On a beaucoup entendu la comparaison entre l'actuel président Barack Obama et son prédécesseur George W. Bush quand il est question de politique étrangère. Comme ce dernier, Barack Obama a laissé son administration et la NSA espionner massivement les citoyens américains et de nombreux leaders mondiaux. Comme Bush fils, il a poursuivi une guerre impitoyable contre Al-Qaida et des djihadistes par un usage des drones aussi peu transparent que meurtrier (pour les civils notamment). Comme Bush fils, serions-nous tentés de dire, il a maintenu la prison de Guantanamo ouverte, même si lors de son second mandat, il s'attèle à faire ce qu'il peut pour tenter de la fermer.
Mais il suffit d'observer la manière dont la Maison-Blanche traite de la crise ukrainienne pour se rendre compte à quel point Barack Obama n'est pas George W. Bush. Malgré les appels belliqueux de républicains de la trempe de John McCain ou d'autres à armer les Ukrainiens afin de les aider à affronter l'armée russe, au lieu de dire clairement que l'option militaire (par l'OTAN ou autre) contre Moscou est toujours sur la table, le président démocrate martèle que l'option militaire en l'occurrence n'apporterait rien. Il est prêt à fortement durcir les sanctions contre la Russie, mais veut toujours donner une chance à la diplomatie. L'accord inespéré de jeudi soir à Genève sur l'Ukraine, qui n'est pour l'heure qu'une promesse de papier, montre que la voie suivie par Barack Obama est la plus judicieuse.
Dans un autre dossier, on pourrait en dire de même. Durant ses deux mandats, George W. Bush n'a absolument rien obtenu des Iraniens. Barack Obama, qui leur avait déjà tendu la main en 2009 avant d'entamer en 2013 ce qui est perçu comme un début de rapprochement, a déjà obtenu bien davantage. Ecrasé par les sanctions, Téhéran a accepter de négocier sur son programme nucléaire. Pour l'heure, même si tout reste bien entendu fragile, l'Iran est en train de réduire ses activités d'enrichissement et l'Agence internationale de l'énergie atomique vient de se dire plutôt optimiste. On est encore loin d'un succès, mais la croyance de Barack Obama dans la diplomatie, après une décennie de guerres très meurtrières et coûteuses, produit des résultats.
Les critiques de cette nouvelle manière américaine de voir le monde sont désormais majoritaires. "Barack Obama mène de l'arrière". "Barack Obama a sapé l'autorité de la première puissance mondiale." "Barack Obama est le président le plus naïf qu'ait connu l'Amérique." Or imaginons une situation inverse. George W. Bush est à la tête des Etats-Unis et doit traiter avec Moscou au sujet de l'Ukraine. Son vice-président est toujours Dick Cheney. Les Etas-Unis et le monde seraient-ils dans une situation plus enviable aujourd'hui? On peut fortement en douter.
Les Européens furent extrêmement critiques de George W. Bush au point de refuser de se rendre aux Etats-Unis tant qu'il était à la Maison-Blanche. Ils ont longtemps fustigé l'aventurisme militaire de l'Amérique et la croyance que celle-ci avait les moyens d'implanter la démocratie n'importe où dans le monde au moyen de missiles Patriot ou d'une idéologie néoconservatrice aussi arrogante que déconnectée des réalités socio-culturelles, nationales, économiques et politiques des sociétés visées. Aujourd'hui, une majorité d'entre eux ont basculé dans le camp des critiques. Barack Obama, en qui ils ont vu le messie en 2008, les a profondément déçus. A certains égards, le premier président afro-américain des Etats-Unis a déçu. Mais les Européens devraient y regarder de plus près. Cela faisait longtemps qu'un président américain n'avait plus eu une politique étrangère aussi en phase avec les valeurs européennes. Aussi, comparer Barack Obama à George W. Bush, n'est-ce pas une forme sophistiquée ou déguisée d'un antiaméricanisme qu'on peine à s'avouer?
Barack Obama s'exprime sur l'accord de Genève: