Quand les sommets s’illuminent

Illumination nocturne du massif des Combins dans le cadre du bicentenaire de l'entrée du Valais dans la Confédération Suisse
Illumination nocturne du massif des Combins dans le cadre du bicentenaire de l’entrée du Valais dans la Confédération.

 

Les Valaisans avaient cette année l’embarras du choix pour célébrer le 200e anniversaire de l’entrée de leur canton dans la Confédération Suisse. Une trentaine de manifestations leur étaient avant tout destinées. Sans parler du 1500e anniversaire de l’Abbaye de Saint-Maurice et du 150e de la première ascension du Cervin – pour une fois que cette montagne emblématique doit le respect à un autre monument – citons l’initiative des deux quotidiens cantonaux, le Walliser Bote et le Nouvelliste, pour retracer l’histoire du vieux pays depuis son devenir national.

Rajeunir les clichés traditionnels

Un bel et grand ouvrage de deux cent pages réunit les articles qui ont retracé le Valais d’hier jusqu’à aujourd’hui de manière fort instructive. Plusieurs créations culturelles originales ont montré le pouvoir créatif des artistes valaisans dans le cadre du Oh! Festival ainsi que par le magnifique opéra musical chanté et joué par les jeunes chanteurs de la Schola de Sion et de l’école de chant haut-Valaisanne Cantiamo. Dernièrement, le concept artistique des « Cinphonies 2015 » présentées par l’orchestre symphonique du Valais sous la direction d’Etienne Mounir à Viège, Sierre et Saint-Maurice s’est construit en sons et en images à partir du profil topographique des frontières de la Suisse et du Valais.

Décidément, la montagne valaisanne a beaucoup à dire et à montrer durant ces festivités, notamment par le film « 13 Faces du Valais » qui rajeunit quelque peu ce canton carte postale, des clichés traditionnels dont il s’avère vraiment difficile de se départir, même à l’aide de sports fun.

Val d'Hérens et Dents de Veisivi. Test dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet
Val d’Hérens et Dents de Veisivi. Test dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet.

Parmi cette multitude de projets il en est un qui restera gravé dans l’imaginaire populaire. Mieux encore, qui restera gravé jaune sur noir malgré sa brièveté – trois petites minutes – et qui a connu un écho médiatique international dépassant largement les seules frontières cantonales. Je veux parler de l’illumination de treize sommets valaisans dans le cadre du projet « 13 étoiles au sommet. » Une idée simple, lumineuse, celle d’éclairer de manière pyrotechnique quelques sommets emblématiques des alpes valaisannes. Mais un projet complexe à organiser, qui a vu l’implication d’une septentaine de guides de haute-montagne et d’une trentaine de photographes pour conserver la trace de cette aventure éphémère dans un beau livre tout juste paru.

Je revis le premier essai réalisé par des températures glaciales sur les hauts d’Arolla, la vue de l’Aiguille de la Tsa et du Pigne illuminés de rouge puis de jaune. Je me remémore la montée à peau de phoque pour accéder au point de vue choisi sur le massif des Combins, les premiers réglages avant le crépuscule, l’espoir que les bancs de nuages troublant la scène se dissipent à temps, la longue attente et la fébrilité des quelques prises de vues dans le temps bref imparti. Puis la descente dans la nuit au seul faisceau d’une lampe frontale. Mais le résultat, bien là, en vaut la gageure. Il restera dans beaucoup de mémoires comme le symbole d’une année festive bien garnie.

Tests d'illumination du massif de la Tsa dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet
Tests d’illumination du massif de la Tsa dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet.
Tests d'illumination en novembre 2013, dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet
Tests d’illumination du Pigne d’Arolla en novembre 2013, dans le cadre du projet 13 étoiles au sommet.

Photos: François Perraudin

À l’ombre de la terre

Ils sont nombreux, au matin du 28 septembre dernier, à avoir lorgné par la fenêtre et, déçus par le plafond de nuages, à avoir rejoint leurs plumes pour quelques heures de sommeil de plus. C’est qu’il fallait monter, cette nuit-là, fort haut jusqu’au-dessus de la mer de brouillard, pour découvrir le phénomène. À 1800 mètres d’altitude, les persévérants ne le regrettent pas.

Le phénomène est celui de la super-lune, lorsque le satellite de la terre, au plus proche de celle-ci, passe dans son ombre, s’éteint et vire à l’orange, presque au rouge. Ou lorsque, malgré la pleine lune, on peut observer toute la beauté de la voie lactée sans être importuné par une trop forte luminosité lunaire. Il s’est même trouvé quelque étoile filante pour strier le ciel et appeler au vœu le plus sincère.

Lune rouge a son apogee (le plus proche de la terre)
Lune rouge à son apogée, au plus proche de la terre. (photos: François Perraudin)

Ne serait-ce que pour le spectacle de cette lune pleine et si proche, cela valait le déplacement. Lorsque l’on observe même à l’œil nu le relief lunaire et lorsque de simples jumelles dévoilent ci une vaste pleine, là un cratère ou encore une montagne. Nul besoin de lampe de poche pour progresser sur terre, on y voit presque comme en plein jour, mais en monochromie: les couleurs s’effacent et rendent la nuit mystérieuse pour quelques heures de méditation.

L’éclipse débute de manière imperceptible, juste une zone d’ombre qui, petit à petit, recouvre son bord droit. Puis le disque devient croissant, la lumière diminue et vire gentiment à l’orange. Lorsque tout rayonnement direct disparaît de la surface lunaire, celle-ci s’efface presque et revêt une robe rouge-orangé. Une heure durant, l’imaginaire se plaît à sombrer dans une ambiance d’apocalypse. Jusqu’à ce que, subrepticement, une lueur apparaisse sur le côté gauche, un croissant pâle tout d’abord, bientôt éclatant de lumière à force de s’épaissir.

La pleine lune entre dans l'ombre de la terre
La pleine lune entre dans l’ombre de la terre

Et l’orangé de disparaître de la face ombragée, et la face éclairée de dévoiler petit à petit les cicatrices de son relief. Jusqu’à ce que la lune dans son entier devienne à nouveau normale et poursuive sa trajectoire vers le couchant d’une nuit insolite.

 

Alors que les premiers chasseurs rejoignent leur poste, sur la lune, ce jour-là, il y avait une éclipse solaire.

L'éclipse touche à sa fin
L’éclipse touche à sa fin.