de l’ALCP, après que la renégociation de cet accord eut échoué. Il faut dire que si cette initiative comportait une clause imposant la renégociation de l’ALCP, la dénonciation n’était pas expressément prévue (les traités devaient être « renégociés et adaptés »).

Cela ne signifie pas qu’une initiative populaire ne peut pas remettre en question des engagements de droit international. Tout comme le droit international n’est pas « imposé » aux Etats, il est toujours possible pour ceux-ci de quitter un traité international, et cette démarche peut être entamée par le biais d’une initiative populaire. Cela, les initiants le savent très bien : l’initiative de limitation, la suivante au menu, prévoit expressément une dénonciation de l’ALCP.

Pour répondre à la question : oui, une initiative populaire peut déjà maintenant mener à la dénonciation d’un traité qui lui est contraire (dénonciation qui laisserait par hypothèse le champ libre à une pleine mise en œuvre de l’initiative). Toutefois, en l’état, on peut déduire de la pratique du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale qu’il est nécessaire que l’initiative contienne une clause prévoyant expressément la dénonciation pour que les autorités empruntent cette voie. Or cette position est beaucoup plus respectueuse des droits populaires que celle opposée, prévue par l’initiative pour l’autodétermination, qui verrait tout traité contraire à une initiative systématiquement dénoncé s’il n’était pas possible de le renégocier. Elle permet aux citoyens de se prononcer en pleine connaissance de cause. De même, la dénonciation « implicite » prônée par l’initiative soulèverait de nombreuses difficultés d’application et pourrait s’avérer problématique notamment vis-à-vis du principe de l’unité de la matière, qui impose un lien intrinsèque entre les différentes parties d’une initiative.

 

3) Est-il possible de conclure un engagement international contraire à la Constitution ?

Prenons le cas de figure inverse à celui discuté précédemment : une disposition constitutionnelle existe, et un traité potentiellement contraire à celle-ci est en train d’être négocié par le Conseil fédéral. L’initiative pour l’autodétermination interdit dans cette situation que le traité soit conclu. Si l’initiative était acceptée, la Constitution serait complétée par un art. 56a qui prévoirait notamment que « la Confédération et les cantons ne contractent aucune obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution fédérale ».

Or cette règle est déjà appliquée actuellement, même si elle ne figure pas expressément dans la Constitution. Le Conseil fédéral explique dans son Message relatif à l’initiative pour l’autodétermination que « l’interdiction de contracter une obligation de droit international qui soit en conflit avec la Constitution, est déjà prescrite par le droit constitutionnel et pratiquée, car le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale sont aussi liés par la Constitution dans les relations extérieures » (p. 5053 s.). Les autorités veillent donc déjà maintenant à éviter les conflits entre le droit international et la Constitution lorsqu’elles négocient un traité international. L’initiative n’apporte rien de nouveau sur ce point.

 

Pour résumer, la situation juridique actuelle n’est de loin pas celle décrite par les initiants. En d’autres termes, l’initiative pour l’autodétermination prétend apporter des solutions à des problèmes qui n’existent pas. Ce faisant, elle amène avec elle son lot de conséquences, de difficultés et d’incertitudes. Si l’initiative était acceptée le 25 novembre, c’est là que les problèmes commenceraient.

Image : http://www.parlament.ch

Guillaume Lammers

Docteur en droit, Guillaume Lammers est avocat à Lausanne et chargé de cours à l'UNIL. Il s'intéresse de près aux différents aspects du droit constitutionnel, domaine dans lequel il a rédigé sa thèse de doctorat ainsi que différentes contributions. Il est également auteur au sein du think tank foraus.

5 réponses à “Initiative pour l’autodétermination : était-ce bien nécessaire ?

  1. Pense un peu comme vous monsieur Lammers.

    Mais hélas, comme vous devez être, à peu près, le centième à exprimer le même avis sur ces blogs, heureusement, tout le monde ne lit pas le Temps.

    Mais à une époque de réseautage, les petites rivières font les grands ruisseaux (ne sais pas qui à dit ça), mais j’ose espérer qu’il aurait, pour une fois tort?

    Enfin, dit-on, le peuple a toujours raison?

    1. PS. c’est un peu comme les blogs du Temps, de vieux cons se sentent investis d’une mission démocratique.
      D’autres vieux cons se sentent autorisés, sous des pseudos, de donner leur avis, plus qu’avisé et on pense que le monde va continuer comme ça…

      Bon, on verra bien, même si on voit déjà…!

  2. Cet article est un tissu de sophismes.

    De fait la meilleure preuve que nous ne sommes plus libres c’est que l’initiative contre l’immigration de masse n’est toujours pas appliquée et que le parlement a osé violer la constitution fédérale (article 121a) pour ne pas l’appliquer. Cela suffirait déjà à justifier la nécessité d’accepter cette initiative.

