Après la COP26: graines d’espoir pour l’avenir de la planète

Le chemin non linéaire de la transition verte

L’essentiel en 7 points:

  1. La COP 26 a eu le mérite de relancer le multilatéralisme et l’action climatique dans un monde fragmenté par le COVID-19.
  2. La pression médiatique et la mobilisation de la société civile n’ont jamais été aussi fortes et pousse les gouvernements à relever le niveau d’ambition et accélérer la transition énergétique pour sortir des énergies fossiles et aller vers un avenir sobre en carbone.
  3. De multiples nouveaux engagements ont été pris, notamment pour réduire les émissions de méthane (en lien avec les sols, l’agriculture et l’alimentation) et mettre fin à la déforestation; la nature a eu sa place à la table des négociations. Si nous additionnons tous les engagements NDCs et tous les secteurs, nous sommes cependant encore loin du compte pour arriver à rester sous la barre des 1.5°C d’augmentation de la T°C mondiale.
  4. Les pays riches n’ont pas fait suffisamment preuve de solidarité envers les pays du Sud les plus impactés par le changement climatique, avec des lacunes sur les finances et les mécanismes de réparation des dommages.
  5. Les négociations internationales créent une environnement de coopération et d’émulation positive entre les Etats mais ne remplacent pas l’action locale et nationale.
  6. La COP27 sera présidée par l’Egypte au nom du continent africain et devrait reprendre les travaux pas terminés à Glasgow. La Ministre de l’Environnement Yasmine Fouad souhaite un processus transparent et inclusif avec toutes les parties prenantes et tous les acteurs de la société civile, y compris en renforçant le rôle des femmes.
  7. Le Secrétaire Général des Nations nous encourage à continuer à plantes les graines d’un avenir plus positif pour le climat, la nature et l’humanité.

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Le retour en train depuis Glasgow m’a donné le temps de la réflexion, après cet évènement majeur qui a rassemblé des milliers de personnes venues du monde entier. Nous partageons toutes et tous le même espoir pour l’avenir de l’humanité, celui de répondre au plan grand défi de notre siècle: le changement climatique. Nous rêvons parfois de résoudre ce problème complexe avec une baguette magique, en une fois, et lors d’une conférence, mais cela ne marche pas ainsi. Répondre au changement climatique demande un changement profond et systémique de nos sociétés, à tous les niveaux, dans les secteurs, et avec tout le monde à bord. Cette transformation a commencé. Mais elle ne se fait pas de linéaire. Elle empreinte plutôt un chemin sinueux, et avance à un rythme irrégulier, en fonction des avancées technologiques mais aussi des dynamiques de pouvoir exercées par les mouvements politiques et sociaux.

En prenant de la distance, on peut voir chaque COP comme un animal unique et différent à chaque fois. Ma première COP était en 2005 à Montréal. Depuis, j’ai eu la chance de participer à une dizaine de COPs, au sein de délégations gouvernementales, de la Présidence de la COP23, de représentant.e.s du Parlement Européen, de la société civile, du secteur privé ou encore des syndicats: COP11 – Montreal, COP23 – Bali, COP14 – Poznan, COP15 – Copenhagen, COP16 – Durban, COP21 – Paris, COP22- Marrakech, COP23 – Fiji, COP24- Katowice, COP26- Glasgow.

Dans ce “train” de COPs, en quoi celle de Glasgow était-elle nouvelle ?

Relancer le multilatéralisme et l’action climatique dans un monde fragmenté par COVID-19

Dans le tourbillon des Chefs d’Etat, des évènements, de la foule, des manifestations, de la couverture médiatique et de l’adrénaline, il aurait été facile d’oublier que nous émergions encore d’une pandémie majeure. L’obligation de faire un test anti-génique chaque matin était pourtant là pour nous rappeler la réalité. L’an passé, en 2020, et pour la première fois dans l’histoire des Nations Unies, la COP climat avait était annulée.

C’est déjà un miracle si la COP26 a pu avoir lieu. A ce titre, nous devrions exprimer notre gratitude envers le gouvernement britannique qui a assumé la Présidence de la COP, et a pris la responsabilité de ne pas reporter encore le sommet pour le climat, malgré un nombre incroyable d’incertitudes jusqu’au jour même de son ouverture. Il n’est pas étonnant d’avoir vu Alok Sharma verser des larmes dans les dernières heures de la plénière, avant d’être encouragé par des applaudissements lui redonnant courage pour finir la dernière ligne droite de ce marathon climatique.

La pandémie et ses multiples conséquences ont fragmenté le monde, divisé les nations, autour des questions de financement de la dette, et d’équité d’accès aux vaccins. Dans ce contexte, nous devrions célébrer le fait que la COP26 ait pu avoir lieu. Même si les résultats ne sont pas satisfaisants, c’était une étape essentielle pour relancer le multilatéralisme et l’action climatique.

L’esprit de Paris, du leadership partagé, est encore en vie

Certes ces COP onusiennes sont loin d’être parfaites. Elles emergent, vivent et survivent comme de grands organismes vivants dont les différentes parties interagissent de manière complexe. Elles sont imprévisibles et incluent souvent une dose de drame, avec des interventions émouvantes de la part des négociateurs et négociatrices des pays en développement, renforcées par la réalité tragique des impacts du changement climatique sur les populations les plus vulnérables. Les COPs restent essentielles, comme moments uniques dans le temps et l’espace qui permettent à toutes les nations de se rencontrer, se concerter et prendre des mesures conjointes pour répondre à l’urgence planétaire et protéger nos biens communs.

Nous partageons toutes et tous la même planète, devrions travailler ensemble comme une grande équipe, avec un seul objectif commun: sauver l’avenir de la planète et de l’humanité.

L’adoption du Pacte de Glasgow pour le climat par 197 nations redonne vie à l’esprit de coopération et de leadership partagé de l’Accord de Paris. L’accélération du changement climatique, comme relevé par le dernier rapport du GIEC, appelle aussi une accélération de la revue des objectifs climatiques des pays, qui souhaitent désormais le faire chaque année plutôt que tous les cinq ans. Dans ce contexte perturbé par la pandémie, les pays réunis à Glasgow ont aussi réussi à se mettre d’accord sur les derniers éléments du “Rulebook” (livre de règles), notamment sur l’article 6 concernant les mécanismes de compensation et de marché du carbone. Ils doivent aussi revoir leurs plans climat nationaux pour s’aligner avec l”objectif global de 45% de réduction des émissions d’ici à 2030, sur le chemin de la neutralité carbone d’ici à 2050.

La pression de l’opinion publique et des medias augmente, et pousse les gouvernements à relever le niveau d’ambition

Même en comparaison avec la COP21 à Paris, il n’y a jamais eu autant de pression sur les gouvernements pour relever l’ambition et accélérer l’action climatique. La couverture médiatique internationale, ainsi que la mobilisation des jeunes et de la société civile poussent les décideurs à agir, au niveau global, national et local. Les CEO des grandes multinationales sont eux aussi sous la loupe. Les engagements pris par certaines entreprises ayant un business lié à l’aviation ou l’industrie pétrolière, visant la neutralité carbone mais au prix de compensations carbones à l’étranger, ne sont pas suffisants. Réduire les émissions de gaz à effet de serre est un “must”. Investir dans les puits de carbone naturels est utile et complémentaire, mais ne doit pas remplacer la décarbonisation.

Les résultats positifs des COPs sont souvent le fruit de campagnes chevronnées et de multiples points de pression. En plaçant les leaders mondiaux sous les projecteurs, les medias créent un espace d’émulation positive, où il y a de moins en moins d’espace pour les fausses annonces. La crédibilité, l’authenticité, la transparence et l’engagement sont en haut de l’échelle. Le respect pour les autres aussi, respect pour la diversité culturelle, qui est au coeur du système des Nations Unies.

De multiples engagements ont été pris à la COP26. Nous n’allons pas tous les lister, mais en voici quelques-uns qui paraissent marquants:

  • Mettre fin à la déforestation d’ici 2030, c’est l’engagement pris par plus de 141 pays, représentants 90% des forêts, avec le soutien de 33 institutions financières représentant US $ 8.7 trillions d’investissements. C’est sans doute la première fois, lors d’une COP climat, que la nature a autant sa place à la table des négociations.
  • 107 pays ont rejoint l’UE et les USA pour réduire les émissions de méthane de 30% d’ici 2030, couvrant ainsi des secteurs importants liés à l’utilisation des sols, l’agriculture et l’alimentation.
  • L’Inde a adopté un objectif de neutralité carbone d’ici à 2070, contribuant ainsi à atteindre au total 88% des émissions mondiales et 90% du PIB mondial de taux de couverture pour la neutralité carbone. Cet élément a cependant été affaibli politiquement par la demande de dernière minute de l’Inde de revoir le texte final de Glasgow, pour remplacer la sortie du charbon par la “réduction” de la part du charbon.
  • 40 pays et acteurs de la finance ont lancé un partenariat stopper les financements aux énergies fossiles; l’Alliance Beyond Oil and Gas Alliance vise aussi la sortie des énergies fossiles. L’Afrique du Sud, l’Union Européenne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni travaillent de concert sur le “just transition deal”.
  • Près de 8000 acteurs non-étatiques, dont 1049 villes et régions ont rejoint la course pour le zéro carbone.

Cependant, ces engagements ne sont pas suffisants, et il y encore beaucoup à faire.

