L’histoire du père qui sauve son fils de la peine de mort

C’est l’histoire folle d’un père sauvant de la mort un fils qui a tenté de le tuer. Condamné à mort, Bart Whitaker, 38 ans, a échappé jeudi soir à son exécution, in extremis, 40 minutes avant l’injection létale. C’est la première fois que le gouverneur du Texas Greg Abbott décide de commuer une peine capitale en prison à perpétuité, dans un des Etats américains qui exécute le plus.  Cette décision, il l’a prise grâce à l’engagement du père de Bart Whitaker, un fervent chrétien.

Bart Whitaker a planifié le meurtre de toute sa famille en 2003, en engageant un tueur. Pour des questions d’argent. Il a fait tuer sa mère, son frère et le tireur a raté de peu son père. Il avait mis en scène un faux cambriolage et prétendu en avoir lui-même été victime. Le tueur, un ami de Bart, se terrait dans la maison familiale le 10 décembre 2013, et a commencé à tirer quand toute la famille rentrait d’une soirée au restaurant. Le père a eu le thorax perforé. Depuis son lit d’hôpital, Kent Whitaker s’est rapidement dit prêt à pardonner le meurtrier, sans savoir tout de suite que son fils y était pour quelque chose. Puis, quand il l’a compris, il a certes été choqué, mais n’a pas changé de position pour autant, allant jusqu’à dire que Dieu l’avait «aidé à parvenir à ce pardon intégral». «Je pense qu’il l’a fait pour m’aider à retisser ma relation avec mon fils», a-t-il déclaré à l’AFP. Kent Whitaker et sa nouvelle femme sont allés rendre visite presque chaque semaine à Bart dans les couloirs de la mort. Jeudi soir, à travers une vitre, ils lui avaient fait ce qu’ils pensaient être de derniers adieux. Le vrai meurtrier, lui, n’a pas été condamné à mort, mais à la prison à vie.

Avec cette forte charge émotionnelle, l’affaire fait grand bruit aux Etats-Unis. Ce même jeudi soir, deux autres exécutions étaient également programmées, dans l’Alabama et en Floride. Dans le premier cas, les avocats n’ont fait pas réussi à faire valoir que l’injection létale pourrait se transformer en séance de torture pour leur client souffrant d’un double cancer. Mais l’exécution a été repoussée.
Selon les statistiques du Death Penalty Information Center, 23 personnes ont été exécutées en 2017, un chiffre en baisse depuis 2009, année où 52 condamnés à mort ont été tués. Le pic avait été atteint en 1999, avec 98 exécutions. Depuis le début de l’année, quatre exécutions ont déjà eu lieu, dont celle de jeudi en Floride. Les abolitionnistes caressent l’espoir que l’affaire Whitaker fasse avancer le débat. En quarante ans, ce n’est que la troisième fois qu’un gouverneur du Texas suspend une exécution au dernier moment. En trois ans de mandat, Greg Abbott a lui-même autorisé 30 exécutions. Jusqu’à ce qu’il rencontre Kent Whitaker.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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