Les Romands sauvent la LRTV, le débat continue

L’USAM, l’UDC et la presse écrite, qui ont fait bloc, ont échoué d’un rien. Naturellement, dans leur esprit, le contenu de la loi n’avait guère d'importance ; l’objectif était de stopper les médias de service public, trop puissants, trop protégés, trop couteux. Heureusement, malgré les millions investis, cette opération commando n’a pas fonctionné. Toutefois, nul ne peut se réjouir d’une campagne qui laisse les problèmes ouverts.

Premièrement, l’offensive des référendaires laisse un goût amer. Avec des moyens considérables, ils ont multiplié les mensonges et les insultes. A nouveau, les débats ont été sciemment détournés des normes soumises à votation, pour être orientés vers des interprétations fallacieuses. Une fois de plus, la démocratie directe a vécu une séquence de désinformation populiste, qui ne la grandit pas.

Deuxièmement, les critiques massives des journaux contre la SSR ont suscité un certain malaise. Alors qu’un refus de la LRTV ne leur aurait pas fait gagner un seul franc, ni un seul lecteur, ils n’ont pas craint de renforcer l’illusion que la démocratie pouvait se satisfaire des seules lois du marché. Dans cette optique, la coupure forte entre les positions souvent idéologiques de la presse francophone et la réalité de la région est inquiétante.

Demain, le débat sur le service public va reprendre. Tant mieux ! Il est nécessaire. Mais il doit s’élever au-dessus des attaques populistes contre les méchants fonctionnaires trop payés, pour s’ouvrir aux questions qui n’ont pas encore été abordées :

Quelles sont les conditions nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie et au maintien de sa cohésion sociale ? Quels rôles jouent les médias dans ces processus ? En quoi le service public ne fait-il pas le même travail que les privés ? Quelles sont ses missions et ses exigences spécifiques ? Pourquoi ne peut-il pas être remplacé par des entités soumises à des facteurs purement économiques ?

La Suisse romande a défendu la pérennité de l’institution SSR. En réalité, une crise peu féconde a été évitée. Par contre, les prémisses d’un débat de fond exigeant sont réalisées.

Retrouvez ici le sommaire des votations de ce 14 juin

François Cherix

Spécialisé dans la communication politique, François Cherix travaille depuis des années sur la réforme du modèle suisse, l'organisation de l'espace romand, la question européenne, les liens entre politique et médias. Essayiste, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreuses analyses. Socialiste, il a été membre de l'Assemblée constituante vaudoise et député au Grand conseil. Aujourd'hui, il est co-président du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes).