La santé (autrement)

La médecine actuelle est-elle « centrée sur le patient »?

Avant de critiquer le monde médical, je vais commencer par en dire du bien.

Il faut le rappeler, les professionnels de la santé ont (presque) tous la volonté d’exercer une médecine centrée sur le patient. Ils essayent d’individualiser les soins, en fonction des attentes et des croyances de chaque patient. Ils le font au quotidien, ce n’est qu’ainsi que leur travail a du sens.

Il faut cependant reconnaître qu’il s’agit pour le professionnel de la santé d’un défi permanent. Pour un médecin, il est parfois difficile de savoir ce que veut réellement le patient, une étape pourtant indispensable pour pouvoir lui proposer une prise en charge « centrée sur le patient ». Soit que le patient ne le dise pas clairement à son médecin, soit qu’il n’en soit lui-même pas vraiment conscient.

L’autre élément à signaler est que pour une médecine centrée sur le patient, il faut être deux. On a souvent tendance à incriminer le professionnel de la santé, le patient a certainement aussi sa part de responsabilité.

 

La médecine qui n’est pas centrée sur le patient

Il y a mille exemples.

Mais il y a des cas qui sont en apparence plus « banaux ». Je vous présente ci-dessous deux exemples qui proviennent de ma pratique récente. Le premier m’a été raconté par un de mes patients dont la mère est hospitalisée.

Le deuxième exemple va aussi vous paraître banal. Ceux d’entre vous qui suivent ce blog savent à quel point les déficits de communication dans le monde médical m’exaspèrent.

Ces deux cas illustrent les petits événements du quotidien médical où l’on se dit qu’il existe une réelle marge de progression pour évoluer vers une médecine centrée sur le patient.

 

Médecin et patient, deux mondes

Le dernier exemple montre le fossé qui peut parfois exister entre les médecins et les patients.

J’exerce la médecine depuis quelques années, en essayant d’intégrer dans mes consultations l’individualité de chaque patient, la lecture d’un article  sur la prescription d’un traitement adjuvant pour le cancer du sein m’a pourtant un peu secoué.

Les auteurs de cette recherche rappellent que le choix de suivre ou non un traitement repose sur une balance « risque – bénéfice », ils ont donc interrogé des patientes pour comprendre ce qui motivait leur décision de prendre ou de ne pas prendre ce traitement adjuvant (un traitement qui a comme objectif de diminuer le risque de récidive).

On se rend compte en lisant les réponses de ces femmes que les priorités des médecins et des patientes ne sont pas les mêmes. Le médecin propose à ses patientes tout ce qui est possible pour réduire le risque de récidive selon le principe que « faire plus » est toujours mieux. Les femmes elles parlent de leur expérience du traitement au travers des nombreux effets indésirables qu’elles ressentent et qu’elles vivent péniblement parce qu’ils altèrent la qualité de vie et ont des conséquences gênantes sur la vie sociale par leurs impacts négatifs sur la sexualité, sur l’activité professionnelle.

Ce travail est aussi intéressant car il montre que les médecins, qui souhaitent éviter une récidive à tout prix, ont tendance à banaliser les effets secondaires du traitement. Les auteurs écrivent « nous observons donc un décalage entre la perception des effets secondaires et leur pénibilité par les médecins et par les femmes ». Certaines femmes n’abordent plus le thème des effets indésirables lors des consultations car elles estiment que les médecins hiérarchisent la gravité des effets secondaires et banalisent les effets indésirables.

Exercer une médecine centrée sur le patient ? Un défi permanent pour les professionnels de la santé.

 

PS: l’article que vous avez sous les yeux est le deuxième d’une série d’articles sur ce sujet de “la médecine centrée sur le patient”. Le premier est intitulé “Une médecine centrée sur le patient : quand, quoi, comment, pourquoi?”Le troisième, en guise de conclusion, sera rédigé à partir de vos réponses: pour vous la médecine centrée sur le patient, c’est quoi ? Au moment de publier cet article, déjà 33 réponses 🙂

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