Feidin Santana aurait pu passer son chemin sans rien dire, sans rien faire. Cet habitant de Charleston, en Caroline du Sud, d’origine dominicaine, a pourtant filmé une scène qui a choqué toute l’Amérique: un policier blanc qui abat de huit balles dans le dos un Afro-Américain de 50 ans qui fuit. Sans la vidéo, il ne fait presque aucun doute que le policier n’aurait pas été inquiété. Les télévisions américaines ont lu mercredi soir à l’antenne une partie du rapport soumis par le policier aujourd’hui inculpé pour meurtre. La description qu’il fait des événements est lacunaire et mensongère.
Feidin Santana a lui-même longtemps hésité avant de remettre la vidéo au New York Times et au journal local Post and Courier. Il s’est même rendu à la police pour évoquer la vidéo. Mais l’institution n’était visiblement pas intéressée. Feidin Santana reconnaît dans une interview accordée à NBC qu’il a même pensé détruire la vidéo de peur de s’attirer des ennuis au sein de la communauté dans laquelle il vit. Mais quand il a entendu le contenu du rapport de police qui contredisait radicalement ce qu’il avait vu, il n’a plus hésité.
Dans l’interview, il le souligne: “Avant que je ne commence à filmer ils (le policier et la victime) étaient tous les deux au sol. Je me rappelle que le policier avait le contrôle de la situation.” Et Feidin Santana d’ajouter: “Il contrôlait Scott (Walter Scott, la victime) et Scott essayait de se dégager du Taser, mais comme je l’ai déjà dit, il n’a jamais utilisé le Taser contre le policier.” Les propos de l’auteur de la vidéo sont éclairants. Selon lui, si Walter Scott a fui le policier, c’est sans doute, estime-t-il, parce qu’il avait peur d’être à nouveau passé au taser. Dans la vidéo, ce qui est particulièrement perturbant, c’est le fait que le policier, âgé de 33 ans, est revenu vers sa victime, sans vie, sans essayer de le ranimer et surtout pour y déposer à côté du cadavre un taser. Une manière de laisser croire que la victime s’en était servi.
Aujourd’hui, Feidin Santana l’admet dans son interview à NBC. Il a peur. Il estime qu’il a fait ce qu’il devait faire aussi bien pour la famille de la victime que pour l’institution policière qui ne doit pas tolérer de tels comportements fautifs. Il a déjà changé le trajet qu’il emprunte pour se rendre au travail.
Quant à la famille afro-américaine de Walter Scott, la mère de la victime, très croyante, pardonne au bourreau de son fils. Filmée par CNN dans un appartement, des membres de la famille chante une chanson pour surmonter leur douleur et prier. Un moment très émouvant.