Chef du Service national clandestin de la CIA et auteur du livre" Hard measures: how aggressive CIA actions after 9/11 saved American lives (mesures sévères: comment les actions agressives de la CIA après le 11-Septembre ont sauvé des vies américaines), José Rodriguez (photo Keystone) s'est senti obligé de livrer son point de vue dans le Washington Post. Quelques jours plus tôt, la Commission des renseignements du Sénat a voté en faveur d'une déclassification partielle (500 pages sur 6300) du rapport qu'il a établi sur les pratiques d'interrogatoire "renforcées" et la torture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. De plus, le président Barack Obama a promis un peu plus tôt qu'il allait procéder à la déclassification partielle du document. Or celui-ci, à en croire la présidente de la commission, la démocrate Dianne Feinstein, révélerait des pratiques beaucoup plus "brutales" que ce qui avait été décrit au Congrès qui aurait été "induit en erreur".
Face à ce mouvement en faveur d'une déclassification, José Rodriguez n'en démord pas. Les pratiques de la CIA ont perrmis d'obtenir des informations qui ont permis de décimer Al-Qaida et de sauver des vies américaines. Croupissant dans la prison de Guantanamo, l'un des cinq accusés du 11-Septembre, Khaled Cheikh Mohammed a été soumis à la simulation de noyade 183 fois. Il ne semble pourtant pas avoir livré des informations cruciales. Pour José Rodriguez, justifie la torture par la CIA en raison du contexte: on était après 9/11 et 3000 Américains venaient d'être tués par les djihadistes d'Al-Qaida. "Ceux qui pensent que nous aurions dû interroger Abu Zubeida (un haut responsable d'Al-Qaida) de manière plus douce n'ont jamais eu à porter le fardeau de protéger des vies."
José Rodriguez insiste aussi. Le programme de techniques d'interrogation renforcées de la CIA était efficace. Le chef du Service national clandestin de l'agence relève que celle-ci a corrigé les erreurs qui ont pu être commises. Il avance enfin l'argument définitif: le programme a été approuvé et jugé légal par les plus hautes sphères du gouvernement et le Département de la justice. Or le gouvernement de George W. Bush comprenait des figures telles que Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense, qui dit aujourd'hui encore dans un film de Errol Morris "Unknown Known" qu'il n'a pas lu les documents secrets évoquant la torture qui avait "fuité" et dont le New York Times avait à l'époque largement parlé. Il refuse toujours d'admettre que l'argumentaire pour envahir l'Irak (Saddam Hussein aurait été en possession d'armes de destruction massive et abriterait des éléments d'Al-Qaida) fut l'un des plus grands mensonges de l'Amérique de ces dernières décennies. Pour rappel, José Rodriguez lui-même avait donné l'ordre de détruire des vidéos montrant des scènes de torture.
José Rodriguez espère enfin que lorsque des portions du rapport seront publiées, la CIA aura un droit de réponse. Il espère aussi que le travail de ses successeurs ne sera pas rendu plus difficile en raison de cette publication.