Si nous additionnons tous les engagements, nous allons vers une augmentation de la T°C de 2.4 °C (au lieu de 3.5°C auparavant); il y a donc une amélioration mais nous sommes encore loin du compte pour arriver à 1.5°C. Nous sommes passés de 52.4Gt avant Glasgow à 41.9 Gt, mais il faudrait être à 26.6 Gt d’ici 2030.

La second élément problématique, a clairement été aussi le manque de solidarité des pays les plus développés envers les pays en développement. Les pays les plus vulnérables attendaient un mécanisme de réparation plus fort, pour compenser les dommages causés par les impacts du changement climatique en particulier pour les pays insulaires.

Enfin, sur le volet finances, le compte n’y est pas pour atteindre les US $ 100 milliards par an pour aider les pays du Sud (entre 40 et 60 milliards selon les méthodes de calcul). Il faut ajouter que les Etats, ainsi que le FMI et la Banque Mondiale, ont déboursé des trillions pour les plans de relance économiques, suite au COVID, mais sans pour autant mettre en place des critères stricts et clairs pour assurer la neutralité carbone et les impacts positifs pour la biodiversité et l’équité sociale de ces investissements.

Le Green Deal européen, avec 672 milliards d’euros, établit un critère de 37% pour financer l’action climatique mais on est loin du compte pour la biodiversité avec seulement 1% de financements.

Tous les regards se tournent vers la Présidence égyptienne de la COP27

L’Egypte présidera la COP27 pour le continent africain. Il est certain que les questions des finances et des mécanismes de réparation reviendront sur la table.

Pendant la COP26, j’ai eu l’honneur de rencontrer la Ministre de l’Environnement Mme Yasmine Fouad. Elle a présidé la Convention sur la Biodiversité Biologique et mené les négociations sur les finances pour le climat pour la présidence britannique. Si elle devient la présidente de la COP27, elle mettra certainement à l’honneur aussi les solutions basées sur la nature, l’alimentation durable, et le dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes. Elle bénéficie du soutien du Secrétaire Général des Nations.

Pour conclure, il est clair que les négociations internationales ne remplacent pas l’action nécessaire au niveau national et local. Mais les COPs créent un environnement favorable à la coopération et aussi au relèvement du niveau d’ambition. C’est aussi à nous, en tant qu’individus, de prendre des décisions responsables et de faire de bons choix en tant que citoyen.ne.s, électeurs/trices et consommateurs/trices. En mettant en place des législations et des incitations économiques plus favorables, les gouvernements ont aussi un rôle fondamental à jouer pour encourager les individus et les entreprises à faire les meilleurs choix sociaux et environnementaux. La transition ne se fera que si elle est accompagnée des mesures de redistribution et d’équité sociale, pour que personne ne soit laissé de côté.

De toutes les réactions publiées et partagées après la COP26, celle du Secrétaire Général des Nations Unies reste celle qui paraît la plus clairvoyante.

“Le chemin n’est pas toujours une ligne droite. Il y a parfois des détours.”

” Comme le disait l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson: ne jugez pas chaque journée en fonction des récoltes effectuées, mais plutôt en fonction des graines que vous avez plantées.”

” Nous avons encore beaucoup de graines à planter le long de ce chemin. Nous n’arriverons pas à destination en un jour ou en une conférence. Mais je sais que nous y arriverons. C’est le combat pour nos vies.”

“N’abandonnez jamais. Ne rebroussez pas chemin. Continuez vers l’avant. Et et je serai avec vous tout le long du chemin.”

Elise Buckle

Elise Buckle travaille dans le domaine du climat et de la durabilité depuis 20 ans. Conseillère stratégique auprès des Nations Unies, titulaire des Masters LSE et Sciences Po, elle est Présidente de Climate & Sustainability, une plateforme de partenariat pour l’action climatique et a co-fondatrice SHE Changes Climate. Elle enseigne au Graduate Institute à Genève et au Glion Institute for Entrepreneurship and Sustainability.

3 réponses à “Après la COP26: graines d’espoir pour l’avenir de la planète

  1. Réduire les émissions CO2 alors que certains pays comme l’Inde et la Chine augmentent l’usage du charbon, personne n’ose s’en prendre à eux. L’occident est moqué et les dirigeants occidentaux se moquent de leurs peuples. Rien qu’avec le Bitcoin un consommateur d’Energie aussi important que toute la Suisse est né subitement sous les yeux et la barbe du monde entier pour encourager la délinquance financière.

    1. C’est vrai que l’équité Nord/ Sud est fondamentale. Chacun doit prendre ses responsabilités, nous devons tous et toutes agir, tout en s’assurant le soutien des pays riches vers les pays pauvres pour la transition énergétique et l’adaptation.

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