Forum Economique Mondial à Davos : Zelensky, Hindou Ibrahim et Al Gore exhortent les dirigeants à sortir de leur torpeur

Il y règne une ambiance plutôt décontractée, à Davos, cette année. La date de la rencontre annuelle des dirigeants politiques et économiques a été repoussée à Mai, au lieu de Janvier habituellement, en raison de la pandémie COVID-19.

Un air de Printemps, les fleurs dans les champs, les forêts verdoyantes, on aurait envie de croire à un renouveau à la fois dans le contenu et le style des rencontres.

Pourtant nous sommes sont vite rattrapés par la réalité d’un monde en crise, fragmenté, torturé et de plus en plus inégal.

Après tant d’années, le WEF (World Economic Forum) n’a pas changé son mode de fonctionnement. L’accès aux séances est uniquement sur invitation, les salles de conférence hors de prix pour les organisateurs et les logements quasiment introuvables. Seule l’élite politique et économique peut y participer. Un monde exclusif et élitiste, quand nous aurions tellement besoin d’inclusion et de diversité pour construire ensemble un avenir durable avec des solutions partagées.

Dans la fameuse Promenade qui relie les différents points de rencontre entre eux, les Ukrainiens ont loué le local qui sert d’habitude d’accueil pour la «Maison de la Russie », rebaptisée la « Maison des crimes des guerre de la Russie ». On y découvre des photos et vidéos qui tournent en boucle sur les victimes et les décombres de la guerre en Ukraine.

Le Président Zelensky ouvre les feux dès l’ouverture du Forum, devant un parterre de leaders médusés dans leurs costumes-cravates noirs et blancs : « ce qui se passe en Ukraine marque un précédent pour le monde : la brutalité ne discute pas, il n’y pas de place pour le dialogue comme ici, c’est une force qui cherche à anéantir et détruire son adversaire. »

« Il faut des sanctions économiques plus fortes et mettre fin aux importations de pétrole de la Russie » ajoute-t-il, tout en proposant la mise en place d’un fond de prévention des conflits et de réponse aux crises humanitaires et faire face à l’avancée de « la pauvreté, la faim et le chaos » qui menacent les populations bien au-delà de l’Ukraine.

Au milieu d’une série de déclarations de promesses et de bonnes intentions, Hindou Ibrahim, fondatrice de l’Association des Femmes Peules Autochtones du Chad, revient, elle aussi, sur la réalité du terrain. « Je reviens de deux semaines dans mon pays, et très honnêtement, c’est difficile d’être positive. La désertification avance de 4 kilomètres chaque année. Dans quelques années, ma ville natale sera envahie par le désert. Avec le manque de pluie, les gens ne peuvent plus produire à manger. Le prix du pain a explosé. Les gens ne peuvent plus se payer du pain. »

A la fin d’un dîner végétarien, entrecoupé de promesses des multinationales engagées pour un futur positif pour la nature, Al Gore prend à son tour la parole.

« Regardons la réalité en face : pour le moment c’est un échec. Les gouvernements et les banques n’ont jamais autant investi dans les énergies fossiles. Les impacts du changement climatique se font de plus en plus sentir, avec des immenses feux, des inondations, des villes sous l’eau. Nous continuons à donner à la Russie l’équivalent de US $ 100 millions par jour pour les importations de pétrole et de gaz. La guerre en Ukraine est une guerre des énergies fossiles. Et la réalité est que nous n’arrivons pas à nous en passer. C’est une véritable addiction. Comme les toxicomanes, qui ne peuvent plus s’injecter par les veines du bras, nous injectons entre les doigts de pieds, en détournant à moitié le problème.

Les solutions alternatives existent, les énergies renouvelables n’ont jamais été aussi bon marché. Mais leur déploiement n’est pas assez rapide. »

Il termine sur une note un peu plus positive : « gardez espoir, car la volonté politique, la volonté d’agir ensemble, c’est aussi une énergie renouvelable ».

Cette année, les organisateurs du WEF auront aussi fait un effort pour inviter de nouvelles figures de la transition écologique, à l’instar de Kahea Pacheco, co-directrice de l’Alliance des Femmes pour la Terre, un réseau de plus de 12,000 membres et femmes leaders d’actions positives dans leurs pays, y compris pour la protection des forêts tropicales, véritables réservoirs de carbone et de biodiversité. Elles luttent au quotidien contre les entreprises multinationales avides d’extractions de minerais et d’énergies fossiles, qui s’avancent sans leur accord sur leurs terres indigènes ancestrales.

Le CEO d’Amazon, Jeff Bezos a décidé d’investir des milliards pour soutenir les populations indigènes et sauver les forêts. Mais est-ce que cela sera suffisamment efficace, si les politiques en place et les incitations économiques ne changent pas ?

Comme disait Albert Einstein : « nous ne pouvons pas résoudre les problèmes avec le même mode de pensée que nous avions quand nous les avons créés ».

 

 

 

 

 

Elise Buckle

Elise Buckle travaille dans le domaine du climat et de la durabilité depuis 20 ans. Conseillère stratégique auprès des Nations Unies, titulaire des Masters LSE et Sciences Po, elle est Présidente de Climate & Sustainability, une plateforme de partenariat pour l’action climatique et a co-fondatrice SHE Changes Climate. Elle enseigne au Graduate Institute à Genève et au Glion Institute for Entrepreneurship and Sustainability.

2 réponses à “Forum Economique Mondial à Davos : Zelensky, Hindou Ibrahim et Al Gore exhortent les dirigeants à sortir de leur torpeur

  1. Il faudrait se dépêcher de passer en priorité et de toute urgence à des sources d’énergies propres, c’est minuit moins deux avec le problème climatique !!! La guerre en cours à l’Est aggrave encore considérablement cette situation déjà très problématique, c’est un véritable massacre, un carnage et un gâchis absolument horribles et inimaginables qui donnent vraiment l’impression que l’humanité sera incapable de s’en sortir avec les crises majeures à venir. Toutes ces réunions ne sont que du blabla et des artifices dilatoires, car nulle part il n’y a de réelle volonté politique de changer les choses pour éviter autant que possible l’anéantissement de notre civilisation dans les prochaines décennies. La priorité actuelle est hélas partout à une course suicidaire effrénée et absurde aux armements où il n’y a strictement aucun avenir viable, mais juste un effondrement imminent et très prévisible.

  2. Selon un think tank de Nashville, la propriété d”Al Gore consommerait vingt fois plus d’électricité qu’une maison moyenne américaine. Un comble pour celui qui encourage les Américains à réduire leur facture d’énergie (copie collé de L’express, mars 2007)

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