Attention, le Département de la Santé peut nuire à la santé (et aux start-up)

Le numérique est-il bon pour la santé? La science et les start-up sont-elles bonnes pour la médecine? Voilà le débat que j’ai lancé à l’insu de mon plein gré lundi 10 septembre dans le Temps en citant le médecin cantonal vaudois, Karim Boubaker, en marge de l’affaire Domosafety (lire ci-dessous la chronique de lundi). Je rappelle son credo: «Le numérique n’amène rien à la qualité de vie, cela va s’éteindre tout seul, je le souhaite». J’espérais un démenti de sa part. Un truc du genre: «Vous m’avez mal compris». Malheureusement, je l’avais parfaitement compris. Il a persisté, ici même, mercredi en admettant je cite, ses «réticences lorsqu’il s’agit de nouveautés technologiques». Un médecin réticent aux progrès de la science, c’est intéressant. Comme me le faisait remarquer un ami, «heureusement qu’il n’était pas là quand le stéthoscope ou l’échographie sont arrivés sur le marché, on aurait encore une espérance de vie de 45 ans».

Le médecin cantonal fait bondir des médecins du canton

Du coup, la prise de position du médecin cantonal a un peu choqué des médecins du canton. Comme Bertrand Vuilleumier, président des hôpitaux du Nord vaudois, qui réagissait sur ce blog: «Quand on entend qu’un des cadres du SSP souhaite qu’on écarte à tout jamais tout recours à des systèmes d’information pour alléger, anticiper le travail des infirmier-ères, des médecins ambulatoires… on va droit dans le mur!» Et de préciser: «Ces systèmes méritent qu’on les teste et qu’on ne les bannissent pas pour des raisons politiques, pseudo-économiques, voire prétendument éthiques». Merci Docteur. Ça me rassure, je pensais avoir raté une étape. Nous sommes bien, comme le constatent d’autres commentateurs du blog, dans une vision préhistorique de la médecine.

La position vaudoise en contradiction avec la stratégie de la Confédération

La position paléolithique vaudoise surprend, donc. Jusqu’à Berne. Outre de légitimes inquiétudes pour le suivi sanitaire des Vaudois, elle est de mauvaise augure pour la coordination fédérale en matière de numérisation. Je m’explique: le Conseil fédéral a présenté mercredi dernier sa stratégie Suisse numérique (lire aussi ci-dessous). Et il ne partage pas du tout la vision vaudoise. En effet, le Conseil fédéral estime, comme le reste de la planète, que la numérisation ouvre d’énormes perspectives pour la médecine. Dans le catalogue de 111 mesures du plan d’action fédéral, plus de 20 d’entre elles touchent, de près ou de loin, la question de la santé. Dont une, plus spécifique, concerne directement le cas Domosafety. En page 28, au chapitre « Société, santé et culture », le point 8.1 affirme que « les technologies et les prestations novatrices favorisent la participation à la vie sociale », ce que tout le monde voit bien (sauf le Canton de Vaud). On y lit que « la Confédération soutient, dans le programme européen Active and Assisted Living (AAL), le développement de solutions techniques permettant aux personnes âgées et handicapées de vivre et de travailler de manière autonome ». Elle y injecte des millions par année et participe à de nombreux projets (avec entre autres Domosafety). Car elle a compris, que la technologie et la recherche scientifique peuvent aider les personnes âgées à bien vivre. Tout le monde y croit. Tout le monde y travaille. Sauf le Canton de Vaud?

Nous souffrons visiblement, en terres vaudoises, ou du moins au Département de la Santé, d’une allergie à l’innovation et aux start-up: le cas Domosafety n’est malheureusement pas le premier. On se souvient que la vaudoise Sophia Genetics s’est développée sur toute la planète avant le Canton de Vaud, à cause des mêmes convictions locales: la technologie n’est pas bonne pour la santé. Et les start-up ne sont pas bonnes pour l’économie. Une allergie reposant sur une vision dogmatique: la technologie et le développement nous pervertissent. Et donc, les start-up aussi. Il est temps que cela change, et qu’on ouvre un autre débat: le Département vaudois de la Santé est-il vraiment bon pour la santé?

4 réponses à “Attention, le Département de la Santé peut nuire à la santé (et aux start-up)

  1. Vous pouvez aussi ouvrir le même débat sur la justice, l’agriculture, etc. …!

    Le Canton de Vaud doit sa réussite à sa magnifique situation du bassin lémanique et à sa proximité genevoise.
    Sinon, il est toujours un canton agricolo-urbain à la traîne des “y en a point comme nous”.
    En résumé, “ni oui, ni non, bien au contraire”!
    🙂

  2. Certain que ce médecin dispose d’un smartphone dernier cris et profite dans sa vie privée des progrès technologiques, je me pose la question de savoir quels sont les intérêts que sert ce médecin cantonal ?

    Historiquement, il est vrai que le canton de Vaud est jacobin et qu’il tend à confondre service publique avec sévisse publique.

    La fonction de médecin cantonal à pour mission de servir le souverain, si tel ne devait pas être le cas qu’il soit démissionné.

    Ce qui en des temps paléontologique équivaudrait à être décapité pour haute trahison envers le souverain.

    Nous n’oublierons pas que la guillotine fût un progrès technologique important pour l’époque. Elle a permis d’optimiser l’efficience du processus de décollation et ceci de manière nette quasi sans douleur. L’argument de vente était profondément humaniste : c’est sans douleurs !

    Gardons à l’esprit que la technologie n’est ni bonne ni mauvaise en soit, c’est ce que nous en faisons qui importe. Hélas, le progrès moral et éthique est bien souvent dépassé par la technologie.

    Charge au souverain de veiller au grain et si nécessaire de réclamer des têtes.

    Il reste que là où le politique nous vends des promesses électorales et la religion des promesses invérifiables, la technologie offre des solutions concrètes et tangibles.

  3. Ah ah, je ris jaune… Je suis éthicien digital, président de l’observatoire CloudReady.ch et je suis le premier à confirmer que le digital est un outil fantastiquement dangereux pour les esprits corrompus par le mercantilisme et la culture spéculative ! Et il est fort probable que l’Internet et le capitalisme, et la (vraie) Démocratie ne soient pas compatible.
    Par contre, le numérique n’est plus une option, et ne “passera” pas, sauf effondrement majeur et dramatique de notre Société actuelle. On passera probablement à d’autres étapes, quantiques, mais je doute d’une médicalisation hors du digital. Aucune nouvelle avancée médicale n’est actuellement possible sans le numérique, les IA, ou une assistance informatique.
    Nous avons d’immense champs de possibilités qui s’ouvrent devant nous avec le numérique, démocratie, communications, échanges, partages, économie de la contribution, réduction de l’esclavage moderne (l’obligation de devoir travailler, sans obliger la Société à te filer un travail!), et j’en passe, cf. http://blog.kotte.net
    J’ai fait une étude pour le Canton de Vaud, où je recommandais de “libérer” les développeurs pour quitter les modèles architecturaux numériques pour les laisser explorer les innovations, avec des garde-fous sur nos données, pour libérer la créativité humaine. Au lieu de nous enfermer dans des schéma-type, dans les petits conforts du connu, des architectures obsolètes…
    C’est pas encore gagné !

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