Avantage suisse, jeu européen

Emmenée par les entrepreneurs Hans-Jörg Wyss et Jobst Wagner, l’économie s’engage contre l’isolement de la Suisse, en lançant l’association «Avantage suisse». Il était temps! Afficher quelques pommiers avant une votation ne suffit plus. Les thèses blochériennes ont passé dans l’ADN citoyen. Seule une vaste campagne, audacieuse et durable, peut les contrer efficacement.

Une mobilisation générale contre l’Alleingang est d’autant plus nécessaire que le Conseil fédéral a volontairement disparu des écrans radar. Plus soucieux de préserver son image que de dire la vérité au pays, il a abandonné aux associations le soin de préparer un nouveau vote européen, qu’il sait pourtant inéluctable.

Aujourd’hui encore, le négociateur en chef de l’UE, M. Maciej Popowski, confirme dans La Liberté que ni les contingents, ni la préférence nationale, ni une clause de sauvegarde ne sont acceptables. Après Mmes Ashton et Mogherini, après le rapport des Vingt-huit sur les pays de l’AELE, une nouvelle déclaration douche les fantasmes helvétiques: la libre circulation des personnes ne sera ni renégociée, ni amendée.

Dans ce contexte, la création d’Avantage suisse constitue une bonne nouvelle. Toutefois, son action ne sera féconde qu’à la condition d’intégrer deux paramètres essentiels.

Premièrement, les défenseurs de la voie bilatérale doivent se rappeler qu’elle est morte dans sa forme actuelle. Sans un nouveau cadre institutionnel organisant la reprise du droit européen et de son interprétation, les relations avec l’UE finiront de s’asphyxier. Par conséquent, leur discours ne peut se limiter à la célébration d’un statu quo moribond. C’est une avancée dans l’intégration qu’il convient de promouvoir, pour détourner nos compatriotes de l’isolement.

Deuxièmement, pour renverser la vapeur, il ne suffira pas d’affirmer que nos liens avec l’UE sont vitaux pour l’économie. Ce mantra n’opère plus. Le souverainisme a si bien intoxiqué les Suisses qu’ils attribuent leur prospérité à leurs seules vertus. Démasquer le dénigrement quotidien de l’Union, construire peu à peu une conscience européenne, inscrire le destin de la Confédération dans celui de son propre continent, tels sont les défis à relever sans attendre.

En fait, une campagne strictement défensive, matérialiste et helvéto-centrée ne produira pas d’effet. Personne ne renonce à faire cavalier seul, s’il ne voit ni l’orage qui menace, ni les escadrons qui galopent autour de lui.

La prochaine votation ne se gagnera donc pas en alignant des bilans et des statistiques, mais par des arguments politiques réconciliant le pays avec sa véritable histoire. Autrement dit, aucun avantage suisse ne peut se développer sans entrer ouvertement et avec ardeur dans le grand jeu européen.

François Cherix

Spécialisé dans la communication politique, François Cherix travaille depuis des années sur la réforme du modèle suisse, l'organisation de l'espace romand, la question européenne, les liens entre politique et médias. Essayiste, il a publié plusieurs ouvrages et de nombreuses analyses. Socialiste, il a été membre de l'Assemblée constituante vaudoise et député au Grand conseil. Aujourd'hui, il est co-président du Nouveau mouvement européen suisse (Nomes).