L'Américain en question n'est pas n'importe qui. Ce n'est pas non plus le plus modéré. Chercheur à l'American Enterprise
Institute, un groupe de réflexion conservateur et ex-ambassadeur américain à l'ONU, John Bolton (photo Stan Honda/AFP) fustige dans une tribune libre publiée dans le Washington Times la décision d'attribuer le Prix Nobel de la Paix à l'Union européenne.
L'homme, on le connaît. Il n'aime pas ces grandes enceintes multilatérales qui font de la coopération la pierre angulaire de leur travail. Très affable (je l'ai interviewé à deux reprises à Washington), il est cependant capable d'asséner ses vérités avec une véhémence telle qu'elle en devient suspecte. La décision du Nobel est pour lui la preuve du biais idéologique du Comité du Prix Nobel. A ses yeux pourtant, celui-ci se fourvoie complètement dans sa lecture de l'Histoire européenne contemporaine. Pour John Bolton, le nationalisme n'est pas le facteur qui a mené l'Europe à la guerre et l'UE est précisément à ses yeux une manière d'éliminer ce nationalisme par le biais d'une organisation supra-nationale. Ce sont davantage la religion, l'ethnicité ou le fondamentalisme (islamique) qui provoquent des guerres.
Qui plus est, John Bolton estime que le Comité du Nobel traverstit l'Histoire de l'après-Deuxième Guerre mondiale. "Ce n'est pas en premier lieu l'intégration économique et politique européenne qui a maintenu la paix en Europe occidentale depuis 1945, mais la puissance brute américaine et l'OTAN. (…) Sans le baton de Washington, l'Europe occidentale aurait probablement été soumise à Moscou ou renversée militairement, (les Etats) devenant l'un après l'autre des satellites soviétiques ou finlandisés."
L'ex-fer de lance des néo-conservateurs soulève qu'il ne viendrait à l'idée de personne d'attribuer le Nobel aux Etats-Unis parce qu'ils ont défendu la liberté, se sont opposés au fascisme et au communisme et ont préservé la paix en Europe jusqu'à la chute de l'Empire du Mal." John Bolton ajoute une touche d'ironie: "Maintenant, il y aura même une bataille indécente consistant à savoir quels seront les leaders ou les organisations qui vont représenter l'UE pour toucher le prix à Oslo. C'est embarrassant pour l'Union européenne et une banalisation du Prix."