    Mais il y a pire. On est en train de nous imposer en catimini un “pacte sur les migrations” des Nations unies qui prévoit ni plus ni moins que d’organiser au niveau mondial des “migrations de remplacement”. Nos diplomates ont trempé dans l’élaboration de ce texte génocidaire (génocide par remplacement des peuples européens). Le Conseil fédéral s’apprêtait à le signer. (Peut-être que maintenant, à cause du tollé qu’a causé la révélation de ce complot, ils vont hésiter un peu, mais ils avaient bien l’intention de commettre cette forfaiture).

    Par conséquent nous sommes en effet dirigés par des traîtres qui oeuvrent contre la volonté du peuple autochtone et même pour sa destruction pure et simple. C’est un fait qu’on est contraints de constater.

    Mieux vaut prévenir que guérir. Nous devons préventivement rendre impossible l’abus du droit international par des élites qui s’en servent pour faire la guerre à leurs propres peuples et faire naître au forceps un monde sans frontières dont nous ne voulons pas.

    Nous ne pouvons plus avoir aucune confiance dans les dirigeants. Vous nous dites que “pour le … droit international, le consentement de l’Etat est primordial”. En principe c’est vrai. Cela devrait être vrai, normalement. Mais ça ne l’est pas en réalité car la situation n’est plus normale et nos dirigeants abusent systématiquement du consentement populaire.

    lls signent des traités à tire-larigot dont la plupart ne sont jamais soumis au référendum tout simplement parce que les patriotes n’ont ni le temps, ni l’argent, ni l’énergie d’organiser un référendum à chaque fois qu’en catimini un traité est signé qui annulle une de nos libertés. De sorte qu’en additionant des centaines de traités qui chacun ne touche qu’un aspect apparement secondaire et technique, et donc en soi, pris isolément, n’est pas dangereux, mais qui ajouté à tous les autres finit par réduire à néant le coeur de nos droits et de nos libertés, de fait, effectivement, le droit international est utilisé comme une arme de guerre contre les citoyens et citoyennes suisses.

    Donc le moment est venu de dire stop et remettre à leur place ces élites traîtresses qui nous vendent à l’encan dans les enceintes internationales comme du bétail.

    C’est très simple: le 25 novembre nous voterons peut-être pour la dernière fois. C’est à dire que si cette initiative n’est pas acceptée, le 25 novembre 2018 restera dans l’histoire comme la dernière votation populaire depuis l’instauration de la démocratie semi-directe en Suisse, où il y aura eu encore un vrai choix.

    Si l’initiative est refusée il y aura encore des votes, certes, mais le peuple ne sera plus souverain car s’il s’agit de questions importantes, touchant à la souveraineté, le vote sera sans valeur face au droit international qui nous est imposé.

    Car il nous est imposé. Les dirigeants abusent de leur position de pouvoir pour faire passer en douce des centaines de textes de droit international sans que le peuple puisse réagir ni s’opposer. Et cela va plus loin. Même quand le peuple a accepté en votations populaires un texte, il arrive que la jurisprudence créative de la cour européenne donne à ce texte après quelques années une signification totalement opposée à ce que que le peuple avait accepté.

    Donc le 26 novembre, tous aux urnes! Et donnons au monde une retentissante leçon de démocratie en montrant que le peuple suisse ne veut plus se laisser ligoter, pour mieux être égorgé par la suite. (Ce qui ne manquera pas d’arriver réellement, en pratique, quand le droit international imposé nous aura contraint à accueillir des migrations de remplacement, contrairement à ce que nous voulons et à ce qu’exige notre Constitution fédérale en son article 121a).

  3. Dans un état démocratique qui se respecte, il ne devrait y avoir aucune cour ou justice extra territoriale qui aurait son mot à dire sur la façon dont un pays est géré.

    Et ce d’autant plus que la Suisse a une arme fatale que les autres états n’ont pas, l’avis du peuple.

    En Suisse, le TF devrait être le seul tribunal compétent pour gérer ce qui se passe en Suisse.

    Si le TF ne donne pas satisfaction, il convient à des citoyens suisses de lancer des initiatives qui viendraient combler ou corriger ce que le TF a fait.

    Car en Suisse, l’initiative ou référendum a valeur de loi, et s’impose à tous, politiques comme au TF.

    Et puis chaque fois que l’udc lance une initiative, c’est branle bas de combat pour savoir qui trouvera les arguments pour contrer ce que l’udc fait, non pas que ce soit forcément mauvais (comme on l’a vu avec les expulsions des étrangers délinquants) mais parce que c’est l’udc.

    Je rappelle que si l’udc a lancé cette initiative c’est notamment pour répondre aux cas comme celui ou la CEDH a refusé qu’un délinquant étranger, vendeur de drogue, nigérian si j’ai bonne mémoire, soit expulsé sous prétexte de son droit à avoir une vie de famille.

    C’est le monde ou les valeurs sont inversées, si vraiment ce délinquant avait autant envie d’avoir une vie de famille, il ne se serait pas mis dans la situation de pouvoir être séparé de sa famille.

    Pas plus que vous n’avez envie de vous retrouver en prison et ne commettez ni acte de délinquance et encore moins de crime.

    Voilà comment tout cela a commencé.

    La CEDH se mêle de choses qui ne devraient pas la regarder sous prétexte droit de l’hommiste.

Les commentaires sont clos.