L'événement, qui a eu lieu mercredi, n'a pas suscité une vague de nostalgie ou d'enthousiasme aux Etats-Unis. Contrairement à Ronald Reagan dont le centième anniversaire, il y a deux ans, donna lieu à plusieurs événements et à l'inauguration de statues en son honneur, Richard Nixon (photo le montrant en présence de Henry Kissinger/ AFP) reste le mal-aimé de la scène politique américaine. On est beaucoup plus disposé à célébrer l'anniversaire du Watergate, le scandale qui obligea le 37e président des Etats-Unis à démissionner. Un cas unique dans l'histoire du pays. Selon un sondage Gallup, deux Américains sur trois estiment que Richard Nixon a été un mauvais président. Aucun locataire de la Maison-Blanche n'a été aussi impopulaire au cours des 50 dernières années.
Mercredi soir, 400 personnes ont néanmoins participé à un dîner en son souvenir au Mayflower de Washington et, en mai prochain, un voyage sera organisé par la Fondation Nixon en Chine pour retracer les moments forts de la visite historique du président américain au dirigeant chinois Mao.
Au début des années 1970, Bob Woodward était un jeune reporter au Washington Post. C'est lui, avec son collègue Carl Bernstein, qui sortit le scoop du Watergate. Aujourd'hui, il confie à Politico que le scandale du Watergate était bien pire que ce qu'il en avait perçu à l'époque. A ses yeux, c'est une tache indélébile sur l'héritage de Nixon. "Ecoutez les cassettes. Elles montrent qu'il utilisait littéralement la présidence comme un instrument de revanche et de récompense personnelles." Plusieurs films sur Nixon ont souvent brossé l'image d'un président émotionnellement peu stable.
Preuve que les choses ont mal tourné pour Richard Nixon en termes de réputation, les conservateurs républicains Rick Perry, Mitch McConnell ainsi que le groupe de réflexion Heritage Foundation ont qualifié le démocrate Barack Obama de "Nixonian" au cours des derniers douze mois. Manifestement une insulte. Même Peggy Noonan, chroniqueuse du Wall Street Journal qui écrivait à l'époque les discours de Ronald Reagan ainsi que de George Bush père, a fustigé le candidat républicain à la présidentielle, Mitt Romney, en le décrivant comme un politique qui "ressemble à Richard Nixon".
Il y a manifestement une certaine injustice dans la sombre description faite du 37e président des Etats-Unis, même si l'homme avait de multiples facettes dont certaines ne manquaient pas d'inquiéter. Aujourd'hui, à analyser de plus près le bilan de Richard Nixon, certains républicains, souligne Politico, seraient frappés d'apoplexie. C'est en effet Nixon qui créa l'Agence fédérale de protection de l'environnement, qui a proposé une couverture santé universelle et qui soutint un amendement à la Constitution garantissant l'équalité des droits.
"Le personnage est beaucoup plus complexe que la manière dont on en parle", soulignait mardi soir sur la chaîne MSNBC le commentateur politique Chris Matthews, qui n'a pu s'empêcher de relever une anecdote: deux jeunes hommes de retour du champ de bataille de la Seconde Guerre mondiale s'étaient retrouvés dans le même compartiment à couchettes d'un train qui les ramenaient à Washington. Tous deux avaient des visions très différentes du monde. Le premier se nommait John F. Kennedy. Le second Richard Nixon. "Ils se parlaient", ironise Chris Matthews pour mieux montrer l'incommunicabilité qui frappent les membres du Congrès aujourd'hui.